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La mobilité à l’Éducation nationale peut être aussi ubuesque que kafkaïenne.
L’EN peine à recruter des profs de qualité mais paie peu, peine à garder ses profs, et pourtant met en place des ruptures conventionnelles pour faciliter les départs des profs qualifiés et expérimentés, puis refuse des démissions poussant à envisager l’abandon de poste… Ce « Je t’aime moi non plus » pourrait ressembler à un bon vaudeville, les portes claquant, un amant sortant du placard, et cela finirait bien. Mais ce n’est pas le cas… Dans le scénario actuel, on trouve des burn-out, des congés longue maladie, des arrêts non remplacés, la valse des contractuels… et des démissions non préparées.
L’Éducation nationale, une prison pas très dorée ? La quitter relève de l’escape game.
Il y a 5 ans, la mobilité interne serait arrivée en première intention dans les lignes à venir, car c’était la tendance du moment. Aujourd’hui, au vu des demandes de ruptures conventionnelles et autres démissions, la porte d’entrée pertinente semble plutôt être la porte de sortie vers laquelle de plus en plus d’enseignants se dirigent. L’important est de faire le point, de regarder à l’extérieur sans peur ni illusions et d’envisager toutes les possibilités sur le spectre de l’évolution professionnelle.
Les profs entrent parfois en fonction comme on entre en religion, mais sont ensuite confrontés à des frustrations les incitant à vouloir claquer la porte… mais pour aller où ? Le monde du travail leur paraît étranger, hostile. Ils n’ont souvent jamais eu d’expérience professionnelle autre. Pourtant, se demander s’il y a une vie professionnelle en dehors de l’Éducation nationale peut finalement être aussi signe de bonne santé mentale. Et quand on doit se projeter à avoir 32 élèves de 3 ans au nez qui coule, 12 enfants à besoins spécifiques ou 16 élèves en décrochage scolaire jusqu’à 64 ans, on est plus qu’en droit de se poser cette question…
De plus, quand on voit qu’en tant qu’enseignant, on finit par appartenir au bas de la classe moyenne alors qu’on a minimum BAC+5, il y a une logique à se poser cette question. Alors, quand se la poser ? Avant d’aller trop mal, avant d’être non recyclable ? Quels signes doivent vous alerter et vous inciter à envisager une reconversion ? Tous les signes avant-coureurs du burn-out : irritabilité, migraines, problèmes de peau, difficulté à s’endormir, anxiété, charge mentale qui ne faiblit pas, etc. Pour moi, ça a été quand j’ai commencé à pleurer en mettant la main sur la poignée de la porte de l’école le matin. Si la souffrance est telle et si le diplôme d’origine est assez prisé, pas besoin de s’infliger de rester. Listez et écoutez vos symptômes, arrêtez de faire le bon petit soldat qui prend sur lui car votre santé est en jeu.
Si on se reconvertit, il faut aussi que cela ait un sens, et que cela en vaille la peine.
Car une reconversion est rarement une promenade de santé. Il va falloir définir un projet, faire son CV, essuyer des refus…. Bref, on va éviter de se reconvertir à 6 mois de la retraite. Je dirais que 10 à 15 ans avant la retraite semble être un horizon logique.
À ce stade de début de questionnement, il y a des ressources gratuites qui vont permettre de nourrir votre cheminement.
Elle vous sera utile pour poser le cadre de ce qu’est la mobilité enseignante : des questions générales, des points pour se rassurer et commencer à se projeter ailleurs.
Attention : pas de “solutions”, mais des questions si vous en êtes au tout début de votre réflexion.
Voici le guide Agir pour son projet de mobilité professionnelle - Guide repères des agents de la fonction publique qui propose des questionnaires d’auto-évaluation du projet, des méthodologies pour traiter chacune des étapes.
Commencez aussi à rejoindre des groupes Facebook sur des sujets qui vous intéressent. Cela vous fera du bien, et vous donnera des idées. Le groupe Partage entre enseignants, orthopédagogues et intervenants en éducation peut offrir de bonnes pistes pour imaginer des pistes de reconversion. Des groupes de profs qui se questionnent sur leur avenir aussi :
Il y des techniques, dont les contenus sont disponibles sur Youtube ou en librairie selon son format préféré pour réfléchir à qui on a envie d’être, ailleurs.
Je pense que l’IKIGAÏ est un outil accessible pour démarrer un questionnement, même si ce questionnement mené avec un accompagnant permettra d’éviter de se limiter soi-même. Avec une formatrice de coachs scolaires, on a fait un live sur le sujet que vous pouvez retrouver ici.
Si vous envisagez la sortie, il va falloir se mettre en mouvement et s’inspirer de celles et ceux qui naviguent déjà en pleine mer : faire son CV, se créer un compte LinkedIn, solliciter ses réseaux…. et se rendre visible ! Cela veut dire sortir de sa zone de confort, aussi inconfortable soit-elle devenue. Mais aussi affronter ses peurs, notamment son sentiment d’incompétence apprise, et tenter de viser une reconversion qui ne soit pas au rabais, pas une rétrogradation mais une émancipation.
La logique pourrait être de faire un bilan de compétences, avec votre Compte Personnel de Formation… sauf que vous ne pouvez pas le mobiliser librement. Rappel : tant que vous êtes enseignant, pour mobiliser votre CPF, la plupart des académies ont mis en place des commissions pour sélectionner parmi les demandes de mobilisation du CPF. Il faut soumettre son dossier en amont de ces commissions.
