Vie de prof : les astuces pour organiser son année à ne pas manquer

Clara Carrincazeaux
19 août
6 mn

Dans ma vie de prof, j’ai l’impression de vivre sur Neptune, où chaque “année” dure 164 années terrestres… J’ai souvent même une double impression : que l’année dure 164 ans, et qu’on y revit systématiquement les mêmes événements, en suivant un calendrier perpétuel. De là à penser que Jean-Eude fera là même grosse bêtise tous les 29 février, son orbite l’amenant très précisément à être sous l’influence de Saturne ce jour-là…

En tout cas, ce qui est certain au cours de l’année scolaire, c’est que je fréquente souvent les mêmes groupes de personnes, autant de satellites et de planètes à prendre en compte dans mon univers pour éviter les collisions.

Dans une vie précédente, j’ai vécu dans une autre dimension. J’étais cheffe de projet web pour une start-up parisienne. C’est là que j’ai appris à mieux gérer mon temps et à jongler avec les besoins de mes différents interlocuteurs, sans négliger les miens et ceux de mes proches !

Pour survivre à une année scolaire complète, j’essaie dès le début de l’année d’être bien consciente des différents cycles et rythmes qui se superposent et des différents cercles de personnes avec lesquelles j’interagis, pour éviter l’épuisement et ne pas arriver à faire un tour complet de notre système solaire… euh scolaire !

Conseil 1 - Satisfaire les besoins primaires des élèves, et les vôtres !

Dans ma vie de prof, il y a à prendre en compte autour de moi presque autant d’acteurs que d’étoiles dans le ciel : élèves, parents, collègues, direction, hiérarchie, enseignants spécialisés, intervenants ponctuels… Pour identifier ce que nous attendons mutuellement les uns des autres, pas besoin d’aller beaucoup plus loin que la pyramide de Maslow et le référentiel de compétences, cela donne déjà bon nombre d’éléments. 

Visuel issu du site La forêt qui pousse

Savoir lister 

Pour pouvoir réaliser ma liste de manière relativement exhaustive, j’essaie de me mettre dans la peau de chaque acteur, afin d’identifier ses besoins au plus près du réel. 

Exemple 1

Je suis parent. Un de mes besoins primordiaux est l’information sur les progrès de mon enfant. En pratique dans ma classe de CM1/CM2, j’établis que :

  • Je recevrai dès le mois d’octobre tous les parents de CM1, à la suite des évaluations nationales de début d’année.
  • Je propose une rencontre à tous les parents de CM2 fin janvier, bon moment pour faire point d’étape !
  • Bien entendu, j’aurai reçu entre les deux bon nombre de parents d’élèves à besoins particuliers : je laisse un créneau spécifique dans ma semaine pour cela.

 

Exemple 2

Je suis directeur ou directrice. J’ai donc besoin de pouvoir signer les bulletins et lire les appréciations attentivement. Donc, je n’aime pas les recevoir de mes collègues la veille des vacances ! En pratique, dans notre école : 

  • Tous les trimestres, nous identifions les dates de rendu et donc les dates de signature de bulletin bien en amont pour que notre directrice ne soit pas submergée.

 

Exemple 3

Je travaille en équipe. Donc, je définis et je gère les incontournables en lien avec les collègues et la direction :

  • méthodes choisies, uniformisation ;
  • commandes, outils disponibles ;
  • progressions et programmation, que je prépare en entier pour toute l’année (mais sans trop détailler !).

 

Exemple 4

Je suis élève. J’ai donc besoin d’avoir des commentaires sur mon travail, qui me permettent de me situer dans mes apprentissages : 

  • Je prévois dans ma semaine des temps individuels pour commenter les réussites ou les difficultés.
  • Je prévois un temps de correction plus long une fois par semaine, pour pouvoir faire un bilan rapide écrit sur le cahier du jour.

 

 

Savoir classer 

Si je fais la liste des besoins de chaque acteur, je peux obtenir une liste très longue et me sentir vite submergée. À moi de classer selon le type et l’importance du besoin identifié. Quand on fait sa liste de courses, on écrit systématiquement et de manière spontanée ce qui nous manque de manière urgente (chez moi, c’est toujours le chocolat !). 

