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Agir dans l'imprévu : des compétences à valoriser

Nathalie Dreyfus
17 janvier 2022 16:12
3 mn

« L'imprévu, comme le crocodile, surgit où on ne l'attend pas. Effrayant, il peut nous paralyser ou révéler des forces insoupçonnées. »  Florent Lacour, consultant en organisation, formateur en management et coach professionnel, pose ici un nouveau regard sur l'improvisation, pour qu'elle ne soit plus synonyme d'impréparation et d'anarchie. 

En tant qu'enseignant ou enseignante, l'imprévu est au rendez-vous au quotidien. Comment prendre confiance en soi, en notre capacité à mobiliser des ressources pour faire de ces improvisations professionnelles des performances ?

Changer de regard sur l’imprévu pour l’intégrer à nos pratiques professionnelles

Un imprévu n’est pas un aléa. C’est une situation inédite que nous n'avons pas pu anticiper. C’est le dé qui tombe sur le 7, c’est très clairement tout ce que nous vivons depuis deux ans maintenant. Chaque jour, face à une situation inédite, inconnue de nous jusqu’alors, pour laquelle nous n’avons de solution disponible, pas de plan B, il nous faut répondre dans un délai très court. On ne gère donc pas l’imprévu, on agit.

Si nous commencions par changer de regard sur ces situations ? Elles sont inédites, donc non anticipables. Nous ne sommes pas en défaut, nous exerçons pleinement notre pouvoir d’action dans ces situations. Des imprévus, il y en aura ; les reconnaître, faire une place pour leurs irruptions dans notre quotidien bien huilé, c’est se préparer à cette « action dans l’imprévu ». 

Comprendre les caractéristiques de l’imprévu

4 types de situations professionnelles font notre quotidien :

  • Les routines : tous ces petits rituels que nous instituons quel que soit notre niveau pour débuter notre classe ou notre cours, pour le terminer, pour passer d’une activité à une autre. Par temps de crise, ils seront nos piliers. On l’a bien vu lors du premier confinement, les routines nous permettent de nous inscrire dans le temps et la régularité, de garder un semblant de « normalité » dans la tempête.
  • Les urgences : décider là, maintenant, tout de suite s’il faut appeler les parents, car je viens de recevoir un SMS me déclarant un élève cas contact ou positif. Trouver un endroit là, maintenant, tout de suite pour installer Julie qui ne se sent pas bien. Pas besoin, je pense, d’ajouter des exemples. Ces urgences sont notre quotidien.
  • Les imprévus : on en parle plus tard, car ils sont tout l’objet de ce propos.
  • Les adaptations : vous savez, la photocopieuse qui ne fonctionne pas et qui ne nous permet pas de proposer notre support d’activité à nos élèves et qu’on décide d’écrire sur 6 grandes feuilles A3, au dernier moment quand la sonnerie retentit (coup de stress assuré !).
     

L’imprévu est donc une rupture possible sur trois plans, vis-à-vis de : 

  • la maîtrise de la connaissance, du corpus. La situation je ne la connais pas, je ne sais pas quelle connaissance mobiliser.
  • la temporalité, de la prédiction, de l’anticipation. Tout étant nouveau, inédit, rien n’existe, tout n’est que premières hypothèses.
  • du contrôle. Pour nous, enseignants et enseignantes qui faisons tout pour contrôler, préparer, structurer, ces deux ans mettent à rude épreuve nos habitudes, nos fonctionnements.
     

Ces ruptures, et donc l’improvisation qui en découle, ne sont pas bien vues dans le monde professionnel. On pense bien souvent que, si nous sommes dans cette situation, c’est que nous avons mal fait notre boulot, que nous avons manqué d’anticipation, de réflexion. Pourtant, encore une fois, reconnaître ces imprévus comme des situations professionnelles à part entière signifie enlever la charge de culpabilité associée à ces événements. Une fois libéré·es de cette charge, nous pouvons passer à l’action, puisque dans l’imprévu, on pense, décide et agit en même temps !

Valoriser l’improvisation pour relever la tête 

Donnons de la valeur à ces actions d’improvisation, et pour ce faire, actons que :

1. Les improvisations sont performantes : depuis le début de la crise, combien de situations avez-vous dénoué par votre pouvoir d’actions ? Accueil d'élèves dans la classe quand un ou une collègue n'est pas remplacé·e, adaptation des emploi du temps en mouvance permanente selon les protocoles, adaptation des espaces pour respecter le non brassage, annulation/report des sorties scolaires, ajustement aux contraintes sanitaires (vérification des attestations, masque obligatoire), et depuis la rentrée de janvier 2022, faire tourner la classe en présentiel et à distance. On continue la liste ? Alors que ceux et celles qui pensent ne pas savoir agir dans l’imprévu prennent la mesure de ce qu’ils et elles ont accompli, prennent la mesure des compétences développées.

