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Lorsque j’ai accueilli pour la première fois des élèves allophones en cours d’année dans ma classe double niveau, j’étais perdue. Je me suis alors tournée vers la communauté des enseignants. Marion, professeure des écoles en UPE2A, a répondu présente. Elle m’a apporté, à distance, les conseils et le soutien dont j’avais besoin.
Parce que nos collègues en UPE2A sont LES experts en accueil et en scolarisation des enfants itinérants et allophones, j’ai demandé à Marion de prendre la parole. Dans cet article, Marion vous partage son quotidien et ses ressources pour réussir au mieux leur inclusion.
Et si on parlait du dispositif UPE2A ? Qui sont ces professeurs experts de l’accueil et de la scolarisation des élèves itinérants ou nouvellement arrivés sur le sol français ? Chaque année, ils et elles prennent en charge un peu plus de 64 500 enfants.
UPE2A signifie Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants. Il y a autant d'UPE2A qu'il y a de départements ! Leur forme, leurs missions, leurs publics et leur fonctionnement sont différents selon les académies, les départements.
Marion enseigne dans le 79, département des Deux-Sèvres.
« Ici, les enseignant.es UPE2A 1er degré sont tous itinérants et ont pour publics les EANA (élèves allophones nouvellement arrivés) et les EFIV (enfants de familles itinérantes et de voyageurs). Nos missions sont coordonnées par le Casnav départemental (Centre académique pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et des enfants de familles itinérantes et de voyageurs). Les élèves sont accompagnés à partir du CP jusqu'au CM2.
Je n'ai donc pas de classe fixe, mais je circule d'écoles en écoles au gré des arrivées et des besoins. Cette organisation s'apparente davantage à du soutien linguistique, plus qu'à une véritable UPE2A fixe comme il en existe à Paris ou dans les grandes villes. En effet, en fonction de la carte scolaire, les élèves ne sont pas toujours scolarisés dans des établissements qui disposent d’une unité fixe. Il faut alors aller à leur rencontre. »
« L'itinérance peut-être un avantage pour les élèves allophones isolés dans les écoles de campagne car je peux me déplacer auprès d'eux afin de les accompagner, mais elle est également contraignante car elle m'oblige (outre les nombreux kilomètres) à ne prendre les élèves que 2 à 3 heures par semaine contre les 9 heures exigées dans la circulaire du 2 octobre 2012 (circulaire n° 2012-141 du 2-10-2012). Cela peut être assez frustrant pour les élèves et moi-même car les progrès sont souvent plus lents et la réalisation de projets peut s'avérer plus compliquée. »
L’organisation quotidienne de Marion nécessite donc un travail collaboratif important avec les collègues des classes ordinaires qui accueillent ses élèves allophones.
À l'arrivée d'un EANA, une cellule d'accueil est programmée avec la famille et l'élève. Celle-ci a pour objectif de connaître le parcours scolaire (ou non) de l'élève, les langues parlées et d'autres renseignements qui pourraient être utiles dans son accompagnement.
Marion tient beaucoup à cette première rencontre :
« Elle me permet de me présenter et d'établir le contact avec la famille. Un livret bilingue leur est également transmis, pour expliquer le rôle de l'école et le système scolaire français. Il arrive que les familles ne soient pas lectrices et que ce livret ne soit pas utile. »
Ensuite, Marion réalise une évaluation de positionnement auprès de l'élève, pour déterminer ses compétences scolaires ou autres.
« Pour cela, nous utilisons divers supports en langue d'origine de l'élève quand cela est possible, comme ceux du site Canopé. Des évaluations non-verbales peuvent être menées également auprès des enfants non-lecteurs ou NSA (non scolarisés antérieurement).»
À l'issue de cette évaluation, l'élève est inscrit dans sa classe d'âge avec un certain nombre d'heures de soutien linguistique déterminé en fonction de ses besoins pour une durée d'un an. Il peut arriver qu'un élève soit basculé dans une classe en N-1 souvent pour les NSA (avec accord de l'IEN de circonscription) avec soutien linguistique, pendant une durée de 2 ans.
De manière générale, les élèves pris en charge en UPE2A ont un PPRE qui encadre cet accompagnement. Cela permet aux enseignants d’adapter leur enseignement et de leur donner du travail en autonomie lorsqu’ils ne peuvent pas suivre la séance en groupe classe.
Un livret de compétences particulier est également rédigé en parallèle du LSU de la classe ordinaire. Il tient compte des progrès en Français langue seconde (FLS), basé sur les compétences du CERCL.
« Lorsqu'ils sont prêts, en fin d'année ou avant, je leur fais passer le DELF Prim' (Diplôme en langue française pour le primaire) qui évalue les 4 domaines du FLS (compréhension orale, écrite et production orale et écrite). Lorsqu'ils obtiennent une bonne moyenne, et que je les sens prêts, ils peuvent sortir du dispositif pour intégrer 100 % leur classe de référence. »
Lors des premiers jours, Marion enseigne à ses élèves le lexique dit "de survie", ces mots utiles pour répondre à leur besoin : les mots de politesse, demander de l'aide ou l’autorisation d’aller aux toilettes.
« Je leur transmets à tous un livret de lexique qu'ils peuvent emmener dans leur classe et à la maison et dont je me sers dans mes cours de FLS.