Mais est-ce toujours le plus important ? Pour clarifier et trier, une méthode utilisée en gestion de projet est la matrice d’Eisenhower. Dans ma to-do list personnelle, je classe en 5 catégories.

 

Ouf, certains éléments de votre liste sont tout à fait compatibles et se recouvrent largement, par exemple la sécurité des élèves ! C’est à la fois une obligation légale, une nécessité absolue pour les parents et un besoin vital pour les enfants

Cela peut donc apparaître au premier plan des besoins à prendre en compte dans la construction de mon année. Concrètement, cela veut dire par exemple que l’affichage du PPMS, la gestion des sorties scolaires, ou tout autre élément relevant de la sécurité ira systématiquement dans la première catégorie. 

Mes conseils en or pour une to-do list efficace 

  • Dans les catégories 3 et 4, je place souvent des éléments qui seront source de satisfaction ou de plaisir, pour moi ou pour les autres. Je glisse souvent mes contraintes et tâches personnelles dans cette liste, afin de pouvoir mieux équilibrer vie personnelle et professionnelle.
  • Par ailleurs, n’importe quelle tâche qui prend moins de deux minutes peut être faite immédiatement, cela libère l’esprit et permet de ne pas allonger les listes !
  • Derniers conseils : j’utilise une application très simple de type post-it, accessible à la fois sur mon téléphone et sur mon ordinateur, pour noter en direct lorsque j’en ai besoin. Et j’utilise beaucoup la fonction dictaphone !
action !

Conseil 2 - Fonctionner au rythme des cycles identifiés

Une année, même sans représenter une année-lumière en termes de kilomètres, c’est long. Il faut penser à la fois très loin et très près, et savoir qu’évidemment nous rencontrons systématiquement des astéroïdes au cours du voyage, qui risquent de nous déboussoler.

Dans le système solaire de notre année scolaire, il y a des planètes avec des orbites très différentes : la journée, la semaine, la période, le trimestre. Et pour ne pas se disputer, nous mettrons tout cela en orbite autour de soleils jumeaux : vous et l’élève, même si le rythme de l’un n’est pas toujours le rythme de l’autre !

Anticiper en travaillant "à la chaîne"

Avant le début d’année, je crée ou je mets à jour ma progression complète faite à partir du BO, à partir de laquelle je détermine les progressions dans chaque domaine.

 

À chaque vacances scolaire, je planifie la période suivante en entier.

  • Je crée un dossier par semaine, dans lequel je distribue systématiquement tous les éléments ritualisés de la période (et il y en a beaucoup !)
  • Je laisse systématiquement le dossier de la dernière semaine vide, il se remplira tout seul au fur et à mesure.
  • J’essaie au maximum de réutiliser les matrices de documents au fil de l’année : je trie, je recycle !

 

Vous voici dans les méandres de mon organisation de prof pour l'année scolaire !

Comme je sais exactement quoi mettre dans chaque dossier, pour toute la période, je gagne un temps fou et je n’ai que mon cahier journal à préparer, mes fiches de séquence et de séance et mes corrections : tout est prêt ou presque !

Pour gagner du temps : 

  • Je m’interdis d’aller chercher des nouveautés, qui vont forcément m’intéresser et m’obliger à plein de changement pendant la période (sauf urgence bien entendu).
  • J’ai ainsi un grand plaisir pendant les vacances à repenser mes rituels, à faire évoluer des éléments (pourquoi ne pas changer mon plan de classe ?), à travailler des séquences de manière plus fine, à prévoir des surprises pour les élèves… et à faire diminuer la pile des fiches à corriger !
  • Et hop, je recommence un nouveau cycle aux vacances suivantes selon la même organisation !

 

Organiser ma semaine avec des objectifs à court terme 

  • Je place quelques bornes incontournables, qui vont donner du rythme et de la consistance aux apprentissages, en servant d’objectifs-repères.
  • Je les partage avec mes élèves, soit pendant le planning du matin, soit au moment des démarrages de séance.
  • Je précise avec eux également là où nous en sommes dans la séquence : si on découvre, si on s'entraîne, etc.
  • Je construis un emploi du temps le plus ritualisé possible : tous les jours se ressemblent, sur le papier !

