Personnaliser vos contenus
Personnaliser vos contenus
Je termine de rédiger cet article alors que je viens de passer 30 minutes assise par terre avec un élève de 4 ans qui se débattait dans tous les sens, dans une crise de frustration explosive... Après une longue et violente décharge, il s’est endormi dans mes bras. Si ces moments restent impressionnants, je me sens aujourd’hui beaucoup plus sereine et équipée pour gérer ces crises.
C’est grâce à l’expérience, mais aussi à des formations et lectures, qui m’ont aidée à ajuster ma façon de voir et comprendre la frustration, chez mes élèves, mes enfants, et moi-même ! Dans cet article, je partage avec vous ce que j’ai appris sur la frustration, et comment j’ai appliqué cela dans mes classes de maternelle.
Nous allons commencer par un peu de théorie ; comprendre ce qui se passe dans le cerveau de nos élèves quand ils ou elles ressentent une frustration nous aidera à avoir une approche qui est à la fois respectueuse et efficace.
En maternelle, la frustration est fréquente : ranger un jeu alors qu’on s’amuse, s’asseoir alors qu’on a envie de courir, écouter alors qu’on brûle d’envie de parler. Les enfants font sans cesse face à des petites et grandes frustrations, et pour certains l’émotion est parfois très forte. C’est normal, car suivre le rythme et les règles de la collectivité sont des apprentissages qui s’inscrivent dans un temps long.
Traverser une émotion désagréable comme la frustration sans avoir des comportements hors cadre ou agressifs est également un apprentissage, et à trois ou quatre ans la plupart des enfants sont peu équipés pour le faire. Parlons de ce que nous pouvons faire au quotidien dans nos classes pour accompagner cet apprentissage et pour gérer les frustrations de nos élèves tout en tenant compte des contraintes du groupe classe.
Il y a plusieurs façons de schématiser le cerveau humain. Je vais vous utiliser ici celle proposée par Daniel Siegel dans son livre Le cerveau de votre enfant. Il nous invite à imaginer le cerveau comme une maison, avec deux étages :
Le cerveau d’en bas est bien formé à la naissance et possède déjà toutes les capacités pour mener à bien ses fonctions. Celui d’en haut se développe tout le long de l’enfance et de l’adolescence, et n’est pleinement mature qu’autour de 25 ans. Cela veut dire, très concrètement, que la partie du cerveau qui nous aide à analyser une situation, à contrôler son impulsivité, n’est pas prête à le faire à 3, 4, 6 ans. Quand un enfant ressent une émotion, c’est son cerveau d’en bas qui va dicter ses comportements, qui auront alors toutes les chances d’être des comportements impulsifs (attaque, fuite, inhibition). Le cerveau d’en haut n’est pas assez mûr pour prendre le dessus et aider l’enfant à raisonner et trouver une réponse socialement acceptable, empathique ou raisonnable.
Ce décalage dans la maturation des différents étages du cerveau serait suffisant pour rendre notre vie d’enseignant ou d'enseignante compliquée... Mais il y a un facteur aggravant. C’est l’amygdale, que Daniel Siegel appelle le chien de garde de la maison. Quand elle sent une menace (que l’on soit adulte ou enfant), elle prend le contrôle du cerveau d’en haut et nous permet d’agir avant de réfléchir, réflexe important quand il y a un danger. Chez les enfants, l’amygdale s’enflamme souvent. Donc non seulement l’étage d’en haut est encore en travaux, mais même les parties qui fonctionnent déjà ne sont pas accessibles quand l’enfant vit un débordement émotionnel ou une situation de grand stress.
Une fois qu’on a posé cela, qu’est-ce qu’on fait ? Pour trouver des interventions efficaces, nous allons faire encore un petit détour théorique pour découvrir les étapes d’une émotion.
