À la rentrée, c’est décidé : vous voulez rendre vos élèves plus actifs dans leurs apprentissages, leur apprendre à travailler ensemble, avec plaisir et créativité. Ce que vous voulez, c’est que les élèves fassent de la classe un espace social et culturel avec, pour chacun, un rôle qui sera le sien. Chacun son rôle pour que tous créent du sens ensemble. Que chacun cesse de travailler individuellement ou pour lui-même, juste pour répondre à une consigne et, l’heure d’après, passer à la suivante sans que cela fasse écho en lui. Alors, vous êtes prêts pour travailler en projet !

Cela vous tente ? Oui, mais comment faire pour que la mayonnaise prenne, et que vous ne passiez pas une éternité à réfléchir et à préparer, à tout changer, sans trop savoir comment vous y prendre, pour finir par dire « On verra bien l’année prochaine » ?

Depuis que j’enseigne, je cherche des moyens pour y parvenir. Je cherche, je bidouille, je cafouille quelques fois, mais j’essaie, j’y crois, j’en veux et j’embarque les élèves avec moi. Et parfois les collègues, quand les projets peuvent être interdisciplinaires, dans des projets d’expression collaboratifs.

Concrètement, comment est-ce que j’élabore mon plan d’action ? Je cherche d’abord une idée de projet collaboratif en lien avec le chapitre à traiter ; pour ça, je fais confiance à mon imagination. Quand j’ai l’idée, je mets en place ma stratégie pédagogique. Ce qui compte, c’est que tout soit bien ficelé, bien préparé avant et que les exigences soient explicitement définies. 
Le travail en amont est primordial pour qu'en classe je puisse accompagner les élèves à construire le projet avec des activités d’expression qui se rattachent aux textes et qui parlent à leur imaginaire. Plus les activités s’inscrivent dans un cadre précis et clairement défini, plus elles fonctionnent efficacement.

1. Commencer par une bande annonce

Cela permet de mettre en scène le projet, comme au cinéma, sauf qu'ici les acteurs sont les élèves. Pour cela, j’utilise l’application Quick GoPro très simple d’utilisation (vous pouvez retrouver d'autres applications de création vidéo par ici).

2. Remettre un carnet d’exploration, livret d’activité, plan de travail

Pour les guider pas à pas dans la démarche de lecture-expression ! Les activités tantôt individuelles, tantôt coopératives, sont à réaliser en classe et doivent être parfaitement cadrées. La collaboration commence lorsque l’élève ou le groupe doit tenir compte des travaux des autres pour que le sien soit cohérent : c’est la pierre à l'édifice. Voici un exemple de carnet d'exploration sur “Le héros face au monstre” pour vous inspirer. 

3. Créer un mur virtuel de partage

Tout ce que les élèves produisent (textes écrits, textes audio, images, illustration, vidéo, diaporama...) sont à déposer sur un mur virtuel de partage, type Padlet, où les productions seront visibles par tous. Mutualiser les productions est un facteur de collaboration. Je vous partage mon Padlet avec tous les travaux de recherche menés par ma classe pour comprendre ce qui est arrivé au Petit Poucet.

4. Rassembler les productions

Le plus souvent, je rassemble tout ça dans un Genially vierge que j’ai préparé avant et que je remplis (par un système de copier-coller) des productions d’élèves. C’est le rôle d’éditeur que je joue ici qui finalise le projet global et qui donne sens à la collaboration des élèves. Mon espace Genially sur la Forêt Enchantée pour vous donner une idée.

5. Présenter le projet

Les élèves récupèrent le projet final sur Genially par lien ou par QR-code et deviennent des médiateurs littéraires et culturels auprès de leur famille, entre autres : ils présentent le projet à la maison, leurs productions et celles des autres. En effet, le projet n’a de sens que parce que chacun y a mis sa patte. 

Savoir présenter les étapes du projet à l’oral fait aussi partie des apprentissages. Voici un exemple de présentation du projet réalisée par une élève. Une affiche permet aussi de communiquer le projet sur les murs du collège.

6. Créer un livre d’or virtuel

Cela permet à chaque visiteur du projet de laisser un commentaire qu’il est toujours agréable de partager ensuite en classe. Je vous partage le livre d'or du Musée des Monstres.

1 - Une ruche poétique

Une année, mes classes de sixième ont réalisé ensemble une ruche poétique pour accompagner le projet d’installation de ruches par les lycéens dans les jardins de l’établissement, et mimer le travail des abeilles, qui est, par excellence, le modèle de la production collaborative. 

Chaque classe a écrit un poème, et dans chaque classe, chaque élève a rédigé un vers du poème en tenant compte du scénario préétabli ensemble. 

Tous ces poèmes se sont retrouvés dans une ruche poétique installée sur un chemin du collège. Une ruche numérique sur Genially a également été réalisée pour permettre aux parents de venir se promener dans nos jardins sans sortir de chez eux. 

2 - Un Twittconte

Le principe du Twittconte est simple : il s’agit de « (ré)écrire un conte traditionnel, à plusieurs classes, du point de vue des personnages, en se mettant dans leur peau et en les faisant dialoguer à voix multiples via leurs comptes Twitter. » La diffusion de l'histoire réécrite se fait ensuite en direct sur le réseau social ! Mes élèves ont participé avec huit autres classes réparties en France sur le thème « Contre-enquête dans la Forêt Enchantée ».