2. Vivant dans un monde VUCA (Volatile, Incertain - uncertain en anglais, Complexe et Ambigu), ces compétences d’improvisation sont plus que jamais nécessaires (donc à valoriser).

3. C’est notre valeur ajoutée par rapport à l'Intelligence artificielle. Sourions donc de cette caractéristique proprement humaine.

4. Chacun et chacune de nous a des ressources singulières à reconnaître et à entraîner. 

Agir dans l’imprévu, c’est avoir confiance en soi

Face à l’imprévu, si on a peur et que l’on agit pas, alors, en effet, c’est une histoire de manque de confiance (la peur, c’est l’inverse de la confiance). Par contre, si face à l’imprévu j’agis, alors c’est une histoire de confiance. Qu’est-ce qui fait que l’on improvise au travail et que cela marche ? Qu’est-ce qui fait que depuis deux ans maintenant, malgré tous ces imprévus dans lesquels nous avons agi et ajusté nos réponses, nous avons continué à faire classe et à proposer à nos élèves des apprentissages de qualité ? 

Notre métier enseignant est un métier de structuration : nous préparons beaucoup. Cela n’est pas à remettre en cause. Nous sommes donc, plus que tout autre profession, sensibles à cette impréparation que représente l’effraction de l’imprévu dans notre quotidien. 

Pour agir dans l’imprévu, nous mobilisons trois ressources :

  • L'intuition, qui nous permet de voir en un instant quelque chose de global et d’avoir une connaissance qui émerge instantanément, presque de façon réflexe sans que le raisonnement ait à intervenir. Nous sommes plus ou moins intuitifs et avons donc plus ou moins de facilité à mobiliser notre intuition.
  • La divergence, qui est notre capacité à sortir du cadre. Flexibilité et association sont alors à l'œuvre. Plus la situation est inconnue, plus la divergence sera nécessaire pour penser « en dehors du cadre ». Souvenons-nous des premiers protocoles à mettre en place : la circulation, les moyens de la formaliser, l’utilisation “hors cadre” de nos locaux.
  • Le bricolage. Pensez à MacGyver : il fait avec ce qu’il a sous la main. Nous faisons au jour le jour, avec ce que nous avons : dessiner au sol pour matérialiser le mètre de distanciation, utiliser les panneaux du CDI pour cloisonner certains espaces... Nous pourrions, je pense, décerner beaucoup de diplômes de bricoleurs et bricoleuses en sortie de crise pour honorer cette ingéniosité.

 

Accepter de reconnaître notre compétence à improviser, c’est finalement préparer le terrain en nous faisant confiance, en apprenant à accueillir notre stress inhérent à ces situations, qui peut nous paralyser, et accepter l’idée « qu’on se lance et on verra bien ce qui se passe ». En partant de nos actions, en les analysant a posteriori, en reconnaissant leur efficience et en identifiant les ressources mobilisées, nous valorisons ces gestes professionnels et nous les accueillons comme faisant partie de notre quotidien. 

Pensez donc, s’il faut en faire la démonstration, à ces apprentissages réalisés :

  • confier à d'autres adultes (les parents) les clés d'apprentissage ;
  • donner plus de clés d'organisation personnelle aux élèves ;
  • repenser les moyens de communication avec les élèves et les familles ;
  • adopter de nouvelles pratiques en lien avec le numérique ;
  • travailler en équipe à distance.

 

La boucle est bouclée. Notre sentiment d'efficacité personnel croît, nous prenons confiance dans notre pouvoir d’agir dans l’imprévu. Autorisons-nous à intégrer cet invariant professionnel ! Et, pour terminer, n’oublions pas que le contexte mène à des réactions de la part de nos interlocuteurs et interlocutrices (élèves, collègues, parents) qui peuvent être plus ou moins véhémentes. Rappelons-nous que l'agressivité ne nous est pas directement adressée (enfin, pas de façon systématique), respirons, gardons notre calme. Cela ne fonctionne pas toujours, nous ne sommes qu’humains après tout !

Nathalie Dreyfus, librement inspirée de son entretien avec Florent Lacour

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