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Distinguer savoir et croire : une séance indispensable

Emilie Moreau
8 décembre 2020 11:10
5 mn

« Wallah toi t’es même pas un vrai musulman ! »

« Toi tu te prends pour un musulman mais j’te vois jamais à la mosquée ! » 

Voilà quelques extraits d’interventions d’élèves de CM2 qui, il y a 5 ans, m'ont poussée à me lancer un nouveau défi : enseigner les faits religieux

Je contextualise

Je travaille dans une école REP+ où la majorité de mes élèves se présentent comme étant de culture ou de conviction musulmane. Cette année-là, ils étaient plein de certitudes qui parfois les amenaient à juger ou rendaient difficile leur relation aux élèves ne pratiquant pas comme eux ou ayant d’autres convictions. Bref, cela avait généré des tensions au sein de la classe, voire même du harcèlement entre élèves... Mais je suis consciente que l’absence d’espace pour parler des différentes convictions entretient une ignorance qui peut parfois prendre la forme d’un manque de tolérance, qui n’est pas innée.

Vous comprenez pourquoi il s’agissait pour moi d’un défi ? 

Alignement des planètes, heureux hasard ou ange gardien cette année-là, j’ai eu la chance de suivre une formation sur l’enseignement des faits religieux et la laïcité avec l’association ENQUÊTE. Une personne de l’association est d’ailleurs venue dans ma classe pour m’aider à me lancer. Nous avons coanimé la première séance pour apprendre aux élèves à distinguer savoir et croire. Ce moment m’a beaucoup aidé à mieux comprendre où je devais aller et comment. 

À moi de jouer ! 

Après cette coanimation, les termes étaient définis, le cadre était posé et les barrières étaient tombées. Je suis entrée dans l’enseignement des faits religieux de manière plus apaisée ; puis je me suis lancée pour le plus grand plaisir de mes élèves qui adorent cette séance

Pour vous y aider, ENQUÊTE vous propose une carte clé en main avec des affirmations toutes prêtes à partir desquelles les élèves réfléchissent et discutent. Mais libre à vous d’en ajouter, d’en retirer, d’en modifier en fonction de l’attention de vos élèves, de la compréhension… Il m’arrive même d’étaler cette séance sur la semaine en proposant à mes élèves 2 affirmations par jour, comme une sorte de rituel. À vous de l’adapter à votre classe ! 

J’explique à mes élèves que le but est de réfléchir ensemble au sens des mots « savoir » et « croire » et que pour chacune des affirmations, ils doivent dire s’il s’agit d’une chose que l’on peut savoir ou croire (ou les deux), en argumentant leur réponse, bien sûr. Comme pour un problème mathématique : vos affirmations doivent avoir du sens pour vos élèves. Pensez toujours à aborder des thèmes qui leur parlent, qui font partie de leur univers, de leur quotidien. Et proposez-leur des affirmations en lien avec vos apprentissages en histoire/sciences/géo qui ont déjà été abordés en classe : « Louis XIV a été roi de France : on le sait parce qu'il y a plein de peintures de lui et même des sculptures, des textes qui parlent de lui et il y a le château de Versailles. » 

Petit à petit, il s’agit de se glisser vers ce qui relève plus des sentiments. Par exemple : « J’aime bien Mme W. (enseignante de CM2 dans la même école). Les élèves connaissent Mme W., me voient souvent avec elle, savent que l’on travaille ensemble.

 « Est-ce que vous SAVEZ ou est-ce que vous CROYEZ que j’aime bien Mme W. ? » 
Sans même attendre, Ahmed affirme très sûr de lui : « Moi je SAIS que vous aimez bien Mme W. parce que vous êtes tout le temps ensemble et ça se voit. » 

Il est soutenu par plusieurs autres camarades qui acquiescent. Roukia intervient : « Mais on peut pas SAVOIR parce qu’il n'est pas dans votre tête ni dans votre cœur, maîtresse ! »

Le rapport au religieux est quelque chose de très intime qui a souvent une grande place dans la sphère familiale de nos élèves, alors attendez de sentir que « croire » et « savoir » commencent à avoir du sens pour vos élèves pour leur soumettre la dernière phrase, par exemple : « Dieu a créé le monde » ou « Il existe plusieurs dieux » à laquelle vous pouvez ajouter : « Souvenez-vous : je ne vous demande pas si c’est vrai ou faux ! Je vous demande si c’est quelque chose que l’on peut croire ou quelque chose que l’on peut savoir. » 

Pour vous aider à vous projeter, voici en résumé la teneur de la discussion à laquelle on peut arriver en fin de séance : 

Elève : Oui mais moi j’suis sûre que Dieu existe !
Enseignant : Oui, tu dis que tu es sûr mais quand tu dis “sûr” c’est au sens de “certain car je peux vérifier” ?
Elève : Nan ! J’veux dire je sais, je suis sûr qu’il y a un dieu mais pas comme si ça pouvait se prouver, enfin moi je ne l’ai jamais vu Dieu et je connais personne qui l’a vu !
Enseignant : Alors tu nous dis “J’en suis sûr” au sens de “J'en suis convaincu”, c’est ça ?
Elève : Oui, j’en suis sûr comme Elise elle est sûr qu’il n'y a pas de dieu du tout.
Enseignant : Toi, Elise et en fait toutes les personnes elles peuvent croire très fort, être convaincues mais le propre d’une conviction, c’est que ce n’est pas quelque chose qu’on peut vérifier, c’est pour ça qu’il y a plein de croyances différentes !

