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Article rédigé dans le cadre d'un partenariat avec la plateforme E-Inspé.
Commençons par une métaphore : celle de l'engagement associatif. Imaginez que vous décidiez de vous engager dans une toute nouvelle activité bénévole et associative, dans un domaine que vous ne connaissez pas ou très peu, et dans une association dans laquelle vous ne connaissez personne. Vous aurez un fort sentiment d’appartenance :
Grâce à ce solide sentiment d’appartenance, vous allez avoir un engagement fort dans votre travail de bénévole, et vous serez très peu absent. De plus, quand il y aura des moments difficiles (manque de temps, tâches ingrates, perte de motivation, conflits dans l’asso), vous allez être plus résistant et plus combatif pour maintenir votre engagement.
À l’inverse, si vous n’avez pas le sentiment de rejoindre une communauté valorisante, si vous avez le sentiment que votre contribution n’apporte pas grand-chose, et que vous vous sentez souvent jugé négativement dans ce que vous faites ou ce que vous êtes, vous allez rapidement laisser tomber vos heures de bénévolat !
Le sentiment d’appartenance est un besoin fondamental pour chaque individu. C’est le sentiment de faire partie d’un groupe et de s’y sentir bien. Avoir une place, sentir que l’on compte, que l’on contribue significativement, que si on n’est pas là, on va manquer au groupe.
Au niveau scolaire, il se réfère au sentiment de faire partie intégrante de la communauté scolaire, de se sentir accepté, valorisé et inclus au sein de l’établissement.
Le sentiment d’appartenance est alimenté par :
Si on se sent accepté et qu’on a l’impression d’avoir une place, on va pouvoir évoluer de manière harmonieuse au sein du groupe. Se sentir appartenir à une communauté, en harmonie avec les autres, ça permet de s’engager durablement. Quand on se sent appartenir, on ose prendre de la place et on protège le groupe.
Il s’agit d’une boucle vertueuse : plus le sentiment d’appartenance est fort, plus les élèves ont envie de faire partie du groupe, de se retrouver et de créer des liens significatifs entre eux.
Un sentiment d’appartenance de qualité va agir comme une base de sécurité sur laquelle l’élève va pouvoir s’appuyer pour ensuite déployer son potentiel, et sortir ainsi de sa zone de confort.
Une fois le sentiment d’appartenance établi, l’élève va se sentir de plus en plus en sécurité, et il va être plus disponible pour les apprentissages et surtout il va maintenir ses efforts et son engagement même sur des moments plus difficiles.
Le sentiment d’appartenance permet de se lancer, de risquer de commettre des erreurs en ayant moins peur de se sentir jugé et permet d’avancer avec confiance et détermination. Les élèves sont plus enthousiastes pour se lancer dans les apprentissages, d’autant plus, lorsqu’ils ont l’impression de faire partie d’une communauté de futurs professionnels.
Plusieurs raisons expliquent pourquoi un ou une élève n’a pas le sentiment d’appartenir à son établissement scolaire. En réponse à cela, nous disposons de plusieurs leviers sur lesquels s’appuyer pour les impliquer.
La première raison est tout simplement l’adolescence. L’élève, qui est aussi un adolescent, est parfois en quête d’identité et se sent différent. Il ou elle a à la fois envie d’être comme tout le monde, mais dans le même temps, ne se reconnaît pas forcément dans les pensées et attitudes des autres. Il ou elle a envie d’être différent et qu’on reconnaisse cette différence, et ne veut pas être stigmatisé, mais intégré au groupe avec ses différences : c’est souvent le difficile paradoxe à résoudre.
Ensuite, les difficultés scolaires et le vécu scolaire difficile (voir Yves Reuter, Vécu disciplinaire et décrochage à l’école) peuvent expliquer ce manque de sentiment d’appartenance. En effet, les attendus scolaires ne sont pas toujours compris et peuvent être loin des préoccupations et des compétences de l’élève. Il ou elle ne rentre pas dans l’habit de la posture scolaire, première ou ludo-créative, mais n’est pas non plus en adéquation avec la posture de refus (Bucheton). L'élève n’a alors pas le sentiment de pouvoir faire partie de la scène de théâtre qu’est la classe, où chacun a un rôle, n’ayant pas trouvé le sien.
