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Théorique Pratique

Repenser l'aménagement de sa classe pour optimiser l'espace

Émilie Hanrot
23 septembre 2024 11:22

Si nous, les professeur·es des écoles, avons peu de prise sur la salle de classe qui nous est attribuée en début d’année – particulièrement lorsque l’on intègre une nouvelle équipe - nous avons en revanche une grande latitude quant à son aménagement et la manière dont nous allons gérer l’espace. Oui, mais…

D’une salle de classe à l’autre, l’espace peut varier du tout au tout. Et les écoles ne sont pas toutes logées à la même enseigne. Imaginez un préfabriqué au fond d’une cour ombragée versus une école orientée plein sud, vitrée de tous les côtés. Les mètres carrés, la hauteur sous plafond, l’exposition, la taille ou l’absence de fenêtres, le nombre de portes et de radiateurs, les murs vierges ou recouverts d’étagères : lorsque nous prenons possession de notre classe, nous devons composer avec de nombreux détails architecturaux sur lesquels, nous avons peu de pouvoir et dont nous subissons les contraintes. 

Alors de quoi parle-t-on lorsque l’on évoque la gestion de l’espace dans la classe ? Sur quelles variables pouvons-nous agir ? Est-ce que cela se réduit à déplacer les tables ? 
Ce qui est certain, c’est que nous faisons au mieux avec ce dont nous disposons. Alors voyons ce sur quoi nous avons du pouvoir ! 

Penser aux déplacements, c’est éviter le chaos

En aménagement intérieur, il y a un mot à retenir : CIRCULATION. Pensez à un hall de gare ou un bureau de poste. Si cela bouchonne, si les gens se cognent, doivent faire des pas de côté pour s’éviter : c’est le chaos, le mécontentement général. Ces lieux ont été pensés pour accueillir du public et pour gérer au mieux les flux de personnes, c’est-à-dire la circulation.

Dans nos classes, c’est pareil. Il y a des moments clefs, comme les départs pour la récréation et la mise au travail où nous avons besoin que nos élèves puissent circuler dans le calme. Alors, pour nous épargner des moments de chahut désordonnés, nous pouvons agir sur l’espace. Et en créer, ou plus exactement en libérer. 

Autour des portes et du coin lavabo, on enlève tout ce qui obstrue le passage. Il faut que les espaces soient dégagés aux abords des issues pour éviter les bouchons et les bousculades. Au centre de la pièce, je dégage au maximum l’espace pour que les élèves puissent enlever et enfiler leurs manteaux sans s’éborgner. Cela implique parfois de se défaire de certains meubles, et de retirer une table, voire deux. L’espace central libéré permet à ceux qui le souhaitent de dérouler un tapis et de travailler à même le sol ou de s’étaler un peu pour utiliser les jeux de construction.

Le besoin de mouvement

Les enfants ont un besoin fondamental de mouvement. Ils et elles aiment se mettre au sol, se rouler par terre, s’allonger, se redresser sur les coudes, etc. Si l’espace est pensé pour permettre ces déplacements, ils le feront en toute sécurité. Et, ayant assouvi leur grand besoin de mouvement, ils seront d’autant plus capables de se tenir immobiles et attentifs lors de la passation de consignes ou d’un regroupement. 
Donc si dans votre classe, pour aller d’un point à un autre, vous vous retrouvez à enjamber un banc, contourner une table, éviter un chevalet, vous faufiler entre deux chaises, etc. , ça ne va pas ! La sérénité et le calme passent par la fluidité des déplacements de chacun et chacune. 

Dès que je perçois un « nœud » dans mon aménagement, je ne laisse pas traîner et m’attache à trouver une solution immédiatement. Par exemple, les puzzles de ma classe étaient rangés sur des étagères au-dessus des bacs contenant le petit train et les Lego. Bien vite, je me suis rendue compte que les élèves, malgré mes recommandations, bloquaient l’accès aux puzzles en construisant leurs circuits. Le bouchon et les râles occasionnés ont été vite réglés lorsque j’ai déplacé lesdits bacs près de la zone centrale.

Jeter, trier, ranger pour faire respirer l’espace

Pour libérer de l’espace, il faut faire le vide. En ce qui me concerne, cela passe chaque année par un grand ménage. En septembre, au grand dam des ATSEM qui ne me connaissent pas, je vide tous les placards et toutes les étagères. Je mets tout au centre de la classe et je trie. Je classe, je jette, je fais le ménage !

Je remplis des sacs poubelles entiers de vieux dessins, d’affiches défraîchies, de rouleaux de papier toilette, de bouchons de liège, de jeux cassés et d’objets en tous genres. Je me fais violence car, en bonne PE que je suis, une petite voix me chuchote : « On ne sait jamais, ça pourrait servir… ». Mais je tiens bon. Je mets en carton, j’étiquette de manière bien lisible de quoi il s’agit, et direction la cave.

