S’il est un sujet qui revient régulièrement dans les conversations en salle des profs, c’est l’utilisation de l’espace classe. Et pour cause ! Nous lui portons la plus grande attention, car nous savons son importance dans notre fonctionnement et nos pratiques pédagogiques. On teste, on remanie, on jette un œil curieux du côté des collègues… Sans parler de tout ce temps passé à chercher de nouvelles idées sur la toile.

Bien entendu, les moyens alloués sont très variables d’une école à l’autre (superficie de la classe, effectif, budget, installations dans l’école, environnement, etc.), mais il existe malgré tout quelques principes communs qui peuvent guider notre réflexion et nous aider à faire des choix.

Investir la classe, c’est avant tout penser la manière dont il est possible d’exploiter l’espace qui est mis à notre disposition pour soutenir au mieux nos intentions pédagogiques. Et dans ce domaine, l’un des éléments fondamentaux, c’est nous ! En fonction de nos objectifs et de nos besoins, notre positionnement et nos déplacements seront très différents, tout comme le message renvoyé aux élèves : 

• Lorsque je me place devant eux, je leur signifie que j’ai besoin de leur attention pour être écouté·e.
• À l’inverse, lorsque je me place derrière eux, je me place en situation d’observateur, et cela leur indique que je leur laisse la main.
• Quand je m’installe avec un petit groupe d’élèves ou un·e élève, cela montre que je souhaite travailler de manière privilégiée avec ces enfants et que le reste du groupe doit être autonome.
• Si je me déplace de groupe en groupe, je privilégie un échange de proximité. Les élèves comprennent qu’ils et elles vont devoir travailler de manière autonome et attendre leur tour pour que je vienne les voir (que ce soit à leur demande, ou de ma propre initiative). 
   

Je peux aussi simplement circuler pour réguler les comportements et/ou l’avancée du travail.

Une observation menée par des chercheurs de l’université de Salford dans 153 classes primaires a permis le repérage de trois éléments majeurs ayant un effet sur le lien entre environnement de travail et apprentissages : 

• Le premier concerne la dimension naturelle (lumière, température, qualité de l’air, acoustique, etc.),  sur lequel il nous est difficile d’agir. 
• Viennent ensuite des composantes de l’aménagement de la salle telles que la flexibilité, la mise à disposition de différents espaces et les éléments de personnalisation qui facilitent l’appropriation de l’espace par les élèves, et donc leur implication.
• Le dernier point a trait aux stimulations visuelles (affichage, matériel, etc.) qui influent sur l’attention et la concentration.
   

Mais le principal constat fait est que ce n’est pas l’aménagement en soi qui influe sur la réussite, mais bien les intentions et pratiques pédagogiques qui y sont associées. 

Une classe où élèves et enseignant·e se sentent bien, c’est une classe où l’on a plaisir à venir et que l’on a envie d’investir. Il est certain que dans ce domaine, nous ne sommes pas tous et toutes logé·es à la même enseigne (classes trop petites, vétustes, encombrées, manque de matériel, effectif, etc.), et que certaines contraintes échappent à notre contrôle. 

Heureusement, l’étude montre aussi qu’il nous est possible d’agir aisément sur certaines de ces composantes. Par exemple, la présence d’éléments naturels comme les plantes ou le bois aurait un effet bénéfique sur les apprentissages. Alors pourquoi ne pas agrémenter notre classe de quelques plantes, dont les enfants seront ravis de s’occuper ? D’ailleurs, les faire participer à la gestion de l’espace pour qu’ils et elles puissent le personnaliser est également un levier très efficace pour favoriser leur sentiment d’appartenance, et donc leur implication : exposition de productions, projets, boite à idées, découpage des espaces, etc. 

Une autre recommandation concerne l’aération de la salle. La présence de carbone, rejeté par la respiration humaine, aurait un effet sur la capacité de réflexion. Or, la qualité de l’air se détériore mécaniquement au fil de la journée. C’est la raison pour laquelle il est essentiel d’aérer. S’il n’est pas possible d’ouvrir les fenêtres à cause du bruit ou de la température, pourquoi ne pas ouvrir la porte du couloir ?

Comment investir l’espace pour qu’il : 

• Réponde aux besoins des élèves et leur permette de bien accomplir les tâches proposées,
• Évolue facilement en fonction de nos besoins pédagogiques,
• Contribue au développement de compétences transversales comme l’échange, la collaboration, l’autonomie, l’entraide, etc. ?
   

Le choix de la disposition des tables occupe une place centrale dans cette réflexion, car elle impacte directement notre posture et les interactions entre les élèves, mais également entre les élèves et nous, enseignant·e. On distingue les dispositions :  

• En rangées ou en chevrons, pour assurer une transmission frontale et collective,
• En ilôts, pour privilégier le travail en petit groupe, les interactions de proximité et la collaboration,
• En U, ou double U, pour encourager les échanges collectifs.
   

En fonction des activités proposées, nous pouvons tour à tour avoir besoin de l’une ou l’autre de ces configurations. Alors pourquoi ne pas envisager de les mixer pour plus de diversité ? Ou de les faire évoluer dans la journée en fonction des activités proposées ?

La mise en place de différents “coins” dans la classe offre la possibilité de mener différentes activités en même temps, de développer des compétences transversales comme l’autonomie, la responsabilisation ou l’entraide, et de mieux prendre en compte les besoins des élèves. Dans ce domaine, le plus difficile, c’est de choisir : espace d’enseignement, de différenciation, bibliothèque, regroupement, manipulation en libre service, jeux, projets, espace dédié à un domaine d’apprentissage, etc. Le choix est vaste. Veillez ici à savoir pourquoi vous créez ces espaces et à quels besoins ils répondent.

Quelques astuces pour assurer le bon fonctionnement de ces zones  : 

• Créer des espaces clairement délimités, rangés, étiquetés, qui seront facilement identifiés et investis.
• Les règles de fonctionnement doivent être explicitées pour favoriser l’autonomie.
• La circulation doit rester fluide. Il faut donc éviter de multiplier les zones de travail et penser à la place du matériel.
• Faire attention aux espaces sonores.
• Veiller au respect des consignes de sécurité.

Les affichages muraux sont un autre élément très important de l’aménagement de la classe. Ils peuvent être de différente nature : 

• Institutionnels et obligatoires (emploi du temps, programmations, sécurité, etc.),
• Didactiques, en soutien aux apprentissages,
• Organisationnels ou informatifs (“quoi de neuf”, etc.)
• Esthétiques (productions, travaux, etc.). 
   

De même que pour les espaces, quelques astuces permettent de tirer le meilleur parti des affichages. Ainsi, ils doivent être :

• Ordonnés et organisés pour aider leur repérage,
• Lisibles par tous ceux et celles qui en ont l’utilité,
• Évolutifs,
• Et éviter de contenir trop d’éléments stimulants, de couleurs, ou de désordre, qui peuvent créer un environnement peu propice au maintien de l’attention.

En matière d’investissement de l’espace, vous l’aurez compris, les possibilités sont infinies. S’il n’y avait qu’un seul principe à garder en tête, c’est qu’il s’agisse de propositions modestes ou plus ambitieuses, elles ne trouveront leur sens qu’à la condition qu’elles soient mises au service d'une proposition pédagogique.  

Elodie Le Clerc Directrice en élémentaire, adepte du bien vivre dans les écoles.