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« Bastien est dyspraxique. » C'est la rentrée scolaire et j'entends parler pour la première fois de ce trouble. Quels sont les symptômes de la dyspraxie ? Comment puis-je aider mon élève dans la classe ou dans la cour ? Je me suis ensuite posé beaucoup d'autres questions, notamment sur les causes ou le diagnostic. Dans cet article, je vous partage à la fois la théorie qui m'a aidée à mieux comprendre ce trouble et mon retour d'expérience pour optimiser tout ce qui était accessible dans le cas de Bastien.
La dyspraxie est un trouble neurodéveloppemental (TND) dû à un dysfonctionnement de la commande cérébrale des mouvements (trouble moteur). Ce trouble spécifique des apprentissages (TSLA) peut se manifester de différentes façons et à des degrés plus ou moins sévères en fonction des personnes. Par ailleurs, il est possible que le jeune enfant ne présente pas de symptômes au niveau de toutes les praxies.
Voici les situations qui peuvent être fréquemment observées chez des enfants dyspraxiques d’environ 5 ans :
Avez-vous déjà essayé de tracer un cercle avec un compas dont la vis de réglage est cassée ? Avez-vous déjà essayé d'écrire de la main gauche si vous êtes droitier ou inversement ? Avez-vous déjà utilisé une souris d'ordinateur mal réglée dont la connexion avec l'écran est aléatoire ?
C'est fatiguant, agaçant, décevant, irritant… Pour mieux comprendre la dyspraxie, une équipe spécialisée a réalisé une vidéo. Elle met en lumière quelques moments de vie de Gaston, où la dyspraxie le met en grande difficulté pour réaliser des gestes du quotidien.
L’origine de la dyspraxie reste encore inconnue. Comme tous les troubles DYS, il est présent dès la naissance, durable et persistant. Il peut également être utile de rappeler que la dyspraxie n'est pas liée à une déficience intellectuelle ou à un manque d'effort de la part de l'élève. L'enfant dyspraxique est intelligent et tout aussi désireux d'apprendre qu'un enfant sans trouble dys.
Son impact sur la scolarité existe dès la maternelle. Cela entraîne une fatigabilité importante et génère de l’anxiété. La dyslexie pèse également dans les activités du quotidien, car elle rend de nombreux gestes de la vie courante compliqués :
C’est pourquoi un repérage précoce, une prise en charge adaptée et un accompagnement bienveillant limiteront les répercussions sur le bien-être et l’estime de soi.
Les premiers signes de la dyspraxie peuvent apparaître dès les premiers mois de la vie d'un enfant puis lors de ses premiers apprentissages. Les parents et les enseignants doivent être attentifs à certains comportements ou difficultés qui peuvent indiquer la présence de ce trouble.
Parmi les signes les plus courants visibles en classe, on peut citer la lenteur, la fatigue et le manque d'organisation. Plus globalement, voici une liste (non exhaustive) des difficultés d’acquisition constatées lors des diagnostics :
Il est important d’avoir en tête que tous les enfants dyspraxiques ne présentent pas les mêmes « maladresses » et que celles-ci peuvent varier en fonction de l'âge et du niveau de rythme de l'enfant.
Il est essentiel d’intervenir précocement afin de diagnostiquer la dyspraxie sans tarder pour limiter :
En France, environ 5 à 7 % des enfants de 5 à 11 ans souffrent de dyspraxie.
La sévérité de la dyspraxie est variable d’une personne à l’autre et les difficultés peuvent se concentrer sur une praxie ou se répartir sans dominante particulière. Le diagnostic est généralement posé par une équipe pluridisciplinaire composée de professionnels de la santé formés à la dyspraxie :
Vous l’aurez compris, l’enfant qui présente une dyspraxie a des difficultés avec les gestes. Il n’arrive pas à les élaborer et à les planifier convenablement dans le temps et dans l’espace pour atteindre le but recherché. L’écriture est le geste scolaire le plus difficile pour la majorité des enfants dyspraxiques. Cela explique que la dysgraphie soit presque systématiquement un trouble associé à la dyspraxie.