Enfin, les raisons de ce manque d'appartenance peuvent être d'ordre sociales et/ou familiales. L'élève est alors préoccupé par des difficultés extérieures qui ne lui permettent pas de s’investir dans la relation avec ses pairs. Les relations conflictuelles au sein de la famille (parents et fratrie), telles que des séparations compliquées, des violences, ou encore des difficultés financières, sont autant de facteurs qui empêchent l'élève de se sentir appartenir au groupe.
À ces raisons peuvent s'ajouter des difficultés liées aux compétences psychosociales. L'élève peut souffrir d’un manque d’estime de soi, avoir des difficultés à gérer ses émotions ou à faire face (coping), ou ne pas parvenir à créer des relations sociales.
Le principal axe sur lequel vous pouvez vous appuyer pour repérer un élève en manque de sentiment d’appartenance est sa relation à l’autre, et surtout sa posture d’isolement des autres.
L’observation au sein de la classe est le premier et principal levier sur lequel nous pouvons nous appuyer pour identifier les élèves qui ne parviendraient pas à se sentir intégrés dans le groupe. Les élèves peuvent adopter plusieurs attitudes :
Il convient de savoir si l’élève est en manque de sentiment d’appartenance uniquement dans votre cours ou si cela est également observé chez vos collègues. En fonction de vos observations, cela peut vous amener à comprendre les raisons, en discutant directement avec l'élève (si vous sentez qu’il est prêt à entrer dans l’échange avec vous). Si cela est observé également chez vos collègues, des actions de l’équipe pédagogique sont à envisager.
Il est donc essentiel de se renseigner auprès du ou de la CPE et de l’infirmerie, afin de savoir si des éléments seraient susceptibles d’expliquer ce manque. Aussi, il est également important de se renseigner auprès des AED, afin de s’assurer que l’élève ne reste pas seul toute la journée (en pause, à la cantine, etc.).
Enfin, prendre contact avec la famille peut être éclairant et permettre de trouver des solutions conjointement. Il arrive parfois que l’attitude à la maison soit totalement différente de celle que nous observons en classe.
Au-delà des difficultés scolaires que peuvent engendrer un manque de sentiment d’appartenance à la classe et à l’établissement scolaire, il convient d’être en alerte. Cela est souvent un facteur de décrochage scolaire. L’élève est d’abord discret, puis absent de manière perlée, puis régulière, jusqu’à ne plus venir.
Cela est aussi un signal en ce qui concerne le harcèlement scolaire. Des activités en lien avec les compétences psychosociales permettraient à ces élèves de gagner en estime d’eux-mêmes, de gérer leurs émotions et de réussir à créer des liens.
Avoir un vocabulaire commun (lexique métier), des rites et des traditions (repas de classe, fête de Noël, anniversaires), des signes distinctifs (blasons, logos, devises ou slogans), s’identifier comme étant des futurs collègues, être fier de son métier, prendre des décisions en commun, avoir des objectifs ou projets communs, etc.
Avoir une place un peu définie, avoir des responsabilités ou des missions (cahier d’appel, prise de note, gérer du matériel pour le groupe, amener quelque chose en classe), donner son avis/demander l’avis de tous ("et toi, tu en penses quoi ?"), signifier l’absence autour du manque (et pas de la règle), valoriser la présence, etc.
Être reconnu, accepté, inclus quel que soit son genre, son origine ethnique, ses compétences ou ses intérêts. Les minorités sont un public fragile pour le sentiment d’appartenance. Il faut ainsi lutter contre les stigmatisations, le harcèlement, les discriminations, avoir une culture de classe sécurisante, mais aussi proposer des temps d’échanges individuels et demander au quotidien aux élèves comment ils vont.
Comme dans le cadre de l’engagement associatif, lorsqu’un élève se sent en sécurité dans un groupe, qu’il se sent attendu, qu’il sait que sa participation va compter, alors il va davantage participer et s'exprimer au sein de ce groupe. Cet engagement sera durable et solide.
À lire aussi :
Marie Gallé-Tessonneau, psychologue clinicienne, psychothérapeute, docteure en psychologie, formatrice et chargée d’enseignement à l’université de Bordeaux
Aline Chudy, professeure de lettres-histoire et formatrice académique
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