Ainsi, ils comprennent que la séance sur la distinction entre « savoir et croire » ne vise pas à remettre en question leurs croyances mais les amène à comprendre pourquoi on ne croit pas tous à la même chose et/ou de la même manière. La croyance est une certitude argumentable mais indémontrable ! Au fur et à mesure de la discussion, je note au tableau les arguments de chacun, pour garder une trace dans la classe de cette première pierre :

Un jeu qui en vaut la chandelle

Cette séance savoir et croire est essentielle non seulement pour entrer en douceur dans l’enseignement des faits religieux mais aussi pour encourager nos élèves à réfléchir par eux-mêmes, à exprimer une opinion, à l’argumenter mais aussi pour leur apprendre à ne à comprendre que c’est logique ne pas être d’accord sur les croyances et surtout que ce n’est pas un problème. Réfléchir par soi-même est une compétence qui s'acquiert au fil des ans et nos questions les poussent à raisonner, sans être influencés par “un adulte expert”. À l’affirmation « Louis XIV a été roi de France ». 

Les élèvent répondent d’abord tous unanimement : « On le sait, parce qu’on l’a appris à l’école ». Chaque année un élève plein d’innocence me sort :  « Mais si vous le dites maîtresse, c’est que c’est vrai, c’est vous qui savez sinon vous ne seriez pas maîtresse. » Très flatteur certes, mais cela qui prouve une fois de plus que, pour un enfant, tout ce qui sort de la bouche d’un adulte de confiance est du pain béni. 

Cette séance a des effets sur le moment mais aussi sur toutes les autres séances. C’est ici un premier pas dans l’enseignement des faits religieux mais vous verrez que, durant toutes les autres séances, ce travail sur savoir et croire porte ses fruits et continue de s’ancrer. Il est important de reprendre ces notions dans les futures séances mais aussi en dehors de cet enseignement, telle une gymnastique quotidienne : « Tu sais ou tu crois que Malik a poussé Fanny dans la cour ? » 
Seulement alors, vos élèves apprendront à réfléchir sur les convictions en général et donc sur leur propre rapport au religieux. 

Ainsi, alors que j’avais des élèves en début d’année qui refusaient de regarder une croix chrétienne lors d’une séance en histoire des arts et qui disaient à leurs camarades « Regarde pas ça toi, tu vas aller en enfer ! », nous avons pu en fin d’année visiter le cimetière américain de Colleville (dans le cadre d’un projet d’histoire sur la Seconde Guerre Mondiale). Une maman accompagnatrice se posait une question concernant une tombe dont “la croix” était différente des autres. Sa fille a alors pris plaisir à lui expliquer : « Mais maman, c’est une étoile de David, c’est parce que c’est un juif ! Les autres c’est des croix chrétiennes. Y’avait même des musulmans qui ont fait la guerre, tu sais ? Mais ils ne sont pas enterrés ici. » 
Quelques élèves qui jusque-là restaient en retrait dans la classe lors des premières séances se sont mis à participer au fil des séances de L’Arbre à défis : « Hé mais Trémont t’es hindouiste toi? Mais je savais pas ! C’est trop cool ! C’est qui tes dieux ? » J’avais réussi à ouvrir mes élèves à la diversité des convictions et un climat de tolérance s’est installé dans la classe. C’était ma petite victoire !


Aujourd’hui je n’ai plus les appréhensions de la première fois. Je me sens plus forte et je prends du plaisir à animer cette première et incontournable séance Distinguer savoir et croire, qui est par ailleurs devenue ma séance préférée ! Vous disposez d’outils clés en main pour vous préparer et préparer vos séances. Des professionnels sont là pour vous soutenir, répondre à vos questions, intervenir dans votre classe si besoin. Si vous ne deviez faire qu’une séance sur les faits religieux alors sans hésiter, il s’agit bien de SAVOIR et CROIRE. Mais comme mes élèves et moi, une fois que vous aurez goûté au jeu, vous ne pourrez plus vous en passer !


Emilie

Professeure des écoles depuis 10 ans, enseigne les faits religieux depuis 5 ans

Pour découvrir les fiches de prép' de 3 séances pour mettre en place une séquence autour des fêtes de fin d'année pour vos élèves de cycle 3, téléchargez notre Mini-Guide Pédagogique !

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