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Revue de presse internationale sur le retour en classe et l'apprentissage à distance

Julia Barré
27 avril 2020 15:17
5 mn

Cette revue de presse internationale entre dans le cadre de la veille contributive que Louis Derrac, consultant et formateur spécialisé dans les domaines de l’éducation et de la culture numérique, a lancée autour de la continuité pédagogique mise en place en France et dans le monde.

Voici un deuxième article sur la continuité pédagogique vue de l’étranger, pour comprendre les similarités ou les différences de vécus entre pays, et commencer à construire de l’intelligence collective autour de ce qui se déroule dans le monde de l’éducation. Vous pouvez retrouver le premier article ici.
 

Des profs fatigués, inquiets, mais qui assurent la continuité pédagogique

Il y a d’abord eu une première phase de mise en route assez chaotique de par le monde. Avec quelques différences selon les pays qui avaient laissé plus ou moins de temps à leurs enseignants pour se préparer ou qui avaient déjà l’habitude de l’enseignement à distance.

Mais globalement, les débuts ont été assez chaotiques : la technique qui ne suit pas (Internet en général a bien chauffé, et notamment les sites mal développés pour supporter la charge) et les enseignants qui doivent revoir leurs scénarios pédagogiques en urgence. Les injonctions multiples, contradictoires.
 

 

Après la crise, une stabilisation

Ensuite, il y a eu les formidables dynamiques de partages entre enseignants, sur les réseaux sociaux (des groupes Facebook, des comptes Twitter), les blogs et par le biais des collectifs d’enseignants, la mobilisation des acteurs publics et privés, les conseils aux parents paniqués qui se sont multipliés. Et les choses se sont, toutes proportions gardées, stabilisées.

Mon conseil est de laisser vos enfants profiter des vacances et de s'amuser jusqu'à ce qu'ils s'ennuient. Ensuite, ils voudront se consacrer à des activités d'apprentissage qui leur sont proposées.

Chris Dyson, directeur d'école dans l'article “Let your kids get bored': emergency advice from teachers on schooling at home” de The Guardian


La crise du Covid-19 est l’occasion de rappeler, une fois de plus, que les enseignants sont des professionnels. Que leur métier est hautement complexe et qu’il ne s’improvise pas. Les parents s’en sont rendu compte, et la relation de co-éducation semble avoir déjà changé dans beaucoup de régions du monde. Quelque chose de très positif à garder pour la suite donc !

Ce n'est pas facile, l'enseignement. Je n'ai pas pu expliquer correctement un problème de maths compliqué, alors nous avons envoyé un e-mail à son professeur pour lui demander de l'aide et il a appelé peu après, et Kayden a parfaitement compris.

Faith Mkhonto, habitante de Southampton, dans le sud de l'Angleterre, mère d’un enfant de 7 ans.


Autre aspect hautement réconfortant en des temps où les relations humaines sont distendues : partout dans le monde (comme le montrent ces articles aux États-Unis, en France et au Canada les enseignants manquent terriblement aux jeunes. Les jeunes manquent terriblement aux enseignants. Les jeunes se manquent terriblement entre eux. L’humain est un animal social. Et l’école est un lieu incontournable de cette socialisation.


La réouverture prochaine des établissements scolaires fait l’objet d’inquiétudes

Partout dans le monde, le déconfinement des écoles angoisse les enseignants et les parents. La mise en œuvre concrète tarde à arriver, les différents responsables ont du mal à communiquer entre eux. En France, la confiance des enseignants vis-à-vis de leur ministère est particulièrement limitée.

Des experts en santé publique peuvent-ils expliquer pourquoi les autorités ont dit il y a un mois qu’il fallait fermer les écoles et les garderies parce que les enfants pouvaient être un vecteur important du virus – même si on interdisait toute visite chez les aînés – et que ce ne serait plus un enjeu ?

Véronique Hivon, la porte-parole péquiste en matière d’éducation et de familles dans cet article de Radio Canada.


On notera que le Danemark est le premier pays à avoir rouvert ses écoles, dans une ambiance inquiète. Une enquête du New York Times permet de voir ce qu’il en est des premières mesures d’hygiène mises en place pour éviter la contagion :

Pour empêcher la propagation de l'infection, les parents n'étaient pas autorisés à entrer. Les enseignants ne pouvaient pas se réunir dans la salle des maîtres. Les enfants avaient désormais chacun leur propre bureau, à deux mètres de leur voisin le plus proche. Pendant la récréation, ils ne pouvaient jouer qu'en petits groupes. Et lorsque l'école a fermé à nouveau à 14 heures, ils s'étaient tous lavé les mains au moins une fois par heure pendant les six dernières heures.

