Personnaliser vos contenus
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Sacha et Dmytro sont Ukrainiens. Ils sont arrivés dans ma classe d’élémentaire à quelques semaines d’intervalle. C’était une première pour moi ! Comment accueillir ces nouveaux enfants qui ne parlent pas un mot de français ? Comment réussir leur inclusion ? Comment évaluer leurs compétences scolaires déjà acquises en Ukraine ? Et enfin, comment continuer d’assurer la gestion quotidienne de mon double niveau, sans les laisser désœuvrés ?
Le travail en autonomie pour élèves allophones est donc devenu ma quête, sur internet, auprès des collègues en UPE2A, ou même sur les comptes Instagram des profs de français langue étrangère (FLE). C’est à mon tour, aux côtés d’ÊtrePROF, de vous livrer mes trouvailles.
Les besoins de Sacha et de Dmytro à leur arrivée n’étaient pas les mêmes.
Très vite, Sacha m’a montré sa motivation pour écrire des mots en français et pour participer aux activités où la langue n’était pas un frein. Elle a très vite pris le rythme du rituel de calcul mental chaque matin et participait même à la correction au tableau. Elle se montrait très sociable et a rapidement été intégrée aux jeux dans la cour. Avec Sacha, les pédagogies interactives et collaboratives fonctionnaient à merveille.
Dmytro est arrivé quelques semaines après. Forte de l’inclusion plutôt réussie de Sacha, j’ai mis les mêmes stratégies en place avec lui. Ça n’a pas fonctionné. Il dormait en classe, sortait vérifier la solidité du portail et réclamait des câlins ou une présence physique dès qu’il ne dormait plus. J’ai appris ensuite que Dmytro avait fui son pays dans des conditions très différentes de Sacha. Son sommeil était très perturbé la nuit et il avait besoin d’être rassuré sur sa sécurité très régulièrement, même dans sa famille d’accueil, en présence de ses parents. En d’autres mots, lorsqu’il est arrivé, Dmytro n’était pas disponible pour les apprentissages.
Il est vraiment essentiel de commencer par s’assurer que les besoins physiologiques de nos nouveaux élèves sont comblés (sommeil, alimentation, sécurité, activité physique, etc.) avant de penser pédagogie et progrès scolaires.
Après deux semaines de chaos, j’ai décidé d’arrêter.
Non, je n’ai pas terminé son évaluation. Oui, il dort sur sa table ou sur les coussins du coin bibliothèque. Non, il ne va pas toujours en récréation, lieu d’échange propice pour son inclusion. Je me suis adaptée et je me suis montrée plus à l’écoute de ses besoins. J’ai adopté une pédagogie très clairement différenciée en combinant une approche individuelle et l’usage de technologies éducatives.
J’ai aussi pris le temps d’en discuter avec mes CM1-CM2. On a tous convenu que Dmytro avait besoin de temps et qu’on était en capacité de le lui offrir. Ils avaient bien compris que le groupe classe ne lui permettait pas encore de s’épanouir et qu’il avait besoin d’attention individuelle.
On a mis en place un système de tutorat tournant. Chaque élève volontaire a positionné sa photo sur l’emploi du temps par demi-journée. Dmytro pouvait ainsi demander de l’aide ou de l’attention à ce camarade. Mes élèves volontaires ont pris très à cœur cette responsabilité et ont changé de regard sur Dmytro. De mon côté, j’ai pu l’observer davantage et me mettre un peu en retrait pour que l’inclusion de Dmytro avec ses pairs puisse réellement commencer.
En réunion d’équipe, j’ai demandé une faveur à ma collègue de CP. Sa classe abritait un cochon d’inde : Pompon. Je lui ai demandé l’autorisation de laisser Dmytro faire des câlins à Pompon. Avec son accord, nous avons convenu qu’il pouvait venir le caresser au début de chaque récréation, accompagné de son camarade tuteur. Cette parenthèse de connexion avec le petit animal a parfaitement répondu aux besoins de Dmytro. Ce dernier ne m’a plus demandé un seul câlin.
Enfin, j’ai découvert la grande utilité du numérique pour un élève à besoins éducatifs particuliers et qui plus est, allophones. En effet, j’ai pu m’appuyer sur des applications qui ont permis à Dmytro de conserver des activités dans sa langue maternelle.
J’ai appris par la suite qu’il était effectivement essentiel de tenir compte des langues premières des élèves nouvellement arrivés sur le territoire pour éviter le rejet de la langue de scolarisation.
Le quotidien de Sacha et Dmytro s’est petit à petit organisé autour de 3 dispositifs différents :
Voici des pistes concrètes de ressources et d’outils pratiques pour enrichir les séances de travail en autonomie.
