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Les trois grandes étapes de l’apprentissage de la lecture au cycle 2

Pierre Lignée
10 février 2022 16:37
6 mn

Que l’on ait 4 ou 10 ans, c’est surtout parce que l’on est prêt ou prête à apprendre et que l’on garde cette envie, que l’on apprend à lire. Le plaisir de lire et le projet de devenir lecteur ou lectrice prennent appui sur les jeux avec les mots, d’abord à l’oral, puis de plus en plus à l’écrit. Apprendre à lire, c’est passer de la langue orale à la langue écrite, en s’arrêtant très précisément pendant quelques instants à l’intersection entre oral et écrit, au niveau des correspondances entre phonèmes et graphèmes.

Étape 1 : Comprendre et interroger la langue orale pour entrer dans l’écrit

La première grande étape dans l’apprentissage de la lecture correspond au stade logographique. C’est le moment amusant où les enfants découvrent le potentiel des symboles, leur capacité à contenir toujours la même information. Ainsi, ils et elles passent dans la rue et mentionnent le nom d’une enseigne en la regardant. Ils prennent plaisir à croire lire : c’est le début du jeu avec la langue écrite.

Apprendre à lire ne commence donc pas avec B+A=BA. Il faut à la fois avoir appris à distinguer /ba/ et /teau/ pour lire « bateau », et savoir que BA ne se lit pas /béa/. Connaître le nom des lettres dans l’ordre alphabétique ne suffit pas.

Trois savoirs sont incontournables à ce stade, généralement en fin de cycle 1 ou début de cycle 2 :

  • Savoir décomposer avec agilité des phrases en mots, des mots en syllabes, des syllabes en phonèmes, et savoir les recomposer ;
  • Connaître le nom puis le son des lettres ;
  • Connaître et savoir utiliser en contexte un très grand nombre de mots.

 

Étape 2 : Observer et connaître les interactions réciproques entre graphèmes et phonèmes

Dans un deuxième temps, les enfants découvrent le lien étroit mais arbitraire entre l’écrit et l’oral. Pour conserver l’envie et le plaisir de lire, ils et elles ont besoin d’apprendre rapidement des correspondances entre graphèmes et phonèmes. En français, savoir lire dépend de deux conditions interdépendantes : connaître un grand nombre de correspondances graphèmes/phonèmes, et avoir développé des connaissances statistiques appuyées sur la morphologie lexicale. Concrètement, « ch » va probablement se lire /sh/ car c’est ce qui se passe le plus souvent (statistiques), mais ici je vais le lire /k/ car je sais que « chœur » est de la même famille que « chorale » (morphologie). C’est le stade alphabétique.
 

Que se passe-t-il lorsqu’un lecteur ou une lectrice rencontre un mot ? 

  • Soit il ou elle ne l’a pas encore suffisamment rencontré et manipulé pour le reconnaître, dans ce cas s’opère une lecture indirecte : l’assemblage. C’est le cas certainement pour vous ici avec « antralofagocitranpalothropique » (rassurez-vous, c’est un pseudo-mot totalement inventé).
  • Soit le mot fait partie du répertoire orthographique du lecteur ou de la lectrice. On fait alors appel à un processus de lecture directe : l’adressage. Les lecteurs experts s’amusent parfois à jouer avec cette compétence : 1C1 V0U5 V0Y3Z C3 QU3 SA1T FA1R3 N0TR3 C3RV3AU.

 

Notez bien qu’il n’y a pas lieu de plonger dans la controverse d’une méthode dite « globale ». Lire par la voie directe, ce n’est pas reconnaître la forme des mots, mais prendre les indices visuels qui permettent d’identifier chaque mot sans le décoder.

De la même manière que les jeux de recomposition sont aussi importants que la décomposition de mots et syllabes, l’apprentissage du code passe à la fois par le décodage et par l’encodage. Ce sont les multiples manipulations des graphèmes et des phonèmes, dans un maximum de contextes, qui vont favoriser un apprentissage rapide et en profondeur.

Quatre activités doivent avoir lieu en parallèle :

  • Apprendre un grand nombre de correspondances grapho-phonémiques ;
  • Trier, ranger, catégoriser les mots en familles logiques (étymologie, sens, grammaticale, etc.) de façon à structurer le répertoire lexical ;
  • Enrichir toujours plus la culture : vocabulaire et compréhension orale ;
  • Continuer à se poser des questions sur la langue : plus seulement à l’oral, mais désormais également à l’écrit (en produisant des écrits, en s’interrogeant sur les faits orthographiques et grammaticaux - à l’interaction entre ce qu’on entend et ce qu’on écrit).

 

Étape 3 : Enrichir l’écrit, développer des stratégies métacognitives pour passer du décodage à la compréhension

Au stade orthographique, la curiosité pour la langue devient exigence orthographique. L’apprenti·e lecteur ou lectrice passe progressivement du décodage (voie d’assemblage) à la lecture directe (voie d’adressage) en faisant appel à son répertoire orthographique. 
Apprendre à lire, c’est donc utiliser le décodage et l’encodage pour enrichir un stock de mots. L’apprentissage de l’orthographe et le discours sur la langue (la grammaire) font partie intégrante de l’entrée dans la lecture.