Article du New York Times : In Denmark, the Rarest of Sights: Classrooms Full of Students


Nouvelles de l’enseignement supérieur : enseignement à distance, évaluations, coûts universitaires

L’enseignement supérieur à distance se fait plus facilement que l’enseignement scolaire. Les étudiants sont autonomes, ce qui fait toute la différence. Ils sont pour beaucoup équipés de leur propre ordinateur, ce qui simplifie aussi les choses. C’est sans compter bien sûr toutes les inégalités sociales, déjà évoquées dans l’article précédent.

Même si l’enseignement se fait plus facilement, il n’empêche que les interactions ne sont pas les mêmes. Donner cours face à son écran alors que les étudiants désactivent leur caméra pour « préserver le débit », ce n’est pas facile. Générer de l’interaction, faire travailler les étudiants en groupe, ce n’est pas simple non plus. On se retrouve donc souvent sur des expériences « dégradées ».

Ce que des millions d'étudiants du monde entier vivent en ce moment sur Zoom et d'autres plateformes de conférence n'est pas un apprentissage en ligne, mais plutôt un apprentissage à distance. Susan Grajek de Educause, l'association des technologues de l'éducation, distingue l'apprentissage à distance de "l'apprentissage en ligne bien réfléchi et durable". L'apprentissage à distance, dit-elle, est une "stratégie d'atténuation rapide, ad hoc et de basse fidélité".

Ryan Craig, fondateur et directeur général de l'University Ventures

 

Les évaluations et examens d’entrée sont un casse-tête

La situation actuelle pose de très nombreux problèmes sur l’évaluation dans l’enseignement supérieur, ainsi que sur les examens d’entrée qui ont commencé à se dérouler, à distance, pour de nombreux établissements.

Ainsi, de nombreux professeurs d’université estiment qu’il faudrait annuler les examens. En France comme ailleurs, l’organisation des partiels et des examens d’entrée sont un véritable casse-tête. Choix des modalités d’évaluation, des outils numériques, limitation des inégalités (différences d’équipements, prise en compte du handicap, etc.), les problèmes sont légion.

Nous avons passé toute notre vie à préparer un type d'examen très différent. L'université ne peut pas prétendre que ce sera le reflet réel de nos capacités.

Daniel Wittenberg, étudiant en langues à l'université de Cambridge


Les étudiants et beaucoup d’enseignants sont également inquiets de l’usage d’outils numériques jugés intrusifs pour assurer le contrôle des examens. Des solutions qui traitent des données hautement personnelles (flux de la webcam, utilisation du clavier et analyse par une IA). En Australie par exemple, les étudiants souhaitent plus de transparence.

Je serais d'accord avec cela si j'avais une transparence totale. Avec des informations réelles sur le lieu où les données sont stockées, sur les personnes qui peuvent y accéder et sur la conformité avec la réglementation australienne en vigueur.

Sasha Personeni, étudiante de l’ANU en Australie dans cet article de The Guardian

La période actuelle est également l’occasion pour certains de revenir sur l’un des plus vieux et grands débats de l’éducation : la question de l’évaluation elle-même. Une réflexion à intégrer sans aucun doute pour imaginer « l’école d’après » ?

Il serait sot de ne pas en profiter pour tourner la page de décennies de catastrophes docimologiques – la docimologie est la “science des examens” – qui ont frustré, découragé, puni des générations entières de gamins qui, comme le disait Michel Galabru, “ne comprenaient pas ce qu’on leur voulait” aux temps T des évaluations imposées alors qu’un rythme différent, mieux adapté, mieux outillé de processus d’évaluation concertée, d’auto-évaluation et de partage de conseils permettant aux élèves de maîtriser progressivement ce qu’ils ne maîtrisent pas encore à ce fameux temps T, leur aurait permis d’écrire une tout autre histoire de vie.

