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Observer ses élèves - Apprendre à nos élèves à s’auto-observer

Isabelle Peloux
6 mars 2023 09:40
5 mn

Ce contenu fait partie du parcours Apprendre à apprendre : aussi une histoire de relation

Développer une posture d’observateur
 

Observer nos élèves : cela demande un comportement spécifique, actif. Observer, c'est se mettre en posture de chercheur, en posture d’écoute active. Cela signifie qu’on met volontairement son attention sur l’acte d’écouter, regarder, sans a priori, en acceptant d’être étonné, emmené ailleurs de là où son a priori l’emmènerait. Écouter activement, observer activement, cela signifie se taire, mettre son attention sur les faits : ici, les paroles ou les manipulations de l’élève.

Observer au quotidien dans sa classe pour relever des indices de réussite de nos élèves, comprendre ce qu'ils font et comment ils le font

Commençons par expliciter ce qu’est l’observation :

  • L'observation récolte des faits, des événements précis, décrits sans jugement de valeur moral, sans interprétation des faits.
  • L'observation porte sur toutes les causes possibles de la difficulté d'apprentissage.
  • L'observation des fonctionnements cognitifs se fait à travers l’élève en activité, et non pas à partir du seul résultat de ses actions.


Pour observer les fonctionnements cognitifs de l’élève, nous disposons de trois moyens : 

  • L’analyse des travaux de l’élève ou des traces laissées. D’où l’intérêt de lui faire utiliser des brouillons, d’autoriser et d’utiliser les erreurs (pas uniquement les manques de connaissances, mais surtout les erreurs de démarches, de procédures).
     
  • L’observation de l’élève pendant l’exercice : exploration du document ou de la consigne, utilisation des aides (dont ses pairs), sollicitations de l’adulte, temps de réflexion, retours évaluatifs.
     
  • L’entretien avec l’enfant sur ses stratégies. Ce questionnement métacognitif vise à :
    • Connaître les savoirs préalables de l’enfant, pour résoudre le problème posé (par exemple, les connaissances lexicales pour un travail en lecture, l’utilisation de l’équerre pour un tracé de parallélépipèdes).
    • Connaître ce que l'élève pense faire pour résoudre l’exercice (par exemple, comment faire pour comprendre un texte, quelles sont les différentes étapes pour construire un rectangle). Des représentations erronées de la tâche à accomplir sont souvent sources d’erreurs. Exemple classique : certains élèves pensent que, pour comprendre un texte, il faut l’apprendre par cœur, tâche gigantesque devant laquelle ils se sentent impuissants, dévalorisés face aux autres élèves, et remettent en cause leur capacité à apprendre.
    • Reconstituer la démarche suivie par l’enfant. Nous entrons là dans l’explicitation métacognitive, technique assez délicate. Pour aider l’élève, le remettre dans la situation ou l’évocation de la situation, en lui demandant d’expliquer ce qu’il fait. Les questions aidantes commencent plutôt par "comment" et évitent les "pourquoi" : il faut faire surgir l’implicite, les liens faits par l’enfant, les cadres de résolution utilisés, les transferts faits ou non faits.
    • Identifier le ressenti de l’élève face à la tâche et son action : inquiétude, découragement, sentiment d’impuissance, plaisir de faire, plaisir d’apprendre, de réussir, etc. Ces ressentis ont une incidence forte sur l’implication de l’élève, son engagement dans l’activité.
       
ACTION

Observer, questionner pour construire une image suffisamment réaliste du fonctionnement de l'élève 

Pour partir de ce que l'élève fait et l'emmener vers des fonctionnement plus efficients, nous nous appuyons sur des faits pour lancer notre questionnement : “Explique-moi pourquoi tu fais ceci, rappelle-moi quelle est la question posée ? Que cherches-tu ? Pourquoi cherches-tu cela ?” Nous invitons l'élève à donner du sens à ses réponses, à repérer là où il n'est pas sûr, là où il ne sait pas pourquoi il pose tel ou tel acte scolaire. 

Nous partirons de son monde pour l’emmener dans celui des apprentissages, avec ses codes verbaux, avec ses raisonnements fondés sur le discernement et l’esprit critique cités plus-haut. 

Nous l'invitons à formuler ce qu’il cherche, sa demande, son besoin, et ainsi nous l’accompagnerons vers son autonomie, ce discours à deux pouvant devenir un discours entre lui et lui ; et ainsi l’inscrire dans un processus d’apprendre à apprendre.

