Personnaliser vos contenus
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Que l’on ait 4 ou 10 ans, c’est surtout parce que l’on est prêt ou prête à apprendre et que l’on garde cette envie, que l’on apprend à lire. Le plaisir de lire et le projet de devenir lecteur ou lectrice prennent appui sur les jeux avec les mots, d’abord à l’oral, puis de plus en plus à l’écrit. Apprendre à lire, c’est passer de la langue orale à la langue écrite, en s’arrêtant très précisément pendant quelques instants à l’intersection entre oral et écrit, au niveau des correspondances entre phonèmes et graphèmes.
La première grande étape dans l’apprentissage de la lecture correspond au stade logographique. C’est le moment amusant où les enfants découvrent le potentiel des symboles, leur capacité à contenir toujours la même information. Ainsi, ils et elles passent dans la rue et mentionnent le nom d’une enseigne en la regardant. Ils prennent plaisir à croire lire : c’est le début du jeu avec la langue écrite.
Apprendre à lire ne commence donc pas avec B+A=BA. Il faut à la fois avoir appris à distinguer /ba/ et /teau/ pour lire « bateau », et savoir que BA ne se lit pas /béa/. Connaître le nom des lettres dans l’ordre alphabétique ne suffit pas.
Dans un deuxième temps, les enfants découvrent le lien étroit mais arbitraire entre l’écrit et l’oral. Pour conserver l’envie et le plaisir de lire, ils et elles ont besoin d’apprendre rapidement des correspondances entre graphèmes et phonèmes.
En français, savoir lire dépend de deux conditions interdépendantes : connaître un grand nombre de correspondances graphèmes/phonèmes, et avoir développé des connaissances statistiques appuyées sur la morphologie lexicale. Concrètement, « ch » va probablement se lire /sh/ car c’est ce qui se passe le plus souvent (statistiques), mais ici je vais le lire /k/ car je sais que « chœur » est de la même famille que « chorale » (morphologie). C’est le stade alphabétique.
Notez bien qu’il n’y a pas lieu de plonger dans la controverse d’une méthode dite « globale ». Lire par la voie directe, ce n’est pas reconnaître la forme des mots, mais prendre les indices visuels qui permettent d’identifier chaque mot sans le décoder.
De la même manière que les jeux de recomposition sont aussi importants que la décomposition de mots et syllabes, l’apprentissage du code passe à la fois par le décodage et par l’encodage. Ce sont les multiples manipulations des graphèmes et des phonèmes, dans un maximum de contextes, qui vont favoriser un apprentissage rapide et en profondeur.
Au stade orthographique, la curiosité pour la langue devient exigence orthographique. L’apprenti·e lecteur ou lectrice passe progressivement du décodage (voie d’assemblage) à la lecture directe (voie d’adressage) en faisant appel à son répertoire orthographique.
Apprendre à lire, c’est donc utiliser le décodage et l’encodage pour enrichir un stock de mots. L’apprentissage de l’orthographe et le discours sur la langue (la grammaire) font partie intégrante de l’entrée dans la lecture.
Les enfants commencent à ne plus vouloir jouer à produire des mots au hasard, ou devoir deviner « comment ça se prononce ». Leur exigence orthographique est le signe qu’ils sont passés dans cette lecture directe qui fait appel à un répertoire orthographique. C’est le moment où tous les référentiels produits en classe par catégorisation servent de point d’appui pour produire des écrits plus longs et plus riches et augmenter la taille des textes lus. Q
ue ce soient des répertoires élaborés en classe ou des référentiels encyclopédiques (dictionnaires à entrée picturale, phonétique ou éventuellement alphabétique), il est important que le jeu avec la langue soit placé au niveau de l’étymologie, des familles de mots et des liens entre les mots dans une phrase. Car en français, l’orthographe des mots ne peut pas se deviner, et rien ne peut à coup sûr s’écrire « comme ça se prononce ».
Le stade orthographique ne vient pas très longtemps après le stade alphabétique. Il se développe en parallèle. Très tôt, donc, apprendre à lire repose sur deux axes :
Pour rester un plaisir et continuer à avoir envie d’apprendre, la lecture et la production d’écrit ne doivent pas devenir dans l’esprit des élèves des tâches uniquement scolaires. En clair, plus elles seront évaluées et contrôlées, moins elles seront associées à une pratique ordinaire. Il faut essayer de faire en sorte que les dictées et les lectures à haute voix soient le plus rarement possible des modalités d’évaluation des élèves.
De la même manière, plus l’écrit sera l’objet d’échanges et de débat sur les intentions de l’auteur et des personnages et moins il sera l’objet d’un contrôle sur ce qu’on sait du nombre de personnages, des lieux et du déroulement temporel, plus on développera un plaisir de lire et d’apprendre à encore mieux lire.
Proposez dans la classe un coin lecture/écriture. Les élèves pourront y réaliser leurs premières expériences de lecteur et lectrice dans l’ensemble de la sphère littéraire (livres de toutes les tailles et de tous les horizons), tout autant que des essais d’écriture. De la curiosité et des échanges littéraires pourront naître et faire durer la curiosité pour la langue et le plaisir de lire.
Évaluer systématiquement la lecture à l’école ? Le meilleur moyen d’en faire dans la tête des élèves une activité uniquement scolaire, qui ne peut pas avoir lieu en dehors de la classe. Pour favoriser le maintien d’une boucle [envie d’apprendre → entraînement → récompense/plaisir → poursuite de l’apprentissage], n’hésitez pas à vous appuyer sur la curiosité des enfants et le plaisir de jouer avec les mots. Des calligrammes aux virelangues, en passant par les rôles de rédac’ en chef et de cruciverbiste, toutes les occasions sont bonnes pour s’amuser avec la langue.
Les ressources sur l’apprentissage de la lecture sont très nombreuses. La conférence de consensus du CNESCO (2016), regroupant les avis et analyses de tous les chercheurs dans le domaine, est un incontournable.
Par exemple, n’oublions pas la recommandation numéro 5 : « Il faut parallèlement enseigner explicitement les mécanismes et les stratégies de lecture, et susciter une répétition la plus importante possible de l’activité lecture, répétition qui suppose de développer une appétence pour la lecture chez l’élève. »
Enseignant spécialisé et formateur depuis 2012
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Merci beaucoup pour cet excellent article !
Article clair et précis qui reflète exactement le quotidien d'une maîtresse de CP !