Tribune de Jean-François Horemans et Alain Schmidt 

 

Autres articles sur la mise en place des examens

Royaume-Uni : ‘It’s a nightmare’: how coronavirus is wreaking havoc on students’ exams
Belgique : Profitons de la situation pour revoir complètement notre façon d’évaluer les élèves
Australie : Students alarmed at Australian universities’ plan to use exam-monitoring software
États-Unis : Evaluating Teaching During the Pandemic
France : A l’université, le casse-tête des examens en ligne

 

Des plateformes numériques se mettent en place

Partout dans le monde, de nombreuses plateformes ont été mises en place pour faciliter le travail d’enseignement à distance des enseignants et mettre à disposition des ressources. Il est à noter que selon les pays, les initiatives étaient d’ordre public, d’ordre privé, ou d’un partenariat public/privé.

Plusieurs de ces plateformes consistent, pour les Edtech, à rendre leur solution gratuites, ou en partie gratuites, le temps du confinement. Quelques exemples :

Certaines entreprises d'enseignement en ligne offrent leurs services gratuitement pendant l'épidémie. TAL Education a annoncé sur son compte officiel Weibo des cours en direct gratuits pour tous les niveaux afin de "minimiser l'influence de l'épidémie sur les études" tandis que VIPKID, spécialisé dans l'enseignement de l'anglais en ligne, a déclaré sur Weibo qu'il proposerait 1,5 million de cours en ligne gratuits aux enfants âgés de quatre à douze ans.

Article du South China Media Post : Les écoles traditionnelles chinoises adoptent l'apprentissage en ligne car le coronavirus oblige les élèves à rester chez eux

Ces plateformes doivent maintenant prouver leur utilité. Au Canada, les retours concernant l’École ouverte ont été mitigés. Ainsi on peut lire par la plume de Ninon Louise LePage le retour d’une enseignante qui se demande s’il est « possible de croire que les élèves non motivés avant la crise s’autorégulent pendant celle-ci en butinant d’un site web à l’autre, à la recherche d’exercices d’apprentissage pour se maintenir à flot ? ».

L’UNESCO a également initié une « coalition mondiale pour l’éducation » et liste entre autres sur son site des solutions d’apprentissage à distance. Pour certains, cette coalition pose question : la présence parmi ses membres de grosses entreprises privées (Google, Facebook, Microsoft, Coursera, Zoom, KPMG, etc.) fait débat, et les objectifs opérationnels concrets ne sont pas très clairs.


La Edtech se positionne…

Partout dans le monde, la Edtech (pour Educational technology, technologie de l'éducation) se positionne « au mieux » dans la crise, suscitant de très nombreuses réactions de satisfaction, de remerciement, mais aussi d’inquiétude et de défiance.

À une échelle macro, des organisations comme l’OCDE ou l’UNESCO prennent position sur le futur de l’éducation et sur le rôle des Edtech doivent y jouer :

L'éducation aurait pu bénéficier de meilleures et plus nombreuses solutions numériques pendant la crise du coronavirus - il est temps de réfléchir au rôle que la technologie numérique devrait avoir dans l'avenir de l'éducation.

Stéphan Vincent-Lancrin, analyste senior et chef de division adjoint de l'OCDE

 

…et rencontre des résistances

Beaucoup d’enseignants s’inquiètent que la situation actuelle puisse être considérée comme un « laboratoire pour le futur de l’éducation. Il faut garder les deux pieds sur terre, et prendre la mesure de ce qui se perd dans l’enseignement à distance », rappelle Caroline Quesnel, présidente de la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ-CSN).

Ben Williamson, Chancellor’s Fellow à l’université de Edimburg, et auteur de Big Data in Education: The digital future of learning, policy and practice, réagit lui aussi vigoureusement à la générosité dont font preuve les Edtech de par le monde :

Les technologies d'urgence ne seront finalement pas nécessaires pour aider les professeurs et les élèves à traverser la pandémie. Mais pour l'industrie des technologies de l'information et de la communication, l'éducation a toujours été conçue comme un lieu de crise et d'urgence. Le discours "l'éducation est cassée, la technologie peut la réparer" remonte à plusieurs décennies. La pandémie actuelle est utilisée comme une opportunité expérimentale pour l'edtech afin de démontrer ses avantages non seulement dans une situation d'urgence, mais aussi comme un mode normal d'éducation pour l'avenir.

 

Louis Derrac, consultant et formateur spécialisé dans les domaines de l’éducation et de la culture numérique

 

L'article original a été publié sur le site de Louis Derrac sous Licence Creative Commons et partagé avec son accord.

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