 

Dans ma classe, la dictée fait par exemple partie des éléments structurants de notre semaine. Nous en faisons tous les jours, avec une graduation de l’effort et de la difficulté jusqu’au jeudi, jour de grand dictée et de correction de celle-ci. 

Ceci permet en même temps de communiquer avec les parents qui voient et signent ce cahier le jeudi soir. Le vendredi est jour de découverte d’une nouvelle notion d’orthographe, et hop, nous démarrons un nouveau cycle.

Savoir trancher 

Est-ce important ? Urgent ? Nécessaire ? OUI, mais est-ce possible ? Je vis systématiquement avec l’inquiétude de ne pas réussir à avancer suffisamment dans le programme, avec le stress de la rentrée suivante, du collègue qui va prendre en charge nos élèves, de la réussite de tous nos élèves. 

Quid du décalage inévitable qui se produit entre ce qui était prévu et ce qui reste à faire en fonction du temps disponible ? Dans mes préparations, je résume chaque semaine sous la forme d’une to-do list.

Ceci me permet de faire des bilans très rapides des avancées et d’apporter des correctifs. Cela m’oblige systématiquement à faire des choix, à identifier les éléments les plus importants du programme à chaque période, à renforcer certains apprentissages, sans reporter systématiquement à la période suivante : même dans un cycle de 400 ans, nous n’aurions pas la possibilité de tout aborder de manière parfaite ! 

Un exemple de ma to-do list de prof organisée !

deux outils à mettre en place

Imiter et ritualiser pour gagner en temps

L’apprentissage par habitude ou par imitation permet de faire gagner beaucoup de temps à la classe, et je réfléchis toujours avant de chambouler un fonctionnement bien établi. Les élèves deviennent peu à peu autonomes à de nombreux moments de la classe, et n’ont pas besoin de mon guidage. Ils sont rassurés et productifs car ils ne doutent pas de leur capacité à mener à bien la tâche. 

  • Les apprentissages par imitation concernent principalement les rituels qui sont souvent réalisés à deux, en binômes hétérogènes afin de faciliter la prise d’autonomie. À la mise en place d’un nouveau rituel, je le présente, puis j’accompagne un élève dans sa réalisation, les élèves s’en emparent peu à peu tandis que je leur propose systématiquement un retour sur expérience, en indiquant lorsque c’est bien réussi et pourquoi. C’est en voyant leurs camarades réussir que les élèves les moins à l’aise se lancent peu à peu.

 

  • Les apprentissages ritualisés nous accompagnent tout au long de la journée, pour des temps courts d'entraînement ou d’approfondissement. Journée que nous clôturons systématiquement par un temps de métacognition géré par les élèves porte-parole de la classe, qui se chargent de poser des questions (souvent pièges !) à leurs camarades sur les apprentissages du jour.

 

Nos journées sont ainsi rythmées, ce qui permet de rassurer les élèves qui savent systématiquement à quoi s’attendre et quoi faire et me permet de rationaliser mes préparations. 

Encore et toujours identifier les besoins fondamentaux

Et dans la journée avec mes élèves, alors ? Là c’est la chronobiologie qui l’emporte vraiment, et je porte une très grande attention à la satisfaction de leurs besoins fondamentaux, en particulier la faim, la soif, la fatigue, et les besoins de sécurité et d’estime de soi, en les amenant à identifier petit à petit leur curseur personnel.

la communication par gestes
action !

Bien entendu, identifier les cycles, les acteurs, prévoir et anticiper n’empêchera pas les trous noirs de se former, lorsque les parents de Jean-Edgar demandent un rendez-vous en urgence. 

Cela ne changera rien aux variations de niveau du plan Vigipirate ou à la capacité de Jean-Eustache à poser ses pieds sur la barre de la table dès que j’ai le dos tourné... Bien entendu, j’aurai tout de même l’impression d’avoir parcouru 9 461 milliards de kilomètres fois 400 à chaque fin de période mais au moins, grâce à tout cela j’aurai tout de même gardé mon univers en expansion !

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