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Dans ma classe, le jeudi est un jour étrange, où capter l’attention des élèves et les engager semble relever de l’exploit, où le retour de récréation est synonyme de débats houleux pour savoir si les CM1 ont respecté l’arbitre pendant le foot, pourquoi la petite M. a été désagréable avec le petit T.
Cet effet jeudi interroge régulièrement ma relation à l’autorité : quels en sont les ressorts, comment engager les élèves, les amener à évoluer dans un climat serein ?
Certains pensent que le « bon enseignant » ou la « bonne enseignante » aurait une autorité naturelle, un don offert par des fées. Bonne nouvelle ! L’autorité est une compétence professionnelle à acquérir et à construire. Elle demande adaptabilité et créativité, elle s’apprend.
Je vous propose, pour construire cette autorité, une réflexion autour de sept grands axes : assumer son statut, connaître les postures enseignantes et les postures des élèves de Dominique Bucheton, créer du lien, faire preuve d’adaptabilité, poser un cadre, motiver et gérer les conflits.
Dans un premier temps, il me paraît nécessaire de définir le terme d'autorité, notamment pour éviter de la confondre avec le pouvoir, la discipline ou l’autoritarisme. Ce sera avec la définition d’autorité éducative, développée par Bruno Robbes, que je vous accompagnerai tout au long de l’article.
La discipline scolaire correspond au cadre mis en place pour le bon déroulement de l’activité d’enseignement. Elle correspond également aux solutions mises en place par l’enseignant·e pour le respect des règles. Elle participe à l’autorité, mais possède un côté normatif, alors que l’autorité est plus subjective. Elle laisse à l’enseignant une liberté d’action et d’adaptation.
Le pouvoir peut exiger l’obéissance en recourant à la contrainte. L’autorité, elle, ne se décrète pas, elle ne peut être du ressort de la contrainte. Bruno Robbes distingue trois types d’autorité :
Jeune enseignante, j’ai parfois été victime du syndrome de l'imposteur : pas sûre de mériter ma place, pas certaine d’être à la hauteur, d’être suffisamment compétente, éternelle insatisfaite de mon travail… Et puis j’ai grandi, j’ai appris à accepter de ne pas être une enseignante parfaite, j’ai appris que mes échecs ne remettent pas en cause mes compétences si je les analyse, j’ai appris à observer mes réussites, à assumer mon statut d’enseignante.
La bonne prof de l’imaginaire collectif (autoritaire mais bienveillante, innovante, toujours prête, vouée corps et âme à son métier, qui prend des photos pour ses séances de géographie pendant ses vacances) va tout droit vers le burn out. C’est une super-héroïne inatteignable. Quel rapport avec l’apprentissage de l’autorité, me direz-vous ?
Il est important d’avoir conscience que, si notre statut d’enseignant·e et de fonctionnaire nous impose un certain nombre de devoirs et d’obligations, c’est également ce cadre qui nous confère en retour une légitimité pour assurer la sécurité affective, cognitive, sociale de nos élèves.
Si notre statut n’est pas suffisant pour faire autorité, l’assumer et avoir conscience de ce qui en découle est une partie intégrante de sa construction. Nous n’agissons pas en tant qu’individu, mais en tant que membre d’une communauté qui nous donne mandat pour exercer notre métier, avec des obligations et des droits.
Lorsque je regarde en arrière sur mon démarrage dans l’enseignement, j’ai le souvenir de la remarque d’un maître-formateur me trouvant rigide avec les élèves. Je me rassurais derrière des postures très contrôlantes, laissant peu de place aux élèves. Cette posture était rassurante à première vue, elle me donnait le sentiment de pouvoir contrôler et de ne pas perdre pied. Malheureusement, ce confort est un leurre. Souvent, les élèves perdent petit à petit leur engagement, leur attention et finissent souvent par se dissiper.
Avec le temps, la découverte des postures d’étayage de Dominique Bucheton a éclairé mes réflexions sur l’autorité et mis des mots sur des impressions. Je vous laisse les découvrir en détail dans cet article.
Ma classe est une équipe, mon rôle est que chaque membre se sente accueilli, respecté, accompagné. C’est le cœur de la création d’une relation pédagogique. Si je ne peux pas faire entrer de force les connaissances dans la tête de mes élèves, je peux créer les conditions pour qu’ils viennent avec envie à l’école et les aider à faire leur moitié du chemin.
Je les embarque avec moi, et souvent le sentiment d’appartenance à notre équipe m’aide à réguler les comportements qui se voudraient perturbateurs, à mobiliser le groupe, à créer un climat de classe serein et enjoué.
