Personnaliser vos contenus
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Car la rentrée a démarré à tire-d’aile et que notre corps a oublié. Oui, il est passé en mode vacances et il a oublié les divers traumatismes auxquels il a dû faire face les mois précédents. Constat, problèmes mais aussi exercices divers à commencer dès à présent. Réhabituons notre organisme au dérèglement pédagogique !
Deux mois (60 jours) que vos pieds sont en exploration sensorielle, libérés qu’ils sont de toute entrave de cuir. Qu’ils flirtent avec les méduses ou s’ébattent sur les sentiers en toute impunité, en Birk, chaussettes comprises. Qu’ils s’étalent sur des serviettes, manucurés avec soin ou chatoyants grâce à l’offre Séphora : 5 ongles achetés, 4 ongles offerts.
Retrouver l’inconfort de nos mocassins glandulaires, ou nos escarpins si pratiques pour écraser les boulettes de papier des Melec. Enfermer nos pétons. Transpirer. Suer. Ongles incarnés et décharnés à force de naviguer entre nos salles et celle de la Vie Sco pour demander le foutu diapo des 3ème B2. Arriver le soir et observer vos oignons et vos durillons purulents.
Commencer pas à pas, par des allers-retours inutiles dans la maison.
Faire des séances de chaussette de 10-15 minutes maxi.
Puis un matin sauter dans ses baskets et monter autant d’étages qu’entre la A103 et le bureau du CPE.
Respirer.
Acheter de la crème Scholl ou Akiléïne.
Deux mois (60 jours) que vous respirez l’odeur des jasmins fraîchement coupés dans le jardin botanique aux milles parfums de votre résidence secondaire. Que vous humez chaque matin le bon air pur de la montagne, que vous sentez le doux parfum du taboulet s’étalant sur les nappes de pique-nique avec orgueil et panache.
Au bout de quelques semaines, que dis-je quelques jours retrouver le melting (vieux) pot souvent acide des déos qu’on s’échange à la pelle dans des salles encore surchauffées de l’été, quand Terre d’Hermès flirte plutôt avec Serre d’herpès ; ou quand Enzo trouve bon d’oublier son sandwich frites-ketchup-steak « terter » sous son bureau et que vous en découvrez l’existence le surlendemain à 8h. Arriver le soir et s’infliger un test PCR avec deux cotons-tiges pour éléphanteau.
Commencer à respirer l’odeur des poubelles quand on les descend, celles qui s’entassent au soleil et que les rats eux-mêmes se refusent d’approcher.
Ou s’initier en salle de bain à des séances d’apnée dignes de Jacques Mayol qui permettront de tenir face à Jack Mayo, le seconde qui a des aisselles de babouin de Guinée.
Deux mois (60 jours) que vous vous réveillez au son de la douce mélopée des cigales qui jouent à cache-cache dans votre jardin d’olivier. Que vous n’avez pas dépassé la vingtaine de décibels, lorsque cette douce onde de pluie percutait vos fenêtres un soir d’été, et que vous arrivez à compter le nombre de gouttes de sueur dévalant votre front et s’écrasant sur le sol lors de vos nuits caniculaires.
Retrouver bien trop rapidement le beuglement des élèves découvrant leur emploi du temps ou se racontant leurs vacances dans des couloirs exigus, s’ébattant comme un troupeau de yacks au bord d’un étang prospère. Mais aussi Léonie, adorable enfant au demeurant mais incapable de s’exprimer sereinement sans prononcer moins de deux jurons à chaque fin de phrase : « Ça a été les vacances… Tes morts ! » ou « Trop bien de vous revoir Msieur, vous m’avez manqué sa mère la chienne andalouse ». Avoir les oreilles qui saignent comme des stigmates saintes.
Essayer de dormir quelques jours près d’une fête foraine ou d’un aéroport.
Prendre une collation assez substantielle à l’amicale des joyeux routiers, près de l’A7. Écouter l’intégrale de Yanns à tue-tête avec de la mousseline dans les oreilles.
Deux mois (60 jours) que vous murmurez plus que vous ne parlez aux autochtones autour de vous. Comme si vous racontiez un doux conte à la caissière de la boucherie par exemple, ou une berceuse à votre cher bambin rechignant à visiter le musée de la Navigation de 1830 à 1832 dans le Lot.
Quasi immédiatement et comme instinctivement, devoir répéter quatre fois les mêmes phrases, pourtant simples : « Asseyez-vous ! », « Taisez-vous ! », « Rentrez vos portables ! » à des tessitures diverses, histoire d’atteindre les plus récalcitrants. Parlez au-dessus de Bryan qui veut absolument raconter son parcours de cross à TOUTE la classe. Finir complètement aphone en deux jours et ramper jusqu’aux pastilles de miel et les suçoter en silence comme un moine tibétain.
Essayer de crier pour rien. Sans aucune raison valable.
Vous attendez le bus ? Hurlez qu’il s’arrête.
Vous allez au cinéma ? Riez à vous en décrocher la mâchoire même si cela parle des massacres des tribus aztèques.
Meuglez l’addition.
Apostrophez votre facteur.
Égosillez-vous lors de vos rapports amoureux.Après, de toute manière, vous n’en aurez plus.
Deux mois (60 jours) à vivre normalement :
« Quel âge as-tu ? 8 ans, Monsieur. » ;
« Peux-tu me passer le sel ? Oui, bien sûr.
« Est-ce le bus qui mène au parc ? Oui Madame bien entendu, prenez place. ».
Tout semble cohérent n’est-ce pas ?
Repénétrer dans un monde ubuesque où la raison a cessé d’être :
« Quel âge as-tu ? Pourquoi tié un condé ? »
« Peux-tu te lever et venir au tableau ? M'sieur j’vous dis la vérité j’ai trop envie de pisser j’ai bu tarpin à midi de l’iceti ! »
« Avez-vous écrit le bilan ? Ahh pourquoi fallait écrire quand vous écriviez au tableau j’savais pas c’était quoi ! ».
Poser une question et avoir une question en retour. Parler à des êtres apparemment humains, mais avec des réactions proches de l’amibe ou de l’arapède transie par le soleil. Arriver le soir et se demander si vous ne parlez pas une langue martienne ou du Visigoth moderne.
Relire l’intégrale de Ionesco.
Passer la journée la tête en bas et construire vos séquences ainsi.
Essayer de faire apprendre une poésie à votre labrador.
Avec tout ça, il est sans nul doute que vous parviendrez sans encombre à résister. Aux trois premières semaines.
Prof de lycée pro quelque part en France, dont l'humour sévit sur Facebook et sur Instagram.
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