Les émotions sont des réactions saines, automatiques et de courte durée. La frustration est une émotion ressentie quand il y a un décalage entre nos envies, besoins ou attentes et la réalité. Il s’agit d’une émotion désagréable, qui s’exprime souvent associée à la colère. Une émotion se déroule en trois étapes :
Pour gérer les frustrations de nos élèves de façon efficace et respectueuse, je vous propose trois temps où nous pouvons :
Le premier levier pratique que nous avons en classe est de limiter les frustrations. Que ce soit clair, cela ne veut pas dire accepter toutes les envies de nos élèves ! Pour reprendre les mots de Daniel Siegel, « le fait que son cerveau soit encore en chantier fournit un motif supplémentaire pour poser à l’enfant des limites claires et l’aider à comprendre ce qui est acceptable ou pas ».
Rappelons-nous que la frustration se produit quand il y a une discordance entre une attente ou envie et la réalité. Donc si leurs attentes correspondent à ce qui va se passer, il y aura moins de frustrations. Concrètement, ce que nous pouvons faire en classe :
À vous de jouer ! Quel est le moment où la situation dans votre classe où vous rencontrez souvent des difficultés liées à la frustration de vos élèves ? Que pouvez-vous changer dans la routine de la classe pour rendre cette situation moins frustrante ?
Malgré tous nos efforts d’anticipation, les frustrations font partie du quotidien d’une classe. Que faire quand un élève est en pleine crise en classe ?
Les frustrations étant inévitables, à l’école comme dans la vie, apprendre à nos élèves à les traverser avec progressivement un peu plus de “cerveau d’en haut”, et surtout avec des comportements de décharge acceptables, c’est non seulement nécessaire mais un des plus beaux cadeaux que vous pouvez faire à vos élèves (et à ses futurs enseignants !). Cet apprentissage se fait en dehors des temps de crise, au calme. Quelques idées :
À vous de jouer ! Sur ces quatre idées, notez celle que vous faites déjà dans votre classe. Pouvez-vous renforcer cette méthode en la faisant plus régulièrement ? Il y a-t-il une idée qui vous inspire et donne envie ? Notez dans votre cahier journal un moment dans la semaine où vous pouvez la mettre en pratique.
On a tout de même parfois l’impression qu’ils ne sont pas vraiment submergés par une tempête émotionnelle, mais qu'ils font un peu exprès pour avoir ce qu’ils veulent... Et c’est parfois vrai.
Plus l’enfant grandit, plus il peut utiliser des comportements choisis pour obtenir ce qu’il veut. Daniel Siegel appelle cela la “crise d’en haut”, car elle naît dans le cerveau d’en haut et pas dans le cerveau d’en bas. Il nous explique qu’on peut la repérer par le fait que l’enfant arrête instantanément la crise si vous cédez à ses exigences.
Mais dans le fond, cela ne change pas l’approche à avoir. Les mots d’ordre sont : on reste calme, on ne cède pas, on nomme ce qu’on voit, et si le comportement n’est pas approprié, on sécurise et on explique. La nuance serait dans le fait d’insister avec calme sur les conséquences du comportement de l’enfant sur les autres, et sur le fait que cela ne l’aidera pas à obtenir ce qu’il souhaite.
Dans ma pratique, il me semble que les “crises d’en haut” arrivent à certains enfants en grande section, mais j’en ai rarement vu chez les plus jeunes. Le cerveau d’en bas parle souvent beaucoup plus fort à ces moments.
Directrice d’école maternelle, professeure des écoles pendant 12 ans, facilitatrice qualifiée en Discipline positive pour la classe
Vous devez être connecté-e pour publier un commentaire.
Des articles pratiques et concrets !
Un contenu sélectionné par des enseignants
Une aide dans le quotidien des enseignants
Des contenus adaptés à votre profil
Contenu très intéressant, étayé ! Merci beaucoup. Il faudrait transmettre ces informations à tous nos parents d'élèves !
Merci pour cet article ! C'est toujours intéressant de remettre les mots sur des situations que l'on vit au quotidien.
Merci pour ces informations et conseils, qui vont m'aider à préparer la prochaine rentrée avec une classe difficile.