La remédiation d’un devoir, quel qu’il soit, est toujours un exercice périlleux. Parfois, nous nous retrouvons avec des apprenants et apprenantes pour qui la notion travaillée est encore moins claire qu’avant. C’est une expérience que j’ai vécue avec des CAP EPC (Équipier polyvalent du commerce). Pour pouvoir avancer malgré tout, j’ai envisagé comme solution de les faire “toucher” la notion abordée, concrètement. 

Concevoir la notion de circuit de distribution de manière concrète, voilà un défi de taille à relever. Pourtant, la solution retenue fut pleine de promesses. Je vous la livre telle quelle : les élèves ont créé collectivement un cours sous forme de capsule vidéo (un film) avec des figurines. Cette expérience a permis d'asseoir les notions acquises au cours de l’année, tout en favorisant le travail collaboratif, la structuration de la pensée et le travail psychomoteur des élèves.

Tout simplement pour :

• Essayer une nouvelle approche pédagogique et didactique pour enseigner différemment.
• Rendre l'élève acteur de son projet .
• Utiliser l’outil numérique pour dynamiser les échanges (recherche, écriture, etc.).
• Appliquer l’approche de la Discipline positive dans la gestion du projet.

L’idée a donc germé de réaliser un film sur la gestion des canaux de distributions, notions complexes pas très bien assimilées par les élèves. Ce support allait me permettre de mettre en œuvre, dans un univers déconnecté de la salle de cours, les grands principes de la Discipline positive. 

Les modalités sont les suivantes :

• Valoriser l'élève (mettre en valeur sa réalisation).
• Mettre en place un travail collaboratif (aucun élève au bord du chemin).
• Se servir des erreurs (gestion des rôles, erreurs sur les notions, sur la conception) comme d’un tremplin pour avancer tous ensemble pour réaliser le film (objectif final).
• Découvrir l’autonomie pour s’autocorriger au sein de son groupe de travail.
• Travailler au rythme de chacun et chacune (élèves ULIS, Segpa, 3ème pro, 3ème générale) pour permettre d’atteindre les objectifs fixés par le groupe et non par l’enseignant ou l'enseignante.
   

Comment faire pour présenter et faire adopter par le groupe classe ce projet pédagogique de remédiation, tout en le rendant distrayant, et sans perdre de vue l’axe de l’apprentissage ?

Il existe plusieurs façons de recourir à la remédiation pour reprendre des notions fondamentales mal assimilées par les élèves. Pour ma part, j’ai choisi de faire appel au numérique au travers de l’outil WOOCLAP. La question posée est : « Quelles notions de cours allons-nous revoir sous forme d’un jeu ? ». 

Suivant le niveau d’enseignement, l’autonomie et la compréhension des élèves, je conseille d'être le plus explicite possible en jouant une scénette, ce qui permet d’avoir au final de bonnes réponses (bien formulées).

Reste une dernière étape pour valider le projet : quel support pour le jeu éducatif ? À cette question, point d’outil numérique, mais la constitution de groupes de travail sur le choix du support du jeu éducatif (mur de post-it papier). 

La majorité des élèves souhaite réaliser une vidéo ou un film. Le projet est donc bien défini et surtout bien accepté par les élèves, qui en deviennent acteurs. J’expose à l’ensemble de la classe l’idée de réalisation d’un film pour transmettre à d’autres élèves ces notions complexes : 

• Un élève liste au tableau les notions dictées par le groupe qui seront abordées dans le film.
• Je valide et j'enrichis les notions manquantes.
• Une photo est prise.
• Imprimée, elle servira de point de départ pour la constitution des groupes et l’écriture du scénario.

Je dois rester vigilant sur mon objectif pédagogique pendant cette phase de mise en place du jeu éducatif. L'objectif de cette remédiation différée est de revoir et assimiler des notions complexes, de s’approprier et de mettre en œuvre les connaissances, et d’acquérir de nouveaux soft skills pour les élèves. Le film conçu et joué par les élèves va faciliter la mise en place d’une pédagogie active. 

L’idée du film étant connue de tous et toutes (le circuit de distribution), il nous fallait surtout apprendre la recette pour écrire le scénario et le storyboard avant de tourner. Grand adepte du mur de post-it papier, ensemble, nous avons rappelé les notions essentielles de cette leçon, afin de pouvoir visualiser ce que j’ai appelé « le train de notre projet ». Apport pédagogique : apprentissage du travail en équipe.

Apprentissage de la structuration des idées du groupe : 

• Écriture (post-it) des définitions des 4 circuits de distribution.
• Organisation des idées (post-it).
• Réalisation d’un mur de post-it du circuit de distribution.

Un travail de rappel pour la réalisation d’un film est réalisé par le groupe classe : 

• Recherche sur internet des différentes étapes pour réaliser un film.
• Recherche de définition du scénario, du storyboard.
   

Une structure de quatre séquences vidéo (notions essentielles) constitue le découpage du film, et par là-même quatre groupes de travail (constitué de quatre élèves) s'organisent pour traiter chacune des notions du cours identifiées lors de la création du mur de post-it. Afin d’éviter les égarements dans l’écriture des différents scénarios, je préconise l’utilisation de la méthode du QQOQCP (voir la vidéo ci-dessous) pour chaque groupe : 

• Quoi : description du problème : expliquer les différents canaux de distribution.
• Qui : les personnes concernées : les élèves qui visionnent la vidéo.
• Où : en cours ou chez eux.
• Quand : pour apprendre, pour réviser.
• Comment : une vidéo simple et très explicite réalisée par des élèves.
• Pourquoi : pour rendre plus ludique l’apprentissage (avec des figurines PLAYMOBIL).

Chacun et chacune s’attribue un rôle pour la préparation du sous-projet, avec des redistributions et un travail de groupe, avec des tensions certes mais très vite gérées par l'équipe. Apport pédagogique de ce travail : apprentissage du dialogue et de la négociation.

Au sein de chaque équipe, chacun a un rôle bien défini mais aussi interchangeable : 

• Rechercher sur le net : les images pour les fonds du décor.
   
• Écrire le dialogue pour illustrer clairement les notions.
   
• Trouver les décors (figurines PLAYMOBIL).

Cette organisation a permis aux élèves de se responsabiliser individuellement par la réalisation de leur tâche, et collectivement afin que chaque sous projet se réalise pour l’élaboration du film. 

Parler du rôle de chaque élève ne doit pas évincer votre rôle, surtout que celui-ci, dans mon expérience, a totalement changé. Très directif au début pour éviter les égarements et atteindre les objectifs fixés, j'ai pris du recul en constatant que dans cet écosystème du jeu pédagogique, la structure s'autorégule très bien. Le rôle de l’enseignant laisse alors la place au rôle de consultant, que sa présence justifie par les conseils qu’il promulgue à la demande des apprenants.

Un point à signaler du côté pratique : la phase du tournage est chronophage et fatigante pour certains élèves (répétition des scènes, difficulté à s’exprimer à l’oral, difficulté à manipuler les figurines). Mais le résultat est au rendez-vous. Des notions compliquées ont été finalement bien comprises et transmises dans un langage simple par des élèves pour des élèves. 

Michel Benamou

Professeur de vente en lycée professionnel