Gérer sa classe… Une expression valise dans laquelle on met tant de choses ! Je vous propose de faire un petit inventaire de ce que recèle cette activité enseignante, pour imaginer tous les leviers à utiliser pour agir sur cette fameuse « gestion de classe ».

Deux fonctions majeures : structurer le contenant, penser le contenu

L’acte d’enseigner comporte deux fonctions majeures : la gestion de classe ou éducation et la gestion des apprentissages ou instruction . 

Pour répondre à ces deux fonctions, l’enseignant met donc en œuvre deux grands types d’actions verbales et non verbales : 

• les actions de gestion qui sont toutes les actions par lesquelles l’enseignant gère la classe, y instaure un certain climat, établit des règles de vie... Ces actions constituent un préalable pour que les apprentissages puissent se réaliser (Bissonnette, Gauthier & Castonguay, 2017) ;
• les actions d’instruction qui sont toutes les actions par lesquelles l’enseignant enseigne les notions prévues au programme (Gauthier, Bissonnette & Richard, 2013). Ces actions ont pour effet de mettre les élèves en activité (réponses orales, réponses écrites, temps d’engagement dans la tâche…).

Tentons l'inventaire de ces actions.

Construire un préalable pour que les apprentissages puissent se réaliser

Gérer l'espace/temps pour penser son organisation spatiale et les temps de la classe

Aménager sa classe, c'est penser à son organisation spatiale. Du simple changement de configuration selon les activités à la classe flexible, chacun·e trouvera SA solution en :

• admettant qu'il y a un lien entre processus cognitifs, activités d'apprentissages ET configuration des espaces ;
• explicitant ses choix pédagogiques ;
• identifiant les besoins de ses élèves ;
• choisissant les modalités spatiales en accord avec cette pédagogie ;
• « faisant avec » les contraintes qui sont les nôtres (mobilier/budget/changement de salle).

Penser le temps de sa classe ou son cours, c'est :

• anticiper les pauses nécessaires au repos cognitif ;
• programmer une alternance de temps forts et faibles ;
• gérer les différences de rythme de travail (que font ceux qui ont fini en « attendant » les autres ?) ;
• anticiper sur les temps morts et sur tout parasitage à la mise au travail (matériel manquant/temps de distribution...) ;
• naviguer entre anticipation et adaptation (rien ne sert de finir seul.e le cours ou la séance).

Gérer la participation - Donner la parole - Donner des feed-back

De manière générale, le feed-back est une information communiquée à un apprenant, en réponse à une action. Lorsque l'on sait que l'apprentissage se déclenche dans le cerveau lorsqu'ayant lancé une prédiction face à une situation il reçoit des infos qui permettent une comparaison avec cette prédiction, on admet aisément l'enjeu des retours sur ces différences (communément nommées erreurs) pour accompagner au mieux les apprentissages. Une part belle donc faite aux feed-back et échanges qu'il faudra “gérer”.
 

Créer du lien pour construire un cadre sécure, propice aux apprentissages

Ce sont toutes les interventions par lesquelles l’enseignant s’intéresse aux élèves et discute avec eux de ce qui les intéresse mais aussi les interventions par lesquelles l’enseignant suscite la motivation et l’implication. 
Ces interventions sociales concourent à établir une bonne relation avec les élèves, considérée par Bissonnette & Gauthier (2017) comme un « ingrédient de base » sans lequel on ne peut gérer correctement une classe. 
 

Étayer pour accompagner l'apprentissage

L'enseignant apporte une aide (étai) à l’élève pendant l’apprentissage afin qu’il réalise une tâche qu’il ne pourrait pas réaliser seul. Les étais peuvent être physiques (souligner par un geste la source de difficulté d’un calcul), verbaux (indices) ou visuels (pense-bête représentant les étapes d’une démarche) (Archer & Hughes, 2011 ; Gauthier, Bissonnette & Richard, 2013).
 

Capter l'attention de ses élèves, un travail de chaque instant

Pour développer cette attention, il convient de :

• comprendre le mécanisme d'attention ;
• construire un cadre propice au développement de ces capacités ;
• utiliser des outils pour rendre les élèves acteurs de leur attention ;
• aider les élèves à réguler leurs émotions pour une meilleure maîtrise de leur attention ;
• construire des consignes engageantes.

Réguler le bruit de sa classe pour accompagner explicitement l'amélioration de l'environnement sonore de la classe

Pour construire collectivement un niveau sonore propice aux apprentissages, il convient de :

• prendre conscience des différentes sources de sons/bruits dans l'environnement scolaire ;
• élaborer collectivement un plan d'action autour du matériel et/ou des comportements ;
• installer des codes visuels explicites pour construire un baromètre du bruit en classe ;
• faire l'expérience du silence.

Poser le cadre pour donner à la classe une stabilité dans laquelle élèves et enseignants peuvent évoluer

La notion de cadre peut se définir comme l’ensemble des gestes, règles et habitudes qui donnent à la classe une stabilité dans laquelle élèves et enseignants peuvent évoluer. Pour le poser et le faire vivre, il s'agit de :

• identifier le cadre interne qui est le nôtre en tant qu’enseignant·e pour nous sentir légitime ;
• définir l’organisation spatiale et temporelle de ce cadre ;
• choisir des outils et des modalités pédagogiques pour poser / maintenir / faire évoluer ce cadre ;
• identifier les modes d’interactions et les règles de ce cadre ;
• co-construire les conséquences des manquements : sanction/réparation/restauration.

Gérer les conflits, indissociables de la vie en société

Le conflit fait partie intégrante de la relation. Pour qu'il soit constructif, il convient de :

• recueillir les faits et seulement les faits de chacune des parties ;
• obtenir les ressentis de chacune des parties ;
• proposer d'entendre ce que dit l'autre ;
• exprimer les besoins exprimés derrière les actes ;
• construire une solution dans laquelle chaque élément du collectif se sente réparé.

Construire et accompagner les apprentissages

On parle ici de tous ces gestes professionnels visant à enseigner un contenu (savoirs, savoir-faire et savoir-être). Comme le soulignent Bissonnette, Gauthier & Castonguay (2017), « l’objectif d’un enseignant ne doit pas être seulement d’avoir une classe bien organisée et calme : les élèves doivent aussi et surtout pouvoir y apprendre ! C’est à ce moment que la gestion de classe et la gestion des apprentissages se rencontrent. »

On trouvera, dans cette catégorie, ces actions :

• construire des séquences et séances en lien avec les programmes et niveaux des élèves ;
• présenter les objectifs / plan / activités ;
• vérifier la compréhension au fil de l'apprentissage ;
• construire des supports favorisant l'engagement dans la tâche ;
• permettre aux élèves de s'auto-réguler : savoir où ils en sont, ce qu'ils savent…
• enseigner explicitement des stratégies métacognitives à nos élèves ;
• donner des feed-back positifs, constructifs qui permettent d'intégrer l'erreur comme processus indissociable de l'apprentissage ;
• donner explicitement des indices de réussites de la tâche aux élèves ;
• évaluer positivement ses élèves.

Des gestes professionnels multiples, des micro-décisions de chaque instant

Après un tel exposé, on ne peut douter de la complexité de la tâche enseignante. Des gestes professionnels donc à identifier, analyser pour ajuster au plus près des besoins de nos élèves.