Les enfants commencent à ne plus vouloir jouer à produire des mots au hasard, ou devoir deviner « comment ça se prononce ». Leur exigence orthographique est le signe qu’ils sont passés dans cette lecture directe qui fait appel à un répertoire orthographique. C’est le moment où tous les référentiels produits en classe par catégorisation servent de point d’appui pour produire des écrits plus longs et plus riches et augmenter la taille des textes lus. Que ce soient des répertoires élaborés en classe ou des référentiels encyclopédiques (dictionnaires à entrée picturale, phonétique ou éventuellement alphabétique), il est important que le jeu avec la langue soit placé au niveau de l’étymologie, des familles de mots et des liens entre les mots dans une phrase. Car en français, l’orthographe des mots ne peut pas se deviner, et rien ne peut à coup sûr s’écrire « comme ça se prononce ».

Le stade orthographique ne vient pas très longtemps après le stade alphabétique. Il se développe en parallèle. Très tôt, donc, apprendre à lire repose sur deux axes :

  • la technique de lecture (savoir décoder/encoder avec de plus en plus de fluence) ;
  • la compréhension (appuis culturels, appuis sur des stratégies de lecteur et sur ses compétences grammaticales).

 

Pour affiner le savoir-lire, passer du stade du décodage à une lecture experte, les élèves devront :

  • Savoir parler sur la langue (éléments de morphologie grammaticale) ;
  • Savoir catégoriser et utiliser les mots de la langue française (morphologie lexicale) ;
  • Connaître les stratégies du lecteur expert : savoir ce qu’est lire (ce n’est pas un processus linéaire), donc se sentir autorisé·es à réaliser des retours en arrière et prendre des appuis sur ce qui n’est pas écrit (les implicites et les connaissances du lecteur), utiliser des méthodes de prise d’indices pour découvrir un texte et le comprendre.

 

Deux écueils à contourner lors de l’apprentissage de la lecture

Pour rester un plaisir et continuer à avoir envie d’apprendre, la lecture et la production d’écrit ne doivent pas devenir dans l’esprit des élèves des tâches uniquement scolaires. En clair, plus elles seront évaluées et contrôlées, moins elles seront associées à une pratique ordinaire. Il faut essayer de faire en sorte que les dictées et les lectures à haute voix soient le plus rarement possible des modalités d’évaluation des élèves. De la même manière, plus l’écrit sera l’objet d’échanges et de débat sur les intentions de l’auteur et des personnages et moins il sera l’objet d’un contrôle sur ce qu’on sait du nombre de personnages, des lieux et du déroulement temporel, plus on développera un plaisir de lire et d’apprendre à encore mieux lire.
 

Écueil 1 : Le savoir-lire passe par la curiosité pour la langue

Proposez dans la classe un coin lecture/écriture. Les élèves pourront y réaliser leurs premières expériences de lecteur et lectrice dans l’ensemble de la sphère littéraire (livres de toutes les tailles et de tous les horizons), tout autant que des essais d’écriture. De la curiosité et des échanges littéraires pourront naître et faire durer la curiosité pour la langue et le plaisir de lire.
 

Écueil 2 : Jouer avec les mots pour s’amuser à lire

Évaluer systématiquement la lecture à l’école ? Le meilleur moyen d’en faire dans la tête des élèves une activité uniquement scolaire, qui ne peut pas avoir lieu en dehors de la classe. Pour favoriser le maintien d’une boucle [envie d’apprendre → entraînement → récompense/plaisir → poursuite de l’apprentissage], n’hésitez pas à vous appuyer sur la curiosité des enfants et le plaisir de jouer avec les mots. Des calligrammes aux virelangues, en passant par les rôles de rédac’ en chef et de cruciverbiste, toutes les occasions sont bonnes pour s’amuser avec la langue.
 

Remarques

Les ressources sur l’apprentissage de la lecture sont très nombreuses. La conférence de consensus du CNESCO (2016), regroupant les avis et analyses de tous les chercheurs dans le domaine, est un incontournable. Par exemple, n’oublions pas la recommandation numéro 5 : « Il faut parallèlement enseigner explicitement les mécanismes et les stratégies de lecture, et susciter une répétition la plus importante possible de l’activité lecture, répétition qui suppose de développer une appétence pour la lecture chez l’élève. »

Pierre Lignée

Enseignant spécialisé et formateur depuis 2012

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63 profs ont trouvé ce contenu utile

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Commentaires

  • Marantille — 19 février 2022 11:03

    Merci beaucoup pour cet excellent article !

  • Stéphanie — 21 mai 2022 08:47

    Article clair et précis qui reflète exactement le quotidien d'une maîtresse de CP !

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