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Pratique

Première rentrée en REP : peurs et clichés revus et corrigés. Ou pas.

Lilia De Carvalho
20 juillet 2018 16:02
5 mn

Quand on débarque en REP, on a... peur (même quand c'est un choix). Alors Aude, qui a passé du temps en REP et qui ne veut plus en partir, propose ici de parler de certains de ces éléments qui nous empêchent de dormir alors que...

 

LES ÉLÈVES SONT VIOLENTS ET INGÉRABLES

Individuellement, les élèves sont adorables. Malheureusement, ils vivent dans une misère sociale importante et leur culture est souvent différente. Concrètement, cela signifie qu'ils manquent de repère. Cette absence de cadre laisse à certains l'espace pour devenir violents, d'autant qu'ils apportent avec eux en classe la violence qu'ils vivent dans les cités où ils habitent. Un des objectifs de l'équipe pédagogique est donc de créer ce cadre dont ils manquent. Les élèves de REP en ont encore plus besoin qu’ailleurs. On peut donc entendre, voir, vivre des choses violentes, mais en tant que prof, on doit se rappeler qu'on peut changer ça, au moins dans sa salle de classe, et ce sera déjà leur offrir un moment de paix relative dans leur journée. 

" On pense donc à construire des règles claires, comprises et cohérentes. "

Par rapport à un milieu scolaire plus "classique", on ne peut pas du tout se permettre de poser un cadre et de ne pas le respecter. Ce cadre peut bien sûr évoluer mais il faut l’expliquer, l’expliciter et toujours, toujours RESTER COHÉRENT.E ! Toujours, tout le temps. L'enjeu est de leur montrer que vous représentez l’adulte responsable, ce dont ils n’ont pas l’habitude. 

" Le gros piège, c’est de vouloir être aimé.e. "

La posture à adopter est aussi déterminante. Or notre rôle n’est pas d'être aimé.e. La relation affective est importante, mais notre métier consiste à guider nos élèves vers les apprentissages et leur donner le goût d’apprendre. Ce piège est peut-être le plus difficile à éviter. Il vaut peut-être mieux dans ce cas être TROP strict.e au début et poser le cadre de façon très solide pour se donner ensuite la liberté de se détendre au sein de ce cadre.

 

DES ÉLÈVES PAS IMPLIQUÉS

En REP, les élèves ont des besoins énormes pour parvenir à « remplir leurs vies » au niveau social et culturel. Ils ont besoin de voir d’autres choses que leur environnement quotidien, ils sont peut-être moins blasés que les autres. On voit par exemple des élèves qui s’inscrivent à tous les ateliers, qui restent jusqu’à la fin de la fin de l’année, alors que même les profs se demandent ce qu'ils font encore là ! Même les élèves perturbateurs adorent le collège. C’est une deuxième maison pour eux. Beaucoup attendent d'ailleurs la rentrée pour retrouver ce cadre stimulant et connecté aux autres. Donc les problèmes ne viennent pas de l'implication ou de la volonté d'être là pour beaucoup. 

 

LES PARENTS 

Évidemment, il arrive que certains parents ne suivent pas leurs enfants, mais finalement il y en a peu. Dans ce cas, il est difficile d’aller jusqu’au bout du rôle éducatif. Mais en REP, les parents ont le plus d'attentes par rapport à l'école. Ce que le prof dit est très important pour eux et est très pris en compte. Les parents croient au système scolaire et à l’institution pour aider leurs enfants à réussir. 

La différence réside surtout dans la réaction des parents. Les différences de cultures peuvent en effet mener à des punitions lourdes voire corporelles. Ça arrive. Il faut être vigilant tout en se déculpabilisant. Un prof fait ce qu’il pense être bien et agit pour l’élève. En cas de gros dépassements des règles, même si on sait ce que ça peut impliquer pour l'élève quand il va rentrer chez lui, on ne peut pas changer la vision de l’éducation des parents. Ce n’est pas notre rôle. En tous cas, pas le premier. 

 

LES LOCAUX SONT… HORRIBLES !

C'est très variable. L’état de l’établissement n’a rien à voir avec son classement REP ou non. Les locaux délabrés, c’est une réalité sur tout le territoire. Ce sera donc l'affection qui va définir ça...

 

NIVEAU AU RAS DES PÂQUERETTES

C’est vrai. Alors on fait quoi avec le programme ?  Il faut le finir alors que le niveau ne le permet pas ! Il faut lâcher ! Surtout si on est dans les petites classes. Il faut prendre le temps d’accompagner les élèves qui n’ont pas les bases pour reconstruire ce qu'on peut. Tant pis pour le timing. Les programmes ne sont donc pas faits pour les élèves de REP en termes d’attente. Même si globalement, en secondaire,  il faut faire en sorte qu’ils arrivent au brevet, mais il faut s’adapter. La différenciation est ici fondamentale car l'hétérogénéité est encore plus marquée en REP.

 

IL FAUT INNOVER

En REP, innover, c'est fondamental et c'est en plus, plus facile ! Comme on ne peut pas faire autrement, mettre en place des nouvelles choses devient de l'ordre du réflexe. On essaye, on tente, on teste, on se trompe. Les élèves sont très reconnaissants de voir ce dynamisme, et leur retour est très rapide. Une fois qu'on a passé quelques temps dans cet état d'esprit, on ne peut plus s'en passer, quelque soit notre établissement ! 

 

DIFFICILE DE GÉRER ÉMOTIONNELLEMENT

Ça dépend vraiment de chacun.e. Personnellement je mets une barrière entre le moi professionnel et le moi personnel. L’objectif est que ma classe soit un havre de paix et une parenthèse dans la vie de ces élèves qui est compliquée. Je veux faire en sorte que mon cours soit un moment de la journée où ils sont traités comme les autres, où ils sentent qu'ils ont les mêmes chances que partout ailleurs. Les règles de la classe servent à apporter un cadre sécure physique, affectif et émotionnel. Ils manquent d’adultes auxquels se référer et fiables. L’enseignant représente ce cadre. 

 

DES ÉQUIPES SOUDÉES

La réalité de la REP, c'est souvent des équipes plus jeunes, avec un turn over élevé. Les conditions de travail particulières rendent en général l’accueil génial. Les enseignants sont prêts à nous aider quand on arrive parce qu’ils ont tous vécu la même chose et qu'ils s'en souviennent ! Le quotidien, qui est quand même rythmé par des difficultés, amène les équipes à être soudées, c'est impossible autrement ! 

 

CONSEILS À GARDER EN TÊTE !

  • Déstresse : les élèves sont très attachants et gérables.
  • Profite de tes collègues : demande de l’aide, va les voir, pose leur des questions sur leur pratique, ose demander qu'ils viennent dans ta classe pour avoir un retour.
  • Répète toi que tu ne seras jamais un prof parfait. Des cours qui se passent plus ou moins bien, c’est normal !
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