Ils ont eu à réaliser de multiples missions comme :

• « restaurer le musée des monstres de la Forêt enchantée » pour exprimer leurs représentations personnelles des monstres (le loup, l’ogre et la sorcière) en mots et en images (collage) ;
• « mener l’enquête » pour comprendre tout ce que les textes de Perrault et Grimm disent et ne disent pas (réflexion sur l’explicite et l’implicite du texte) ;
• diffuser cette enquête sur les réseaux sociaux et « interroger en direct les personnages des contes » qui, par le réseau Twittconte, sont sur Twitter.

C’est là que la collaboration avec les autres écoles a pu avoir lieu : les autres classes ont endossé le rôle des personnages qui répondaient aux enquêteurs (mes élèves). Le résultat du projet global est consultable ici.

3 - Une réécriture

Mes élèves ont aussi participé à “l'augmentation” de l’épopée antique d’Homère, en réécrivant un épisode de L’Odyssée (« le Cyclope ») du point de vue de différents personnages (Pénélope, Télémaque, Poséidon et Athéna) pour compléter ce que l’aède ne dit pas.
En effet, quand Ulysse est chez le Cyclope, que font de leur côté Athéna, la protectrice d’Ulysse et Poséidon l’ennemi d’Ulysse du haut de l’Olympe ? 

Que fait Pénélope qui tente depuis plus de dix ans de résister aux prétendants et qui croit encore au retour de son mari ? 
Que fait Télémaque qui réalise son premier voyage à Sparte, chez Ménélas qui est revenu lui de la guerre de Troie avec la belle Hélène ? 
Tout cela, mes sixièmes l’ont raconté. Chaque classe s’est appropriée un personnage (4 classes donc 4 personnages) et l’épisode du Cyclope a été divisé en 6 chapitres réécrits par les 6 groupes dans le point de vue des 4 personnages (6 groupes par classe). Le résultat est lisible dans ce livre numérique interactif que nous avons intitulé : L'autre Odyssée.

4 -  La rencontre

En Troisième, les élèves ont rencontré et interviewé en visio Solenne Hernandez, l’auteure de River Castle, aux éditions Adrénalivre. River Castle est une dystopie où l’organisation scientifique Oméga annonce aux habitants la fin du monde qui n’aura pas lieu mais qui endormira tous les habitants pour les rendre amnésiques et réorganiser la société par divisions. Les élèves ont pu à travers leur lecture et échanges avec l’auteure comprendre les dangers de la manipulation de l’homme par l’homme et fait de cette rencontre un événement à ne pas rater en se produisant sur les réseaux sociaux et en réalisant le storytelling de cette aventure sur Genially.

5 - Le débat / jeu télé

Ils ont aussi été acteurs d’un débat sous la forme d’un jeu télé : Top Projet où, en équipe, ils débattent sur des propositions plus ou moins originales pour l’école dans notre société de consommation : Faut-il ouvrir les écoles le dimanche ? Faut-il accepter l’ouverture d’un fast-food à côté du self du collège ? Faut-il remplacer les cours actuels par des cours virtuels à la carte ? Faut-il transformer les moyennes des élèves en bons de réductions dans des magasins partenaires ?…
D’autres classes ont assisté à l’émission et votaient pour les groupes les plus convaincants.

6 - Le parcours d'orientation poétique

En lien avec l’EPS, mes Troisièmes ont également réalisé un Parcours d’Orientation Poétique où chaque élève a écrit un poème en s’adressant à un élément de la nature, à un endroit du collège où il a vécu un moment important de sa scolarité, pour mimer le travail de Lamartine avec sa méditation « Le Lac », et associé ce poème à une balise d’orientation. Les professeurs d’EPS utilisent depuis, en course d’orientation pour les autres niveaux, ces poèmes fixés sur les balises.

Enfin, tous nos élèves de troisième ont aussi pris part, à l’occasion du centenaire de l’armistice de la Première Guerre Mondiale, à un spectacle : Imagine, spectacle pour la Paix qui est un projet interdisciplinaire (Éducation musicale, EPS, Arts Plastiques, Histoire et Français). Nous l'avons mis en scène dans un lieu de mémoire, situé à quelques kilomètres du collège : La Coupole d’Helfaut, base de lancement des fusées V2 créé pendant la Seconde Guerre Mondiale qui devait servir à bombarder Londres, aujourd’hui devenu musée et centre d’histoire. 

Ce spectacle a permis aux élèves de s’élever collectivement contre tous les types de barbaries, occasionnés lors des conflits guerriers, de l’Antiquité aux attentats qui nous touchent, en passant par les deux guerres mondiales. Des textes de Sartre, Eluard, Aragon, Desnos, Leiris ont été mis en scène pour cette occasion. Ce spectacle a été aussi l’occasion de réaliser dans le musée une exposition des travaux réalisés par les élèves sur le parcours d’un jeune déporté du Nord Pas-de-Calais.

Travailler en projet permet de placer l’élève au cœur de ses apprentissages et de donner sens à chacune de ses productions tout en apprenant à travailler avec les autres. Cela favorise la compréhension des œuvres littéraires, puisque l’élève se les approprie, les réécrit, les transforme, interroge les personnages, va plus loin que le texte lui-même... 

Avec les projets collaboratifs, les élèves écrivent pour être lus, ce qui mobilise clairement les enjeux de maîtrise de la langue, ils font société ensemble avec leur imaginaire, grâce à la littérature. Pour que ce soit réalisable, il faut juste laisser libre cours aux idées et bien anticiper l’organisation et les exigences du projet. Le reste n’est que créativité et partage.

Christelle Lacroix, professeure de lettres en collège. Découvrez toutes ses projets sur son site et d'autres projets collaboratifs ici !