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Monsieur Z. - Quand le confinement nous ouvre des portes : rester chez soi et entrer chez eux

Julia Barré
19 mars 2020 17:48
5 mn

Seul avec (quasiment) tous !

Je me présente : je m’appelle Frédéric L, j’ai 42 ans et je suis comme vous, un enseignant confiné anonyme. Ça fait désormais trois jours que je ne crie plus, que je ne passe plus mon temps à répéter 35 fois les mêmes choses : « Ouvre ton livre… On est en français… Oui faut écrire ce que j’écris au tableau… OUVRE TON LIVRE ! » Que je ne fais pas 8h-17h.

Bizarrement, je fais désormais 9h-4h. 
Oui la fameuse continuité pédagogique épidémique. Je suis en plein dedans. Et cette continuité ne connaît pas la crise.
Alors bien sûr, au départ, rien ne fonctionnait. J’avais pas l’ombre d’un devoir rendu. Les plateformes éducatives passaient de vie à trépas. Tout avait été préparé. Si ce n’est la présence d’élèves sur lesdites plateformes. Pronote découvrait avec stupeur que les élèves, ça peut se connecter en masse. 

Pour qui sonne le glas ? Heureusement, il y avait toujours un moyen. Pour recréer le lien. Et ainsi sauver le soldat Ryan :

« Élève de première bac pro ».

 

Quelles étapes pour la mise en place de la continuité pédagogique ?

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Pré-requis

Se faire violence. Oui. Il allait falloir. Le temps de quelques semaines, ajuster son costume d’enseignant et sa pédagogie et entrer dans le territoire « ennemi », se salir un peu les mains.

Ouais, j’avoue. Je me suis retrouvé sur Insta. Ouais j’ai accepté. 

Quand mes élèves de première BMA m’ont proposé de rejoindre leur groupe d’artistes activistes, j’ai dit oui. J’avais la chance d’avoir un second compte, celui de mon blog, ce qui m’a permis d’échapper aux remarques du type « Ohhhhh mais vous êtes allés à Diiiiiiiiiiiiiiiiiiisneyyyyyyyyyyyyyyyyyyyy » ou « Ohhhhhhhhhhh vous étiez jeuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuune ». Je suis donc entré de plain-pied dans leur univers, plein de « askip, MDR, JPP » et Celia, que je salue, a commencé à m’introniser de cette manière : « Commencez pas à le rendre fou le prof, ici c’est le groupe sérieux on parle que du français. »

Top choupinou. Bon ça a duré 3 minutes. Mais qu’importe.

Car, par ce biais, j’arrivais à avoir en quasi direct des questions et des réponses à tous les exercices que j’envoyais par mail. Comme si j’étais en classe. La différence étant qu’en classe, ils étaient souvent trop occupés à discuter entre eux plutôt que faire mon travail. Le confinement créait une sorte d’émulsion pédagogique. On ne m’avait jamais autant posé de questions pertinentes. 

 

Autre défi : une certaine élasticité au niveau des attentes. De plusieurs ordres.

Je fonctionnais donc par mails. Le mail, accessible à toutes et tous, permet une communication de tous les instants. De tous les instants. Donc forcément, le confinement entraîne un changement de rythme chronobiologique qui va de ce fait entraîner le réveil de certains de vos jeunes. Je découvrais que, comme Batman, le jeune aime communiquer la nuit. Je recevais donc des mails à 1h, ou une rédaction tout à fait réussie d’Enzo à 2h. Oui. Enzo. Celui qui dort toujours en classe au dernier rang.

Ma boîte mail devenait l’auberge espagnole ou l’hôtel du libre-échange ! Mais méfiez-vous : quand le jeune voit que vous êtes réactif… il devient par ce fait très réactif. Le lien se crée.

Idem sur le format : je recevais des textos de 120 000 caractères avec des réponses aux questions formulées, des photos avec rédaction argumentative + orteil de pied manucuré. Chacun y allait de sa stratégie.

Mais au moins :

Ça bossait.

 

Enfin quasiment. Vous aurez toujours les réfractaires, « les territoires perdus des lycées pro ». Ceux qui ont besoin du joug tyrannique, du regard inquisiteur, le vôtre en l’occurrence, pour travailler. Ceux qui bizarrement n’ont pas de réseau, pas de batterie, sont partis dans le Larzac. Oui mais on ne peut pas tout réussir. Comme en classe.

Pour finir, je pense que ce confinement aura permis beaucoup de choses. Voir qu’on peut travailler différemment, à la fois dans les contenus, mais ça je suppose qu’on le savait déjà tous, mais surtout dans le mode de communication élève/enseignant. Et nous n’en sommes qu’au troisième jour de confinement.

Allais-je me retrouver avec des oreilles de lapin en train de débattre sur la Ve République face à une classe attentive ? Juste car le prof, « Tia vu il essaye de nous apprendre des trucs comme on aime ».

Ou connaîtrais-je le numéro de tel de mes élèves par cœur, à force de faire des FaceTime avec eux le matin avec mon visage bouffi, tout ça pour leur expliquer les consignes. Why not. 

Et si, l’année prochaine - soyons fous, on ne créait pas tous ces instruments là pour communiquer dès le début ? Même sans confinement.

 

Frédéric Lapraz 
Dit « Monsieur Z »
Sévissant sur FB Zarp In Lep et Insta @Zarpinlep

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