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Pratique

5 dispositifs pour démarrer l’année (et la poursuivre) avec des élèves "décrocheurs" en élémentaire

Évelyne Marceau
17 novembre 2022 17:41
5 mn

Un jour du mois de juin, lors d’une réunion de répartition des élèves, on m’annonce que c’est à moi d’avoir Kévin, un élève décrocheur, difficile parfois à gérer. On me fait comprendre que l’année va être difficile, mais en même temps que c’est à mon tour de « m’y coller ».

C’est la rentrée, je découvre mes élèves. Au bout de quelques heures, je me rends compte qu’un élève non signalé, un élève dont je n’ai pas entendu parler sauf en ces termes : « C’est… un élève décrocheur. » Il écrit très peu ou à un niveau de CP, pique des colères. Il va me falloir beaucoup de patience et d’écoute. Je décide rapidement d’organiser une rencontre avec ses parents car le collège c’est dans deux ans. Ma mission pour cette année, entre autres, c’est de pouvoir accompagner cet élève le mieux possible pour lui permettre de progresser.

En ayant la liste en main des élèves de notre classe à la rentrée, nous nous retrouvons avec des élèves dits décrocheurs, parfois perturbateurs, et nous ne sautons pas de joie à l'idée de les avoir dans notre classe. On identifie très vite qu’ils ou elles ne peuvent pas être élèves. Ce sont des enfants qui entrent dans un processus de désintérêt progressif de l’école, dans la spirale de l’échec scolaire. Ils peuvent être passifs ou actifs, c'est-à-dire ne rien faire ; ou être dans la violence verbale et/ou physique (vous pouvez retrouver dans cet article une définition plus précise). 

Pour ces élèves, il va falloir que nous trouvions un moyen de les raccrocher aux wagons du train des apprentissages pour cette année scolaire. Notre mission est d’enseigner, d'accompagner tous les élèves dans leur parcours scolaire en tenant compte de leur diversité (selon le Référentiel de compétences des métiers du professorat et de l’éducation). Réussir le début d’année avec les élèves est important, encore plus avec ces enfants décrocheurs : leur redonner confiance, développer le sentiment de sécurité et d’appartenance dans le groupe classe sont les premiers objectifs de ce début d’année. 

Nous allons vous présenter des outils que nous utilisons dans nos classes : le conseil de coopération, le « Je fais partager », les projets personnels, le tutorat, les rallyes en français et en mathématiques qui permettent, à notre sens, d’engager les élèves décrocheurs, de développer des relations positives au savoirs et aux apprentissages, et trouver une place dans la classe.

Le conseil de coopération

Le conseil de coopération est un premier outil pour raccrocher les élèves. C’est un lieu de partage et de discussion. Les élèves prennent la parole, s’écoutent. Il a lieu toutes les semaines. Les élèves peuvent être secrétaires, pour noter dans un cahier les propositions votées pendant le conseil ; ou président(e), pour lire les propositions écrites par les élèves, donner la parole à leurs pairs et conclure les discussions. Les élèves choisissent ces responsabilités au rythme de votre choix. 

Tous les élèves s’investissent dans ce conseil. Au début, les décrocheurs observent, et peuvent aussi perturber. Il faut alors poser les règles dès la première séance que vous dirigez. Mais rapidement, les élèves entrent dans le fonctionnement du conseil. Nos décrocheurs ont écrit des propositions, les ont fait voter, votent eux-mêmes, prennent la parole. Cet outil peut permettre aux élèves décrocheurs de revenir vers le sentiment d’appartenir à un groupe classe. C’est un premier pas vers leur intégration dans la vie de la classe, une reconnaissance, une valorisation.

Aucun jugement n’est autorisé. Chaque parole est entendue et écoutée quel que soit l’élève qui s’exprime. Sa place dans la classe et le regard qu’il porte sur lui-même se transforment. Ainsi que celui de ses pairs. L’élève dont j’ai parlé dans l’introduction m’a montré que cet outil pouvait déclencher un engagement de sa part. Alors qu’il était président, il a fait voter une nouvelle modalité : quand un élève parle, les autres ne lèvent pas la main, ils attendent. 

Il était très fier de lui, et a trouvé sa place grâce au conseil. Il était au même niveau que les autres.