Cela fait un bien fou. La classe peut démarrer avec des étagères rangées, des jeux triés. C’est un repos pour les yeux qui s’ajoute au sentiment de classe bien aménagée, feng shui, ordonnée. J’en profite aussi pour libérer de l’espace en remettant du matériel dans les armoires communes et la réserve de l’école. Cela pourra servir aux collègues et je sais où le trouver en cas de besoin.

Ensuite, je m’attaque au mobilier. En maternelle, il n’est pas nécessaire que chaque enfant ait une place assise à une table. Avec cela en tête, je ne me prive pas de descendre une table ou deux et leurs chaises à la cave. Libérée de meubles, la classe respire. Quel sentiment merveilleux d’espace ! Je fais ici un clin d'œil à la reine incontestée du rangement, Marie Kondo. Quand je rentre dans une classe encombrée de tables et de chaises, je pense toujours au célèbre architecte et designer finlandais Eero Saarinen qui créa sa gamme Tulip aux pieds centraux pour débarrasser la maison de tout ce « misérable fouillis de pieds ».

Je pousse les étagères et les armoires vers les murs pour éviter les obstructions visuelles, les recoins et les cachettes. Les élèves se sentent en sécurité lorsqu’ils et elles ont leur adulte de référence en visu. Si, lorsque je suis au coin peinture avec quelques élèves, dissimulée par de hauts chevalets, ceux du coin cuisine ne me voient plus, cela peut créer un sentiment de malaise pour certain·es. J’aime pouvoir embrasser toute ma classe d’un regard, tout comme les élèves ont besoin de savoir où je me trouve. Pour cela, j’évite les meubles qui bloquent la vue ou créent des angles morts.

Prendre en compte les différents utilisateurs et utilisatrices de la classe

Cette classe qu’il faut aménager, elle devient notre espace bien entendu, mais je ne perds jamais de vue que c’est avant tout celle de nos élèves, qu’elle sera utilisée lors des TAP, par le centre de loisirs ou par un·e collègue de remplacement. Si l’on pense son aménagement avec cela en tête, il gagne en praticité. La classe devient facile d’accès, évidente.

Définir des espaces bien précis aide à la clarté de l’aménagement. Coin regroupement, coin cuisine, section langage, section jeux mathématiques, puzzles d’un côté, jeux de construction d’un autre, etc. Lorsque les affaires sont rangées à portée de main d’enfant, cela développe leur autonomie. Ils peuvent se servir seul·es et surtout remettre les choses à leur place ! Une photo plastifiée du matériel collée sur l’étagère peut aussi aider les enfants (et les adultes de passage) lors du rangement. Et pour finir, ce que je ne veux pas qu’ils touchent est en hauteur ou dans des placards fermés. 

Très rapidement, dès les premières minutes de classe, les élèves prennent leurs marques et investissent les espaces de la classe. Il y aura des endroits où tous et toutes aiment se retrouver et d’autres que les élèves vont délaisser. C’est important d’observer cela et de réajuster ses choix en conséquence. Si personne ne choisit telle table, peut-être est-ce parce qu’elle est trop près d’un mur ? Qu’elle est dos à la lumière naturelle ? Que les chaises ne sont pas adaptées ? Et ce petit recoin que vous pensiez être un espace perdu : il est convoité par tout le monde, les enfants font la queue pour s’y faufiler. C’est qu’il répond probablement au besoin très naturel de l’enfant de se cacher, de se recroqueviller dans une cabane. De jouer à « Coucou, je suis là » ! 

Cette année, dans ma classe, c’est l’armoire des poupées qui sert de cachette. Au début, je n’étais pas trop favorable à ce que les enfants entrent dedans et s’y enferment. Mais, à vrai dire, ils y prennent tellement de plaisir que je les laisse expérimenter ce petit frisson de soudain pouvoir disparaître pour mieux réapparaitre. Une nappe recouvrant totalement une petite table fait aussi bien l’affaire et devient un lieu particulièrement apprécié des petits.

Quant à nous, les PE, la manière dont nous investissons l’espace de la classe a aussi son importance et influe sur l’ambiance générale. Bien penser son aménagement, c’est garantir la possibilité de se déplacer facilement d’un endroit à l’autre, là où le devoir nous appelle. Est-ce que, lors des regroupements, je suis bien visible par tous et toutes et ne cache pas une partie du tableau à mes élèves ? Est-ce que, lorsque mes élèves sont au travail, je peux circuler de l’un·e à l’autre et apporter l’aide dont chacun·e a besoin ? 

