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Il est clair et net qu’être prof est totalement stressant. Mais quand je reviens sur ma pratique enseignante et comment elle a évolué au cours des années, je me rends compte que j’ai été moi même l’origine de mon propre stress à cause de la façon dont j’ai choisi de voir mon métier. Avec l’état d’esprit que j’adoptais face à mes élèves et à leurs parents, aussi bien que face à mon propre rôle dans la classe, ou encore la façon dont je faisais d’un petit incident une montagne, j’avais la sensation qu’une situation un peu déroutante devenait impossible à surmonter.
Aujourd’hui, je partage 4 façons que j’ai mis en oeuvre pour saboter ma propre carrière en tant que prof, ainsi que comment et pourquoi j’ai changé au fil des années.
J’ai commencé ma carrière de prof à une époque et à un endroit où il était considéré comme normal de contrôler et d’avoir le pouvoir sur les élèves. On exigeait le respect, il ne se gagnait pas. Humilier les élèves était acceptable. Tomber sur un élève et dire des choses comme « tu as compris mon petit ?" était considéré comme une façon appropriée d’aider les élèves à saisir le déséquilibre de pouvoir entre les profs et les élèves pour qu’ils « restent à leur place ».
Cette approche de la discipline semblait fonctionner pour les parents de mes élèves, et ça marchait pour beaucoup de mes collègues. Alors j’ai essayé, même si je n’avais jamais été entrainée à interragir avec des enfants de cette façon. Je n’ai pas été moi même éduquée dans une communauté où c’était la norme. Et j’imagine qu’en surface, ça a marché. Mes élèves suivaient les règles et me montraient du respect.
Mais mes interractions avec eux me faisaient me sentir mal. Profondément, j’étais gênée par la façon dont je m’adressais à mes élèves. Ca ne collait pas avec qui j’étais en tant que personne. Ou, encore plus important, ça ne collait pas avec le type de personnes que je souhaitais voir devenir mes élèves.
Une fois que je me suis rendue compte des effets à long terme que pouvait avoir la façon dont je parlais à mes élèves, je ne voulais juste plus continuer à travailler comme mes collègues, que j’avais admirés jusque là.
J’ai réalisé que je pouvais intégrer certaines de leurs stratégies et de leurs idées de leçons, mais désormais j’ai toujours, toujours besoin de filtrer chaque chose que je vois à travers ce qui me convient à MOI, et à travers le type d’environnement scolaire que je souhaite créer pour mes élèves. Quand je réfléchis à comment je fais la classe et j’accompagne mes élèves, je prête beaucoup plus d’attention à ce que ça me fait ressentir, à moi et aussi à mes élèves.
Au début de ma carrière de prof, je voulais décider et contrôler chaque chose qui arrivait dans ma classe. Ce besoin de contrôle prenait le dessus aussi bien pour créer des procédures et des routines appropriées que pour établir de minuscules choses de plusieurs façons.
Par exemple, je n’apprenais pas à mes élèves à marcher tranquillement dans les couloirs. Je leur apprenais que leurs mains devaient être dans une position spécifique. Je n’en avais rien à faire que des élèves étaient capables de marcher de façon appropriée sans garder une main dans leur dos et un doigt sur leur bouche en mode « ccchhuuuut ». Je leur donnais cette consigne et chacun devait le faire, chaque fois qu’on marchait ensemble en tant que classe.
Cette tendance au contrôle était le résultat de ma personnalité : j’aime l’ordre et la cohérence. Et mon goût pour ces choses là était renforcé à chaque fois que quelqu’un entrait dans ma classe et me complimentait sur la façon dont j’étais organisée, comment mes élèves savaient parfaitement ce qu’ils avaient à faire, et comment tout semblait couler. Donc je croyais vraiment que j’étais sur la bonne voie.
En y repensant, je pense que j’ai pris trop de place dans la classe par rapport à mes élèves. Je sais que c’était le cas. Au fil des années, j’ai appris à intégrer mes élèves dans les décisions quant au fonctionnement de la classe.