Le « Je fais partager »

Cette activité nous vient de la pédagogie Freinet. Elle permet à tous les élèves de prendre la parole face au groupe classe. Ils s’inscrivent dans la semaine sur un tableau visible de tous. Ce moment peut avoir lieu le matin, et vous pouvez le mettre en place à votre convenance sur votre emploi du temps. 

Les élèves nous présentent un livre, un souvenir, un dessin, un texte. Ensuite, le groupe classe pose des questions, fait des remarques. Cette activité dure maximum 10 minutes.

Elle permet de développer la maîtrise de l'oral, d'apprendre à produire un oral structuré. L’élève se sent reconnu dans sa singularité, valorisé dans ses centres d’intérêt.

Cet outil peut aider des décrocheurs instables au niveau de l’écrit à pouvoir partager des connaissances oralement. Ces élèves montrent qu'ils savent aussi, et peuvent partager avec le groupe classe. 

Comme pour le conseil de coopération, les regards changent. Ces élèves prennent confiance en eux et arrivent à prendre la parole face au groupe, un exercice qui n’est pas si facile.

Les projets personnels

Dans votre emploi du temps, vous pouvez instituer un moment dédié aux projets personnels. Les élèves travaillent seuls ou en groupe. Ils choisissent leur sujet qui sera présenté à la classe. Vous pouvez circuler entre chaque groupe pour soutenir les élèves. Une date limite doit être donnée. 

À la fin de la séance, vous reprenez oralement chaque projet en demandant aux élèves d’indiquer leur sujet, leur avancée, leurs difficultés. Certains élèves utilisent ces projets personnels pour présenter le « Je fais partager ».

Les élèves décrocheurs s’investissent, oublient leurs difficultés, apprennent à coopérer, ont une meilleure estime d’eux-mêmes et elles-mêmes. 

Ce moment est magique. Les décrocheurs font partie du groupe. Ils ou elles produisent des écrits sous la forme de textes ou dessins, planifient, cherchent, argumentent, discutent avec leurs pairs. En bref, travaillent sans s’en rendre compte. Ces élèves montrent des compétences qui seraient invisibles ou absentes lors d’une modalité traditionnelle.

Le tutorat

Un tuteur ou une tutrice est un élève volontaire et formé aux gestes de l’explication. Être tuteur, ce n’est pas donner les bonnes réponses, c’est guider. Il est important d’indiquer les moments où le tutorat est possible (afin de laisser un temps individuel de recherche). Les élèves décrocheurs peuvent ainsi trouver de l’entraide et parfois devenir à leur tour tuteurs dans des disciplines où ils se sentent plus à l’aise.

Il suffit de trouver un sujet sur lequel nos élèves sont experts (ça peut être tout à fait en dehors du champ des disciplines académiques), et organiser un temps d'échange d’expertises : un grand marché des connaissances, en quelque sorte !

Les rallyes en français et en mathématiques

Les rallyes sont une modalité pédagogique challengeante pour les élèves. Ils leur permettent de coopérer et de s’engager dans les apprentissages sous une forme plus ludique. Prévoir des rôles dans chaque groupe (maîtres du temps, secrétaires) afin de ne pas laisser des élèves passifs. Selon les spécialistes, il a été démontré que les activités ludiques constituent également une technique efficace pour inciter la curiosité des élèves, développer leur esprit de créativité, et favoriser leur capacité de raisonnement.

L’an dernier, parmi mes élèves décrocheurs, il y en avait un qui produisait très peu, s’investissait peu aussi dans les travaux de groupe. Il était dans une position de refus passif de toute demande de ma part au niveau scolaire. Dans le cadre de l’enseignement des mathématiques, les élèves ont travaillé par groupe sur un rallye maths. J’ai placé cet enfant dans un groupe, avec ses amis. Je lui ai demandé d’essayer de travailler avec eux. Puis je suis allée observer, discuter avec les autres groupes. Lorsque je suis revenue, mon décrocheur était en train de chercher une réponse à l’un des exercices. Ils se sont répartis les exercices. 

Grâce à cette activité qui n’était pas présentée comme scolaire, cet élève s’est intégré au travail de groupe. Il a réussi à produire un écrit. Il a montré qu’il possédait des capacités de raisonnement. 

Quant au second décrocheur présent dans ce groupe, il était secrétaire. chacun a trouvé une place.