Pour les rassurer aussi sur les premiers jours, je leur laisse la possibilité de s'exprimer dans leur langues grâce à google trad sur mon téléphone. Ils peuvent ainsi me raconter leurs petits soucis des premiers jours, leur crainte...ou parfois leurs petits bonheurs. Puis très vite, le téléphone reste dans ma poche et mes élèves s'expriment avec leurs premiers mots en français. »
Pour Marion, l'intégration de ses élèves passe aussi par la valorisation de leurs langues et leurs cultures :
« Depuis 3 ans, chaque année, je mène des projets lors de la semaine des langues pour valoriser leurs langues et cultures. Cette année, j'ai souhaité mener un projet autour de la cuisine du monde, et notamment des recettes traditionnelles des pays de mes élèves.
À chaque période, les familles viennent cuisiner avec nous des plats de leur pays. Mes élèves préparent ensuite un petit goûter avec leur classe. Un petit livre de recettes est également distribué aux élèves de l'école. L'ouverture de l'école aux familles est pour moi également primordiale pour favoriser l'intégration des élèves.
Il existe aussi des ateliers appelés OEPRE (Ouvrir l'école aux parents pour la réussite de leurs enfants). Je n'ai pas encore eu l'occasion d'en animer. »
Marion a réalisé des padlets à thème. Ils regroupent des ressources pour l'enseignant, pour la classe et pour l'élève EANA.
Un éclairage sur le type d'exercices adaptés aux élèves allophones, axés sur le français et plus particulièrement l’oral, la lecture et l'écriture.
Marion a un parcours assez atypique :
« J'ai une formation universitaire en anthropologie culturelle puis en animation sociale et socio-culturelle. Après avoir travaillé dans l'animation et dans l'environnement, je me suis dirigée vers l'enseignement (un vieux rêve d'enfant que j'avais mis de côté).
J'ai passé le concours CRPE en 3e voie (reconversion professionnelle), et voilà maintenant 7 ans que je suis professeure des écoles. J'ai d’abord obtenu divers postes en classe ordinaire : ZIL, brigade, TRS, adjointe en maternelle et en élémentaire.
Puis, il y a 3 ans, je me suis tournée vers le poste UPE2A. Dans mon académie, ces postes sont proposés dans le cadre du mouvement PAP (postes à profils) et nécessitent donc de faire acte de candidature (CV + lettre de motivation) puis de passer un entretien. Aucune compétence particulière n'a été exigée. Mon parcours atypique a peut-être plu aux jurys, car j'ai enseigné quelque temps en Côte d'Ivoire. J'ai vécu en Espagne aussi.
L'année dernière, j'ai souhaité passer la CCFLS (certification complémentaire en français langue seconde) pour valoriser mon parcours et mon poste. »
En effet, il n'y a pas de formation spécifique pour l'enseignement en UPE2A. Marion lit beaucoup et s'inscrit à de nombreuses formations à distance via M@gistère, Canotech ou Canopé. Le Casnav propose également des journées de conférences ou des tables rondes pour enrichir ses enseignements.
« Je vais également régulièrement sur les sites des collègues d'Ulis qui ont toujours des supers outils ou idées. Je consulte aussi beaucoup les blogs ou sites d'orthophonistes. Et les blogs de profs de "francisation", comme on dit au Québec, ou de FLE. »
FLE, FLS et FLM
Le français langue seconde (FLS) est la forme d'enseignement du français destinée aux élèves allophones, récemment arrivés ou non en France. Bien que cette notion s'inspire de la didactique du français langue maternelle (FLM) et de la didactique du français langue étrangère (FLE), le contexte d'enseignement du FLS nécessite une approche, des dispositifs et des outils spécifiques.
La certification complémentaire
La certification Français langue seconde (CCFLS) vient couronner une démarche personnelle d'implication dans ce domaine et valide les acquis professionnels qui ne relèvent pas du champ de concours enseignant. Cette certification est valable à vie et permet aux professeurs du premier et du second degré de postuler à des postes spécifiques pour élèves allophones (UPE2A).
La formation
La formation de préparation à l'examen de la CCFLS est accessible aux enseignants titulaires et contractuels en CDI qui souhaitent passer l'examen. Elle comprend un parcours de formation propre à chaque académie. Le Casnav est le meilleur interlocuteur pour y accéder.
L’inscription à la Certification complémentaire
Pour s'inscrire à l'examen, les candidats doivent respecter les sessions d’inscriptions locales, souvent entre septembre et octobre) et déposer leur dossier sur le site Cyclades. L'épreuve orale se déroule généralement fin janvier à la Maison des examens de leur académie. Pour en savoir plus, la circulaire de juillet 2019 détaille les modalités de délivrance de la CCFLS et le calendrier est à vérifier auprès de chaque académie.
Les UPE2A jouent un rôle essentiel dans l'intégration scolaire des enfants allophones et des enfants de familles itinérantes et de voyageurs en France. Les enseignants et enseignantes UPE2A sont des acteurs clés dans ce processus, offrant un soutien linguistique et pédagogique adapté aux besoins de chaque élève. Bien que les défis soient nombreux, notamment en raison de l'itinérance et du manque de temps d'accompagnement, ils et elles sont engagés dans une démarche collaborative avec les professeurs de classes ordinaires pour favoriser l'inclusion scolaire et la réussite de tous les élèves.
Et si vous alliez à leur rencontre, sur votre territoire ?
Marion Paitrault, professeure des écoles depuis 2016 et en UPE2A depuis 2020
Émilie Kalifa, professeure des écoles depuis 2018
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