J’ai commencé par des petites étapes, comme demander à mes élèves comment EUX imaginaient une façon de marcher dans les couloirs ou encore de créer des normes ensemble. J’ai essayé en leur donnant des choix (« certains d’entre nous aiment marcher avec leurs mains derrière le dos et d’autres aiment marcher avec leurs mains le long du corps. Je pense que chaque façon est adaptée, du moment qu’on respecte l’objectif de ne pas se pousser ni de se blesser").
A chaque fois que j’ai donné plus de responsabilités à mes élèves, j’ai vu combien ils étaient plus à l’aise dans la classe et comment ils sont devenus autonomes. J’ai aussi réalisé que j’étais beaucoup moins stressée et plus heureuse quand j’ai arrêté de prendre des responsabilités pour des choses que les élèves pouvaient faire eux-mêmes. Voir ces résultats a facilité le lâcher prise et le fait de rendre la classe aux élèves. En bref, j’ai arrêté de manager et je me suis mis à guider.
Une des choses qui me rendait dingue en tant que jeune prof, c’est quand je regardais un élève dans les yeux, que je lui donnais une consigne claire, et dès que j’avais tourné le dos, il faisait le contraire. Je me souviens de certaines fois où mon sang ne faisait qu’un tour au point que ma vision en était troublée !
Je perdais complètement la vision générale du métier et je me laissais atteindre par une colère irrationnelle pour des choses juste normales dans un métier en lien avec les enfants. Je prenais sur moi et je répétais cette situation des centaines de fois dans ma tête et à des collègues qui voulaient bien m’écouter (" je l’ai vu casser son crayon devant moi, il était là devant moi et il m’a menti les yeux dans les yeux à ce sujet !")
Les erreurs de comportement des élèves étaient une attaque personnelle. J’avais établi les règles de la classe et quand les élèves choisissaient de les rompre, je le prenais comme un affront à mon autorité. Il semblait clair dans mon esprit que s’ils ne faisaient pa ce que je leur avais demandé, ils ne me respectaient pas, et la solution était de demander le respect à travers des sanctions rapides.
Plus je parlais avec d’autres profs et plus je lisais des témoignages, plus je réalisais que je n’étais pas face à des comportements hors normes. Il était clair que les élèves étaient, depuis toujours, malicieux et qu’ils repoussaient les limites de n’importe quel règlement placées par n’importe qui. Réaliser ça, ça m’a aidé à ne plus me mettre autant en colère !
Evidemment, je me suis aussi épuisée. Avec les 3762 fois où un enfant faisait quelque chose qu’il n’était pas censé faire, j’étais juste trop fatiguée pour m’agiter encore et encore à ce sujet. Ca ne valait plus le coup de m’agacer quand un élève se comportait mal parce que je finissais par être agacée toute la journée. Je n’allais plus laisser des enfants de 8 ans prendre le contrôle de ma santé mentale !
Un autre catalyseur du changement a été que tout ça est arrivé au moment où j’ai commencé à impliquer les élèves dans la construction des règles de la classe et des routines. Petit à petit, je me suis rendue compte que leur problème de comportement n’avaient rien à voir avec moi, parce que ce n’était plus MES règles ou MA classe. C’était les NÔTRES ! Et il ne me manquaient pas de respect : ils enfreignaient les normes de notre communauté.
Alors au lieu d’adopter une posture sévère à chaque fois et maintenir mon autorité face à un manque de respect, mon travail consistait simplement à rappeler aux élèves qu’ils avaient accepté de participer à notre classe. Ca permettait de ramener les choses à leur place avec l’appui des autres élèves de la classe. Je n’étais plus contre 30 élèves à essayer de faire appliquer mes propres règles. J’avais 29 enfants de mon côté et un enfant qui, à ce moment là, avait besoin d’être rappelé à l’harmonie et l’unité du reste de la classe.