J’aime bien utiliser mon tabouret à roulettes à cet effet : d’un petit coup de talon, je glisse d’une table à l’autre et réponds aux élèves qui me sollicitent sans avoir besoin de me courber en deux. Je suis à leur hauteur. Vous remarquerez d’ailleurs que l’agitation d’une classe est parfois due au fait que l’adulte ne se pose pas. Ses mouvements engendrent du mouvement. Quand la maîtresse ou le maître se déplace, les têtes se tournent pour la ou le suivre des yeux, certains se lèvent pour lui emboîter le pas. D’autres l’interpellent du bout de la pièce. Cela occasionne du chahut. Les enfants aiment savoir où se trouve l’adulte. Cela les rassure. Lorsque c’est le chaos dans ma classe, je prends conscience de mes propres attitudes. Je m’assieds. Le résultat est quasi immédiat. Je me calme, je ralentis mes gestes et la classe suit. Notre manière d’être et de nous mouvoir influence tout notre équipage. 

Christine Schuhl, qui a beaucoup observé les enfants en crèche, en parle très bien dans cet article

S’autoriser à modifier sa classe

Cela prend du temps de se sentir à l’aise dans un nouvel espace, et cela demande aussi de faire des essais. Il faut tenter certains aménagements pour pouvoir à l’usage se rendre compte qu’ils ne conviennent pas.

 À la Toussaint, j’ai décidé par exemple de me débarrasser des quatre bancs qui délimitaient mon coin regroupement, car ils prenaient trop d’espace à mon goût et que la contrainte de les placer et déplacer quotidiennement me pesait. J’ai tracé une ellipse au sol. Les élèves s’en sont accommodé sans soucis, mais je n’étais pas satisfaite. Clairement, certains enfants avaient la bougeotte au sol. Certains me demandaient même s’ils pouvaient prendre une chaise le temps de l’histoire. J’ai réintégré deux bancs sur quatre et gardé l’ellipse. Aujourd’hui mes élèves ont le choix entre le premier rang au sol sur l’ellipse ou le second rang sur un banc. J’ai essayé, ça n’a pas marché, j’ai modifié mon aménagement.

J’encourage aussi chacun·e à aller voir les classes des collègues pour s’en inspirer et ne pas hésiter à demander conseil : « J’ai déplacé les meubles dans ma classe, tu peux me dire ce que tu en penses ? ». Un regard extérieur peut nous aider à infirmer ou confirmer nos choix, et apporter un point de vue auquel on n’aurait pas pensé.

Prendre soin de son nid

Nous passons énormément de temps dans nos classes. Il me semble primordial que l’on s’y sente à l’aise. Il faut penser à notre bien-être, et cela passe par un intérieur qui nous ressemble et dans lequel nous pouvons circuler sans contraintes. Impliquer les élèves est une très bonne idée, car on a tout intérêt à ce qu’ils et elles s’approprient l’espace. C’est la meilleure garantie qu’ils et elles en prennent soin. Pour ce faire, nous pouvons prévoir par exemple des petits balais et balayettes à leur taille. Proposer des tours de rôle pour passer l’éponge sur les tables, demander de l’aide pour déplacer les bancs, leur donner la responsabilité de s’occuper des plantes vertes, prévoir un temps pour afficher devant le groupe les productions pour décorer la classe.

On partage cet espace ; il faut donc le concevoir pour et avec les élèves. De plus, ils et elles sont souvent de très bon conseil, et seront ravi·es de proposer des solutions ou de participer à l’élaboration des règles de la classe. Par exemple :

  • limiter le coin cuisine à quatre élèves ;
  • celui qui sort du matériel est celui qui le range, sauf s’il le passe à quelqu’un d’autre ;
  • s’il y a un tapis au sol, je dois le contourner, je n’ai pas le droit de marcher dessus, etc.
     

Envisager la classe idéale pour y tendre

Dans ma classe idéale, voici une liste non exhaustive des espaces dont je rêve :

  • Des murs libérés avec un système d’accroche simple pour afficher les travaux des élèves.
  • Un coin nature ensoleillé avec des plantes vertes et un espace pour un élevage et des plantations.
  • Un coin repos et cosy où l’on peut s’isoler ou regarder un livre confortablement installé·e avec une petite lampe d’appoint.
  • Une zone avec des tapis au sol et du matériel de gym pour se défouler sans avoir peur de cogner ou renverser quoi que ce soit.
  • Des tables et des chaises à la taille des élèves pour travailler assis.
  • Des chevalets et plusieurs points d’eau pour créer en toute liberté.
  • Un grand espace central vide pour se déplacer sans contrainte.


Bref, des espaces pour jouer, s’isoler, se défouler, s’asseoir à une table, bricoler, rêvasser, discuter, travailler, écouter de la musique, profiter de la vue par une fenêtre, marcher, se poser, réfléchir, ranger. N’est-ce pas un joli défi à relever avec les moyens qui nous sont alloués ? 

Émilie Hanrot PE, diplômée de l’école Camondo (design et architecture intérieure) - Youtube Kiffer l’école

Aménager sa classe au service des apprentissages (1)

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Aménager sa classe au service des apprentissages (2)

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