La reformulation, une clé importante de l'écoute active

Reformuler consiste à répéter avec vos propres mots ce que vous avez entendu de ce que votre interlocuteur vous a dit. C'est redire plus clairement et de manière plus concise ce que vous avez retenu des propos de la personne en face de vous. L'objectif n'est pas d'obtenir plus de précisions de la part de votre interlocuteur, mais bien de vérifier - et faire valider - que ce que vous avez entendu est bien ce qu'il a dit. 


Des pistes à explorer hors du champ métacognitif

Rappelons-nous toujours qu’il n’y a pas que la compréhension (ou le registre métacognitif) qui est en jeu, mais qu’il y a aussi tout ce qui se passe dans le fait même d’apprendre, et donc de ne pas savoir, dans le lien aux autres. Autant de pistes qui peuvent expliquer des obstacles à la résolution pour l’enfant. Tels un enquêteur ou une enquêtrice, nous observerons, traquerons plusieurs éléments.

Ce qui se joue dans le registre de l'imitation et de la comparaison

Lorsque l’enfant apprend, il fait en gros toujours l’apprentissage par imitation. Imitation du geste de l’autre, de l’indication de l’autre, de la stratégie mentale de l’autre. Lorsque vous accompagnez un enfant, afin de ne pas oublier tout un pan du questionnement pédagogique, il faut garder en tête ce processus d’imitation comme un phénomène qui peut générer de la comparaison. Si l'enfant, en se comparant, se sous-estime et se vit moins bon que l’autre, cela peut être le nœud de son blocage face à l’apprentissage. Il est donc bon d’avoir en tête que la comparaison peut être source de souffrance et qu’il faut donc en parler, mettre des mots dessus. 

Pour y veiller : 

  • En éducation à la paix avec les autres, nous parlons beaucoup de cette comparaison. Nous mettons des mots sur la jalousie qu’elle peut créer, nous la relions aux différentes formes d’intelligence, afin que le mental puisse prendre en compte ce fait sans le transformer en comparaison perdante, mais en comparaison enrichissante de par sa complémentarité, sa diversité. 
  • Au quotidien, dans des activités satellites, chaque enfant est amené à repérer ses talents, qu’ils soient musicaux, artistiques, sportifs.
     

Ce qui se joue dans la compétition et la coopération

Les travaux présentés dans cette revue de littérature font partie de projets de recherche assez différents, mais soutiennent tous la même conclusion : la compétition a des effets néfastes sur l’apprentissage. Que ce soit au niveau de l’attention, du raisonnement, de la motivation ou de l’apprentissage en groupe, les situations où les individus sont amenés à se préoccuper du statut relatif de leurs compétences se révèlent être des situations qui donnent lieu à une focalisation qui peut entraver l’apprentissage. Améliorer l’apprentissage dans les systèmes d’éducation et de formation ne passe donc pas par la promotion de la compétition.

Bien souvent, on voudrait supprimer toute compétition entre nos élèves. Notre expérience du terrain nous a permis d’observer combien cette dernière peut faire perdre confiance en soi, peut faire perdre l’appétit d’apprendre, peut dévaloriser l’erreur et freiner la prise du risque d’apprendre et de rencontrer les 4 phases de compétence (inconsciemmment incompétent, consciemment incompétent, consciemment compétent, inconsciemment compétent). Je voudrais cependant partager les bons côtés que j’ai pu observer de la compétition : elle crée souvent de l’émulation. 

Par exemple : si un enfant fait un exposé avec une superbe affiche, un propos intéressant, une mise en scène un peu théâtralisée, cela mettra la barre de comparaison assez haute. J’ai observé que les exposés faits après gagnaient eux aussi en qualité, comme si la comparaison avait produit de l’élan pour faire plus, donc avait produit une bonne émulation. Il y a inévitablement de la comparaison et pour certains, cela devient naturellement de la compétition, au minimum avec eux-mêmes.

La compétition qui peut écraser est celle où seul le premier est regardé comme ayant réussi, est celle où c’est l’adulte et son regard jugeant qui posent une hiérarchie de réussite. Donc comme d’habitude, il est nécessaire de lutter contre les côtés blessants de la compétition, sans la supprimer pour autant complètement. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’à l’école, elle est là entre les enfants, et qu’il est rarement utile de la nourrir. Mais dans le questionnement pour aider, se rappeler qu’un blocage face à l’acte de travailler peut-être dû à cette difficulté de s’y voir perdant, de s’y vivre nul.

ACTION
l'essentiel à retenir
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