L’élève est un être sensible ; si notre rôle n’est pas d'aimer nos élèves, essayer de tisser un lien avec eux est une des conditions de la construction de notre autorité. Ce lien ne se crée pas tout seul. Chaque élève a besoin de sentir notre conviction de l’éducabilité de chacun et chacune. Les moyens pour tisser ce lien sont nombreux :
Tisser du lien avec ses élèves, c’est trouver les moyens de créer à la fois du collectif et que chacun et chacune puisse se sentir important·e, reconnu·e individuellement au sein de ce collectif. Lorsque ces liens sont créés, l’autorité n’est pas un objet imposé par l’enseignant mais accepté par les élèves.
Lundi matin, 9 heures, la connexion internet ne fonctionne plus, les élèves attendent évidemment patiemment, dans le calme absolu que le problème s'arrange.
À 9h20, le petit Naël est absent, mais c’est lui qui avait tout le travail de son groupe. 10h00, j’ai prévu de travailler sur un problème de recherche.
Malheureusement, la petite Isalyne, qui a rapidement compris comment résoudre le problème, propose aux autres une formule qui marche à tous les coups. Patatras ! Ma séance prévue sur 45 minutes est bouclée en 5 ! Et il faut maintenir l’attention des élèves.
Construire son autorité, c’est être capable de s’adapter et d’anticiper une partie des imprévus. Si elle n’est pas une assurance de l’autorité, l’adaptabilité est une des conditions de sa construction. Cela demande d’être capable de :
Ma classe est une équipe, mais c’est aussi (et surtout) un grand chantier permanent : j’ai toujours plusieurs projets qui s’entrechoquent et des élèves travaillant à plusieurs. C’est, par moment, un grand bazar, mais un grand bazar organisé, avec un cadre serré par nécessité. Pour que cette fourmilière fonctionne, les règles sont absolument nécessaires.
La classe peut être vue comme une communauté d’apprenants qui interagissent. Les interactions entre les élèves sont source d’apprentissage. Elles ont besoin d’être structurées :
Poser le cadre d’apprentissage a pour objectif de rassurer les élèves et d’assurer les conditions nécessaires pour apprendre dans cette communauté. Si l’élève se sent membre d’une communauté, il comprend aisément la nécessité de respecter un certain nombre de règles de communication : savoir dire, savoir écouter, être calme, gage de la construction d’une juste autorité.
En 2018, j’ai observé ma classe avec une grille évaluant le comportement des élèves : l’entrée dans la tâche, son respect, le respect des règles de communication, dans des conditions d’exercice très scolaire et pendant une séance d'observation à la loupe d’un échantillon de compost dans le cadre d’un projet Savanturiers, projet très engageant pour les élèves. J’ai pu confirmer objectivement une intuition : les élèves engagés cognitivement respectaient mieux les attendus de comportements.
Si on se fixe comme objectif l’éducabilité de chaque élève et que l’on cherche la réussite du plus grand nombre, on change notre vision du rapport au savoir et de l’autorité. C’est un cercle vertueux qui s’enclenche.
Pour mettre en œuvre la motivation chez nos élèves, on peut :
Les élèves, lorsqu’ils sont pleinement acteurs de leurs apprentissages, sont également plus studieux, plus attentifs. Ils respectent mieux les règles de communication d’autant qu’ils les ont mis en place eux-mêmes, par nécessité. Tous les élèves sont motivés par quelque chose, mais pas forcément par le cours qu’on leur propose, c’est là tout l’enjeu.
J’ai parfois dans ma classe, comme dans toutes les classes, à gérer des conflits entre élèves. Cette gestion est difficile, souvent parce qu’elle touche aux émotions des élèves qui ne sont que rarement prêts à m’écouter à chaud, ou qui n'acceptent pas toujours les remarques, même mis devant le fait accompli. Pendant longtemps, les réponses que j’ai pu proposer ne m’ont pas satisfaite.
Voici quelques conseils qui m’ont permis de modifier la gestion des conflits :
Elle peut consister en une réflexion avec l’élève : « Dis la règle que tu n’as pas respectée. », « Explique ce qu’il s’est passé. », « Qu’est-ce qui t’a poussé à agir ainsi ? », « En quoi cela perturbe-t-il la classe ? », « Que peux-tu faire pour éviter que ça se reproduise ? », « Que peux-tu faire pour réparer les dégâts ou le tort subi par autrui ? ».
L’apparition des conflits dans une classe nous donne parfois (souvent) envie de fuir loin, le plus rapidement possible. Malheureusement, c’est impossible. La gestion des conflits est une compétence nécessaire pour l’enseignant mais également pour les élèves, pour qu’ils se sentent en sécurité au sein de la classe.
Professeure des écoles depuis 2002, PEMF Inspe de Lons-le-Saunier, ambassadrice Savanturiers/école de la recherche
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Voilà de très bons conseils, en particulier pour les enseignants qui débutent !
Merci cette article m'aide beaucoup