Les problèmes d’automatisation des gestes concernent également les yeux. Cette difficulté interfère alors dans le dénombrement, la lecture, le calcul posé ou même la géométrie.
Le bilan médical et les différents tests réalisés permettent d'évaluer les capacités motrices, visuo-spatiales, verbales et cognitives de l'enfant et de déterminer s'il souffre de dyspraxie ou d'un autre trouble spécifique du développement.
La prise en charge de la dyspraxie est personnalisée et adaptée aux besoins et aux difficultés de chaque enfant. Elle repose sur différentes approches thérapeutiques et pédagogiques, telles que :
Lorsque Bastien est arrivé dans ma classe de CE2, il terminait une longue série de bilans (bilan orthophonique, bilan psychomoteur et graphomoteur, évaluation de l’attention, des fonctions exécutives et de la mémoire de travail) qui l’avaient mené à ce diagnostic de dyspraxie.
Ses parents avaient déjà repéré ses défis au quotidien et voyant que la situation était durable malgré les « je te montre, tu fais comme ça et voilà », ils avaient entrepris les démarches auprès des différents professionnels de santé.
Pour Bastien, la prise en charge cette année-là s’est orientée vers une rééducation orthophonique (par une orthophoniste) et une réadaptation fonctionnelle (par une ergothérapeute).
Lors de la réunion avec la maman de Bastien pour mettre en place le PAP, ma collègue et moi avons pu prendre davantage conscience de l’impact de ce trouble dans la vie scolaire de Bastien. En effet, on oublie souvent que la scolarité ne s’arrête pas au portail de l’école. Il y a le temps des devoirs, les relations extrascolaires avec les camarades, le sentiment d’échec, la difficulté d’organisation qui impacte l’autonomie pour préparer son cartable… C’est essentiel d’en tenir compte.
Par ailleurs, la maman de Bastien nous a confié les comptes rendus paramédicaux qui m’ont permis d’une part de mettre en œuvre les recommandations des deux professionnelles de santé et d’autre part de les contacter avec plus de légitimité lorsque mes essais d’adaptation n’étaient pas concluants.
Avant de vous proposer des adaptations qui ont fonctionné dans la situation de Bastien, je me dois de vous livrer ici deux phrases de l’ergothérapeute qui m’ont beaucoup marquée. Je m’y attache très fort depuis plusieurs années à chaque fois que j’entends une petite voix intérieure essayer de plaquer mes attentes « normées » sur des enfants dys :
« Si adapter est rentable alors on adapte. Sinon, on contourne. »
Prenons l’exemple de l’écriture manuelle
Une adaptation est « rentable », lorsque l’élève arrive à s’en saisir pour :
Si ces critères de “rentabilité” ne sont pas obtenus lorsque notre élève utilise l’adaptation, alors on lui apprend à contourner : dictaphone, écriture au clavier…
Prenons l’exemple du calcul posé
Si la difficulté de réaliser des calculs posés adaptés persiste dans le temps, alors l’adaptation n’est pas rentable.
Dans ce cas, on ne cherche plus à adapter, mais à contourner et on apprend à notre élève à se servir d’une calculatrice.
« La date soulignée en rouge, à 5 carreaux de la marge. Saut de 3 lignes. Compte 6 carreaux. La matière soulignée en bleu…»
Terminé ! Les consignes de présentation ont pour objectif d’améliorer la visibilité, la lisibilité et d’organiser le cahier. Dans le cas d’un enfant dyspraxique, le rendu sera possiblement tout le contraire. Supprimer les consignes de présentation, c’est un gain de temps et d’énergie.
Avec Bastien, on a essayé différents repères. Puis, on a trouvé que le trait de la marge repassé au feutre fluo l’aidait à revenir à la ligne plus facilement. Cela lui permettait aussi de prendre son cahier à l’endroit.