Comme j’ai choisi de travailler dans des écoles de zones très défavorisées tout au long de ma carrière et que j’ai toujours eu l’envie de me mettre au service des populations qui y vivent, j’ai réalisé avec le temps que j’avais une quantité de biais et d’angles morts sur lesquels je devais travailler.
Je ne peux pas compter le nombre de fois et d’énergie que j’ai gâché à me plaindre à propos de ce que les parents ne faisaient pas pour leurs enfants et combien ils n’appréciaient pas l’éducation à sa juste valeur, comme ils auraient dû. Je me suis tellement énervée en pensant à ce que les parents sont censés faire même si cette attitude ne permettait en aucun cas de créer une relation positive avec les parents. Et j’éprouvais du ressentiment du fait que j’étais la seule à pouvoir être tenue responsable de la réussite de mes élèves alors que je n’avais aucun contrôle sur ce qui se passait à la maison et qui avait pourtant un profond impact sur la disponibilité des élèves pour apprendre.
Plus je passais de temps à connaître les familles, plus je développais de l’empathie à leur égard. J’étais beaucoup moins en colère contre la mère de Sydney parce qu' elle n’avait pas retourné les papiers administratifs remplis quand elle m’a expliqué qu’elle attendait des jumeaux et qu’elle souffrait de nausées qui l’empêchait de faire n’importe quelle tâche à la maison. Je n’ai pas reproché à la mère de Marshaun de lui avoir acheté des baskets à 150 euros en disant qu’elle n’avait pas d’argent pour payer le voyage scolaire car pendant la pause, j’ai parlé à Marshaun qui m’a expliqué que sa tante les lui avaient offertes pour qu’il puisse se sentir comme ses grands cousins.
Les gens ont toujours des raisons d’agir comme ils le font. Et le plus j’écoute et je prends du recul, le plus j’apprends à donner aux familles le bénéfice du doute et j’essaye de les comprendre plutôt que de les juger.
Ca a été un changement salutaire pour moi parce que ça m’a détendue. A chaque fois que j’étais tentée de m’énerver au sujet de la façon dont les parents élevaient ou non leur enfant, je me rappelais que leurs choix faisaient sens pour eux, dans leur contexte et leur réalité. Essayer de catégoriser leur façon de décider avec ma propre vision des choses ne faisait que me frustrer et pomper l’énergie dont j’avais plutôt besoin pour aider mes élèves.
La meilleure chose que je pouvais faire pour mes élèves était de comprendre les combats que menaient leurs familles, en reconnaissant que leurs décisions faisaient sens dans leur contexte et leur environnement. Et j’ai choisi de travailler avec eux pour lutter contre les effets de la pauvreté plutôt que combattre les gens qui vivent dans la pauvreté eux mêmes.
D’abord, chaque changement m’a permis de prendre du recul et de considérer l’ensemble du métier, pas seulement ce qui m’arrive sur le moment.
A chaque fois que je me suis sentie énervée, c’était parce que j’avais perdu la vision générale de ma classe
Ensuite, le changement ne s’est pas fait en un jour.
Je n’ai pas simplement appuyer sur un bouton et hop, je me suis retrouvée détachée, plus du tout affectée par le manque de respect des élèves et dans le non jugement total. J’avais seulement parfois des moments de lucidité et c’est là que j’agissais. Et je l’ai fait et refait et refait encore.
Entre ces moments d’action, j’ai parfois, sans m’en rendre compte, fait trois pas en arrière et je suis retombée dans des anciens travers. Mais mon élan général était d’avancer et j’étais réellement et activement en train d‘essayer de prendre des meilleures décisions. Comme n’importe quel objectif de développement personnel, changer mon état d’esprit a été un processus qui s’est fait au cours de beaucoup d’années et c’est toujours quelque chose sur lequel je dois rester attentive et mettre en place chaque jour.
Angela Watson
Pour trouver la version originale, par ici : https://thecornerstoneforteachers.com/truth-for-teachers-podcast/4-ways-sabotaged-success-teacher-thinking-changed/
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