L'apprentissage, s'il est perçu comme une course à la performance, a de quoi effrayer… et stresser nos élèves. En tant qu'enseignant·e, prendre du recul, varier ses réponses pédagogiques ou faire davantage confiance aux élèves peut les aider à être moins stressé·es. Dans cette partie, nous aborderons les différentes postures enseignantes que l'on peut adopter en classe, et les manières de repenser sa pratique en apprenant à lâcher prise ou mieux gérer les imprévus au quotidien.
Malgré tous vos efforts, votre bienveillance et votre bonne volonté, vous avez parfois le sentiment que pour certains et certaines élèves, cela ne change rien ? Quoi que vous fassiez, ils et elles présentent toujours des signes de stress, une faible estime de soi et un découragement scolaire ? Dans cet article, nous vous expliquons pourquoi les aménagements pour diminuer le stress de vos élèves ne marchent pas comme une baguette magique. Le but étant d'avoir des attentes plus réalistes, qui permettront de se déculpabiliser, ne pas se décourager et maintenir dans le temps des aménagements essentiels, mais non suffisants.
Nous avons un filtre pour lire et comprendre le monde. Nous interprétons les situations en fonction de croyances fortement ancrées, qui s’activent automatiquement dès que nous y sommes confronté·es. C’est ce qu’on appelle des schémas cognitifs (Beck, 1959). Ces schémas agissent comme des lunettes qui viennent déformer la réalité. Nous en avons tous et toutes des différents, car nous avons une histoire et des expériences passées singulières. Ainsi, mon collègue va percevoir et vivre les évènements différemment, alors que nous regardons la même chose. Il faut noter que ces croyances sont très puissantes et changent difficilement au cours du temps. Notre cerveau ne va pas souvent chez l’opticien !
Si au cours d’une formation que j’anime, quelqu’un se lève et quitte la pièce sans rien dire, selon le type de schémas cognitifs que j’ai en moi, je peux me dire «il est arrivé quelque chose de grave», «les gens ne sont pas polis», «il a envie d'aller aux toilettes», «je ne suis pas intéressant·e», etc. Ces schémas orientent donc la perception que nous avons de la réalité, et de ce fait, modulent nos futurs comportements. Je ne vais pas me comporter de la même manière avec ce participant selon si je pense qu'il est impoli ou qu'il a besoin d'aller aux toilettes. Nous avons donc tous et toutes des croyances. Certain·es élèves ont ainsi comme croyances qu’ils ou elles vont échouer, vont être ridicules, qu’ils ou elles vont déranger, sont nuls, etc.
La première piste d’explication réside dans le fait que notre cerveau est programmé pour sélectionner dans notre environnement tous les arguments et éléments en faveur de notre croyance, et dans le même temps négliger tous les arguments qui l’infirment (on appelle cela le biais de confirmation). Par exemple, si un ou une élève qui a comme croyance qu’il ou elle est «nul·le à l’école» obtient une bonne note, il ou elle sera plus enclin·ne à faire une conclusion comme «j’ai eu de la chance», «c’était facile», «ça ne veut rien dire» ou «ça ne se reproduira pas». Ceci plutôt que de faire un lien entre les efforts fournis pour travailler et sa performance.
Certain·es élèves semblent presque hermétiques à toute votre bienveillance et à vos encouragements. Vous avez le sentiment que, quoi que vous fassiez pour les rassurer et les remobiliser, ils et elles n’y croient plus… C’est ce que l’on appelle l’impuissance apprise. Il s'agit d'un sentiment d’impuissance permanent qui apparaît lorsqu’une personne est mise de manière répétée en situation d'échec, sans qu’elle ne puisse agir dessus (Seligman, 1968). À terme, cela diminue la confiance et l’estime de soi et plonge la personne dans un état de passivité.
Dans cette vidéo qui met en scène le concept d'impuissance apprise dans une classe, il est saisissant de voir comment ces élèves deviennent rapidement passifs ou passives. Ils et elles sont comme bloqué·es, n’arrivent pas à réaliser la troisième anagramme, qui était pourtant faisable. Ce vécu conditionne les comportements ultérieurs. On parle donc d’impuissance apprise, car cette attitude résignée, une fois installée, contamine même les situations pour lesquelles le comportement d’une personne aurait été efficace. Ainsi, si un ou une élève expérimente trop souvent que ce n’est pas possible, même s'il ou elle change de contexte et que ça devient possible, il ou elle va continuer à considérer que ce n’est pas possible. On voit dans la vidéo à quel point cet apprentissage se fait très rapidement !
C’est un phénomène très courant au cours de la scolarité (et dans la vie de manière générale). Si un ou une adolescent·e se retrouve confronté·e à plusieurs situations d'échec, il ou elle devient à risque de développer cette impuissance apprise. Le principal problème est qu’il est très difficile de faire marche arrière… mais c’est possible ! Seulement, il faudra beaucoup d’expériences positives et significatives pour pouvoir développer de nouvelles croyances sur ses compétences.
En tant qu’enseignant·e, l'important est de ne pas baisser les bras et continuer d’y croire ! C’est le nombre et la fréquence des expériences qui permet de modifier les croyances. Ainsi, être régulièrement en situation de réussite permet de développer la croyance selon laquelle on est compétent. Les comportements et les expériences sont plus forts que les paroles : il faut que l’élève vive des situations valorisantes, et donc lui proposer des situations qui sont à son niveau (voir à ce sujet le concept du flow).
Marie Gallé-Tessonneau
Docteure en psychologie et psychothérapeute.
Autrice du livre “Comprendre et soigner le refus scolaire anxieux. Psychothérapie de la phobie scolaire” Dunod, 2020
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