Remarques

Prenez le temps de mettre en place ces outils

Choisissez un outil qui vous semble atteignable. Laissez le temps aux élèves. Le plus important, c’est aussi de changer notre regard sur ces élèves. On ne peut effacer en quelques semaines ou en quelques mois des habitudes prises dans un processus de décrochage. Il faut faire preuve de patience et gagner la confiance de l’élève, pour qu’il reprenne aussi confiance en lui.

Je me rappelle avoir reçu un élève décrocheur et ses parents en début d’année scolaire, adoptant une attitude défensive car ils considéraient ce rendez-vous comme une convocation pour mauvais comportement. J’ai commencé l’entretien en faisant un bilan positif des premiers jours, encourageants, en proposant de réfléchir ensemble à ce qui pourrait le faire progresser. L’année a démarré de façon positive et les entretiens ultérieurs ont toujours été dans un dialogue constructif, apaisé pour cette famille.

Un de mes décrocheurs qui faisait de grosses colères car il n’arrivait pas à réguler ses émotions a réussi à participer à un projet de la classe. Nous participions à un projet de cartes postales. Un matin, nous en avons reçu une. Il est venu me voir pour me demander s'il pouvait répondre. Grand sourire de ma part. Il a sorti son cahier d’écrivain. Je l’ai soutenu en rappelant les consignes. Il était concentré et très appliqué. Une fois le texte écrit, il est revenu vers moi pour la correction. Puis il a choisi sa carte postale et a copié tranquillement son texte. C’est un super souvenir de penser à cet élève qui est entré dans la vie de la classe. Je précise que les autres élèves travaillaient sur tout à fait autre chose. 

Nos stratégies d’enseignement et d’évaluation avec ces élèves sont aussi à repenser. Faire réussir, rester dans la zone proximale de développement, construire des objectifs d’apprentissage clairs, précis et atteignables pour les élèves, va permettre de leur redonner confiance pour gravir les marches petit à petit, et aller plus loin.

Collectionnez des traces d’apprentissages

La meilleure façon de suivre les apprentissages des élèves est de recueillir des traces en fonction de ce que l’on nomme la triangulation. Il s’agit alors de recueillir un mélange d’observations, de conversations et de productions auprès de chaque élève. La collection de ces traces permettra de porter un jugement plus complet sur la progression de celui-ci.

Il est possible de les évaluer avec l’ardoise, nous n’y pensons pas toujours. C’est un médium qui permet de garder une trace écrite en la photographiant. Nous pouvons aussi le faire avec les traces que les élèves laissent au tableau. C’est rapide et simple. Les décrocheurs n’ont pas le stress de la feuille, du cahier. 

Utilisez les outils numériques

Vous pouvez aussi les enregistrer avec votre téléphone ou un dictaphone. L’objectif est de pouvoir les évaluer sans utiliser des supports traditionnels. Grâce à la multitude d’outils numériques disponibles, il devient plus facile de recueillir des traces d’apprentissage.

Affinez vos observations de l’élève pour déterminer les causes du décrochage

Une observation plus approfondie que l’on peut faire de ces élèves nous permet aussi d’analyser les causes de son décrochage : histoire familiale, troubles des apprentissages, difficultés relationnelles avec les autres élèves, etc. Les membres du RASED (Réseau d’aide spécialisée pour les enfants en difficulté) sont des personnes ressources qui peuvent apporter un éclairage professionnel complémentaire et proposer des aides au sein de la classe ou en petit groupe, un appui aussi auprès des parents qui ont parfois besoin de temps pour réaliser les difficultés de leur enfant.

Nos élèves décrocheurs nous apprennent beaucoup sur notre pratique, comme nous pouvons leur apprendre à raccrocher dans les apprentissages. Nous vous avons présenté quelques activités pour les aider à prendre place parmi le groupe classe et s’engager un peu plus avec des objectifs atteignables, motivants. 

Il serait cependant utopique de croire que tous les élèves décrocheurs retrouvent un parcours scolaire ordinaire, sans obstacles. Pour certains, des besoins particuliers et/ou des aménagements seront nécessaires et reconnus. Mais la confiance, l’envie d’aller à l’école, l’envie de grandir, d’apprendre sont des fondamentaux à préserver chez tous nos élèves.

Evelyne Marceau

Professeure des écoles depuis 1996

Marie-Christine Pennors

Directrice d'école depuis 2016 et professeure en élémentaire pendant 31 ans

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