Le passeport des mots utiles créé par une collègue enseignante en UPE2A est idéal pour faire un tour du monde des langues avec sa classe entière. Silvia partage sur son blog des imagiers sonores, des vidéos et des activités de reconnaissance de mots à faire en autonomie. Mon coup de cœur, c’est le kit plan de travail vierge et ses étiquettes, outil indispensable pour favoriser le travail en autonomie des élèves.
Le site internet bilingual picturebooks propose un accès gratuit à plusieurs livres d’images bilingues. Vous choisissez le livre qui vous plait puis vous cliquer sur Télécharger. Ensuite, vous pourrez sélectionner les deux langues que vous souhaitez entendre.
Les jeux de construction permettent à nos élèves de fixer leur attention sur une seule et même chose. En jouant à des jeux de construction, ils vont s’amuser et probablement atteindre leur but. Dans les journées d’école, l’enfant allophone a aussi besoin de petites victoires et d’objectif atteint. Pour varier les plaisirs, vous pouvez laisser l’élève choisir son activité du jour parmi plusieurs jeux rangés au même endroit et facilement accessibles. Par exemple, Dmytro a jeté son dévolu sur les kapla et deux modèles de casse-têtes déjà présents dans ma classe.
Proposer un carnet de dessin et d’écriture ou à minima un lot de feuilles blanches permet de donner un espace d’expression libre. Sacha a réalisé de nombreux dessins qu’elle me montrait parfois. Je rebondissais en pointant du doigt ce que je reconnaissais. J'en profitais pour lui apporter des petits mots de vocabulaire que j'écrivais sur un post-it : arbre, voiture, papa, maison….
Dmytro a préféré l’utiliser pour écrire en ukrainien, de façon autonome. Un mois après son arrivée, sa maman m’a apporté la traduction d’une partie de son cahier. Il avait raconté son départ d’Ukraine sous la forme d’une quête de jeux vidéo. Il a lu la version en ukrainien devant toute la classe et l’un de ses camarades a lu la version traduite en français par ses parents. Grand moment d’émotion : ce jour-là, Dmytro a porté le maillot jaune, jour de victoire !
J’ai vidé 2 porte-vues jusqu’alors dédiés aux fiches de lecture pour constituer des livrets d’autonomie. J’y ai mis :
Toutes ces activités sont universellement comprises par les enfants, car les consignes sont superflues pour la compréhension. Elles sont donc idéales pour les rendre autonomes en plus de leur octroyer des moments de détente cognitive.
Un éclairage sur le type d'exercices adaptés aux élèves allophones, axés sur le français et plus particulièrement l’oral, la lecture et l'écriture.
Faire entrer la culture de l’élève et sa langue maternelle dans la classe sont des leviers essentiels pour favoriser l’inclusion des EANA. Il y a plusieurs façons de faire en fonction de l’âge des élèves et de votre objectif. Vous pouvez proposer des affichages, l’intégration de mots de politesse (bonjour, merci), le visionnage de photos sur le pays ou l’écoute de chants dans la langue maternelle des enfants que vous accueillez.
Dmitro et Sacha sont arrivés en France avec au moins un de leurs parents. J’ai donc pu très rapidement les rencontrer et engager un dialogue avec eux. J’ai commencé avec de jolies phrases bien construites en anglais pour me présenter et donner les informations essentielles. J’ai vite abandonné. Un carnet et un crayon ont été de précieux alliés lorsque nous avions des choses simples à nous dire.
Puis, j’ai découvert l’application Google Trad. L’usage est vraiment très simple. La traduction des phrases se fait du français vers la langue étrangère. Puis, il suffit d’un clic pour inverser. Il y a également une option conversation qui permet de parler et d’écouter les traductions à tour de rôle. C’est ce que j’ai utilisé, car je n’ai pas le clavier avec l’alphabet ukrainien. Enfin, l’appareil photo permettait de traduire instantanément les mots de liaison à destination des familles ou les messages que les parents m’adressaient.
Il y a quelques mois, j’ai entendu parler de l’opération Ouvrir l'École aux parents pour la réussite des enfants (OEPRE). Celle-ci favorise l'intégration des parents d'élèves allophones volontaires, en les impliquant dans la scolarité de leur enfant et en leur apportant des aides spécifiques. Il s’agit essentiellement d’un dispositif d’accompagnement et de formations gratuites qui vise :
Dmytro et Sacha sont partis avant la fin de l’année, car leur famille a été relogée dans d’autres départements. Leur venue a été une véritable aventure humaine et professionnelle que je suis heureuse de partager. J’espère que les pistes de travail en autonomie des élèves allophones vous permettront d’accueillir à votre tour des enfants dans les meilleures conditions possibles.
Émilie Kalifa, professeure des écoles depuis 2018
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