Donc, un soir où j’avais peu de corrections, j’ai balisé une dizaine de pages d’avance dans son cahier du jour. La semaine suivante, j’ai découvert que ses parents avaient continué le balisage du cahier.
Bastien était excellent en mathématiques. Il adorait les problèmes et il adorait encore plus les résoudre. Mais très vite, il s’est retrouvé « coincé » en milieu de CE2 avec des nombres plus grands, plus de retenues, plus de calculs intermédiaires…
Au départ, j’ai utilisé le gabarit des calculs posés du cartable fantastique. Imprimés puis plastifiés, ils sont vraiment idéals. Mais au moment de passer aux multiplications, l’adaptation n’était plus rentable ! Alors, Bastien a utilisé une calculatrice qui lui permettait de réduire le nombre de doubles tâches, limiter la dépense d’énergie tout en allant au bout du problème. Cela me permettait d’évaluer la stratégie mise en place sans que la difficulté du calcul entre en compte.
Internet fourmille de petits outils créés par des collègues. J’ai d’abord utilisé des aide-mémoires téléchargés puis j’en ai créé, adapté et partagé d’autres. Ces outils ont un double effet.
Le premier effet, c’est leur côté placébo : « J’ai une aide, ouf, je vais peut-être pouvoir y arriver. »
Le deuxième, c’est leur simplicité d’usage. Ils sont minimalistes et facilement repérables.
J’ai essayé plusieurs techniques. J’ai évidemment privilégié les photocopies des leçons et les textes à trous pour un grand nombre d’exercices. J’ai enregistré les poésies pour lui permettre de les apprendre en les écoutant. Cependant, en classe, il voulait quand même essayer de copier les premières lignes.
Sa difficulté principale était de ne pas oublier de ligne ou de ne pas confondre deux lignes entre elles. J’ai donc testé la mise en couleur, une ligne sur deux. Le ruban Word de Cartable fantastique est très pratique pour ça.
L’usage du compas était vraiment un très grand défi pour Bastien. Comme il aimait montrer sa volonté, il commençait toujours l’exercice de géométrie, mais finissait pas s’énerver ou abandonner.
On a mis au point un fonctionnement en duo. Il commençait en même temps que ses camarades. Celles et ceux qui terminaient et étaient d’accord pour travailler avec Bastien allaient noter leur nom au tableau. Bastien pouvait alors les solliciter et le travail en duo commençait : Bastien dictait la méthode, le ou la camarade exécutait.
Pendant les séances d’EPS, j’avais vraiment beaucoup de mal à adapter. Chaque séance était un vrai calvaire pour Bastien et je me rendais bien compte qu'il fallait lui proposer d'autres aménagements.
C’est la CPC de ma circonscription qui m’a envoyé une liste de ressources avec des propositions d’adaptation à mettre en place :
RESSOURCES COMPLEMENTAIRES
Retrouvez les articles concernant d'autres troubles spécifiques des apprentissages :
D’après les statistiques, un enfant par classe présente ce trouble, qu’il soit diagnostiqué ou non. Or, accueillir un enfant dyspraxique peut bousculer nos certitudes et nos pratiques. Alors, une fois ce défi ajouté à la longue liste de ceux qui parsèment déjà notre quotidien, il s’agit de faire ce que l’on sait toutes et tous faire : favoriser l’autonomie en l’amenant à progresser à son rythme.
Et c’est là que mes deux petites phrases peuvent vous accompagner : « Si adapter est rentable alors on adapte. Sinon, on contourne. » Rassurez-vous, en aucun cas, cette équité ne réduit notre exigence scolaire envers un enfant dyspraxique. Optimiser tout ce qui est accessible pour nos élèves dys, c’est les rassurer sur leurs capacités et mettre la lumière sur leurs réussites.
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Émilie Kalifa, professeure des écoles depuis 2018
SOURCES
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