Personnaliser vos contenus
Cela fait presque dix ans que je suis professeure principale en 3ème dans mon collège classé REP. Quand j'ai demandé à le devenir, j'avais envie d'accompagner les élèves dans une année déterminante, j'avais envie d'un rôle stimulant, d'enjeux, de relations fortes voire privilégiées avec eux... Et bien, on peut dire que j'ai été servie ! Je savais que le travail de l'orientation en REP était particulier car nous avons une marge assez importante d'élèves qui ne vont pas en seconde générale mais, pour être honnête, je n'avais pas jaugé le travail d'orfèvre que j'allais devoir mettre en place pour accompagner chacun d'eux dans le processus d'orientation.
"« Lorsqu'on m'a demandé quel CAP il fallait faire pour être médecin, j'ai vite compris que nous avions un problème ! »
Dès mes débuts dans cette nouvelle fonction (et c'est encore le cas aujourd'hui...), la première chose qui m'a frappée c'est le fait que beaucoup d'élèves avaient une faible connaissance des poursuites d'études post-troisième et aussi post- baccalauréat. Ils ont tous des envies, des rêves, et c'est d'ailleurs tant mieux, mais lorsqu'on m'a demandé quel CAP il fallait faire pour être médecin ou comment se nommait l'année scolaire après la seconde, j'ai vite compris que nous avions un problème ! Ne vous méprenez pas, ce n'est pas que les élèves s'en moquent ou qu'ils sont indifférents par rapport à leur devenir, c'est juste qu'ils ne savent pas.
L'autre source de stupéfaction pour moi, c'est le décalage souvent important entre les désirs des élèves et leur réalité scolaire. Tout se passe comme si certains collégiens construisaient deux réalités parallèles qui n'auraient pas de lien entre elles : il y a le monde de « ce qu'ils souhaitent pour eux », leur idéal, leur espoir, qui, pour certains, est presque du ressort de l'intime, du secret et le monde de « ce qu'ils font et produisent à l'école », avec des résultats plus ou moins satisfaisants. Là encore, un vrai travail de conscientisation, de construction de ponts entre ces deux mondes s' avère crucial.
" On mesure la responsabilité de l'accompagnement que l'on doit mettre en place et on PANIQUE ! "
Lorsqu'on fait ces constats, et que, comme tout professeur, on souhaite pour nos élèves une orientation choisie et non subie, on mesure la responsabilité de l'accompagnement que l'on doit mettre en place et on PANIQUE !! Puis on retrousse ses manches... Sur mes quelques années d'expérience, mes collègues professeurs principaux de 3ème et moi avons mis en place de nombreuses actions axées autour de quatre pôles.
Nous mettons en place des séances d'explicitation des cursus scolaires post- troisième en exposant les horaires, les contenus, les périodes éventuelles de stages, les attentes. Nous présentons tous les lycées du secteur en mettant en avant leurs spécificités. Nous distribuons et commentons dès le premier jour de l'année un calendrier de l'orientation qui permet aux élèves de se situer dans leur parcours. Nous animons des séances spécifiques sur les résultats scolaires en 3ème et l'adéquation avec un projet.
Nous faisons venir des pairs, entrés au lycée, qui viennent en expliquer le fonctionnement, organisons des visites de Portes Ouvertes, des mini-stages, une semaine thématique sur l'orientation où des professionnels viennent animer des conférences... sans oublier la semaine de stage d'observation, bien sûr.
Nous leur proposons des heures en salle informatique de recherche sur des métiers et des cursus scolaires, nous échangeons avec les parents, organisons des rendez-vous avec le psychologue scolaire, animons une après-midi de speed orientation, faisons des entretiens individuels pour le remplissage de la fiche de vœux, créons des rendez-vous de préparation aux procédures ASSPRO avec les CPE.
Outre tout ce qui vient d'être évoqué, nous avons créer des dispositifs dans lesquels les élèves se mobilisent comme le Club Orientation ou les Cercles de Paroles.
Au fil des années, les résultats de toutes ces actions se sont faits sentir : on a peu voire plus d'élèves « sur le carreau » fin juin. Sur l'ensemble, nombreux sont ceux qui ont obtenu une orientation pensée et voulue. Les réussites sont d'ordre divers : certains ont intégré une seconde professionnelle en y devenant d'excellents éléments, d'autres performent en seconde GT, quelques uns ont intégré Louis Le Grand ou le Lycée International de notre secteur.
Mais ne nous leurrons pas, il y a aussi les échecs et la part de frustration : il reste des élèves qui cochent leurs vœux un peu au hasard ou en s'en tenant au seul critère géographique, il reste des élèves qui passent en seconde générale avec des résultats que l'on sait trop justes et qui « ne tiennent pas » l'année suivante. On a beau jeter toutes ses forces dans la bataille, créer tout l'étayage possible, le processus de l'orientation est un processus de maturation et le temps de l'école n'est pas toujours celui des élèves. Pour certains, le système scolaire impose des exigences et des échéances qui arrivent trop tard (quand l'élève est en difficulté depuis des années par exemple) ou trop tôt. C'est trop brutal, trop de responsabilités, trop de stress, trop d'incertitude, trop de manque de confiance en soi...
" Il me reste une inquiétude teintée, il faut l'admettre, d'une forme de culpabilité "
Sur l'ensemble des cohortes de 3ème que j'ai cotoyées, c'est de ceux-là dont je me souviens davantage, car, même des années après, il me reste une inquiétude teintée, il faut l'admettre, d'une forme de culpabilité : que sont-ils devenus ? Comment s'en sortent-il ? Ont-ils continué leur cursus ? Comment aurais-je pu mieux les aider ? Ces questions restent et être prof, c'est aussi accepter de ne pas avoir de réponse !
Peggy, prof de français au collège
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