Tentez votre chance, mais gardez à l’esprit de devoir faire le deuil de votre CPF à ce stade de votre reconversion ; il vous sera probablement utile dans un deuxième temps (se former au marketing digital ou à la création d’entreprise, par exemple). Sachez que dès votre départ de l’Éducation nationale, votre CPF est mobilisable très facilement (dès votre inscription à Pôle emploi, il suffit que l’EN crédite 1€ sur votre compte et à vous la liberté de monter en compétences).
La logique voudrait aussi de faire appel aux conseillers en mobilité carrière…. D’expérience, ils donnent quelques pistes à étudier. Ensuite, toujours d’expérience, l’accompagnement RH se limite à un traitement très administratif de votre dossier de départ…
Qui peut vous aider à construire votre projet de mobilité ? Il va falloir activer le système D. Il y a pas mal de contenus gratuits sur internet pour commencer à se renseigner sur des métiers et des formations. Ça peut déjà aider à établir une liste de ce qu’on ne veut pas (horaires, sens du job, etc.) Ne restez pas isolé !
Vos proches risquent de vous transférer leurs peurs et de vous enfermer dans l’image qu’ils ont de vous. On dit qu’on est la somme des 10 personnes que l’on fréquente, alors fréquentez ceux qui sont dans une dynamique compatible avec votre projet d’évolution.
Après, il y a des outils et des accompagnants qui permettent de clarifier son chemin de reconversion. Les enjeux sont tels qu’il vaut parfois mieux investir un peu d’argent que de se tromper de reconversion ou d’y renoncer. Et, pour avoir fait le chemin complet, il vaut mieux se faire aider quand on va encore bien (coaching par exemple), que d’attendre d’aller mal pour avoir finalement recours à un thérapeute qui devra d’abord vous remettre sur pieds avant que vous ne puissiez enclencher votre émancipation professionnelle.
Depuis 3 ans, pas mal d’anciens profs se préoccupent de la souffrance enseignante, et de leur éventuelle reconversion. Cela peut consister en des parcours pour mieux connaître ses forces (compétences techniques, softs skills, etc.) et donc son employabilité. Il peut y avoir également des parcours de professionnalisation pour aider les profs à se trouver une nouvelle voie professionnelle. Une des voies essentielles pour se reconvertir est de se former, et d’obtenir une certification. Au préalable, se renseigner en s’inspirant de parcours de profs déjà reconvertis.
Il existe enfin de nombreux statuts auxquels on ne pense pas, notamment les Coopératives d'activité et d'emploi/d'entrepreneuriat, ce qui peut être très intéressant pour une transition et pour qui ne peut pas mobiliser son CPF.
J’ai bien souvent entendu dans les salles des profs des envies de reconversion dans la fonction publique. Les seules que j’ai vues être mises en œuvre - à quelque exception près - étaient assorties de grands renoncements.
De mon côté, j’avais tenté - en dernière chance - de candidater pour un poste en GRETA. J’ai passé un entretien inconfortable qui n’a pas été concluant, et surtout le système était là encore incompréhensible. On postulait pour des postes dont on ne savait pas s’ils se libéreraient. Cela aurait été cohérent si cela avait permis aux GRETA de se constituer un vivier dans lequel piocher dès la libération d’un poste. Que nenni ! Les candidats victorieux de l’an passé devaient repasser l’examen chaque année jusqu’à l’éventuelle libération d’un poste.
Depuis la COVID, on voit un boom de l’entrepreneuriat. Ce qu’on ne sait pas toujours quand on se lance, c’est la faible proportion d’auto-entrepreneurs qui parviennent à vivre de leur activité.
Attention au chant des sirènes, car le prof n’a pas grand chose pour rebondir…. Je m’explique. Quand on obtient une rupture conventionnelle, on n’a plus le droit de travailler comme fonctionnaire pour les 6 prochaines années. En cas de rupture conventionnelle, vous avez la possibilité de vous inscrire à Pôle emploi et de percevoir une indemnité sur 2 ans. Si l’expérience de l’entrepreneuriat ne marche pas au terme des 2 ans (2,5 ans pour les plus de 53 ans), impossible donc de retourner avant encore 4 années vers là où on serait directement réemployables. Quelqu’un qui travaille en entreprise et qui tente la même expérience et échoue peut postuler pour des emplois similaires à la sortie de son expérience entrepreneuriale avortée. Ce n’est pas le cas des profs, ou de façon très marginale (travailler dans une école alternative, etc.).
Devenir formateur ou devenir entrepreneur dans un tout autre domaine, ça se prépare, ça s’apprend. Et il est important d’avoir un plan B pour un éventuel retour vers un salariat - quel qu’il soit - tout au long de l’expérience entrepreneuriale.
Et quand on est entrepreneur, on n’est jamais à l’abri de l’arrivée d’un nouveau concurrent, d’une nouvelle législation, de la faillite d’un gros client… Il est vrai que l’on peut demander à créer une entreprise en cumul d’activité, sous certaines conditions. Attention donc aux sanctions en cas de cumul non autorisé.
La reconversion n’est pas un long fleuve tranquille, surtout pour ceux qui ont pour seule expérience professionnelle l’enseignement (un parcours professionnel autre en amont offre la possibilité de retomber sur ses pattes plus facilement). Alors, quelles alternatives y aurait-il à la reconversion complète ?
À temps complet, c’est interdit sauf cas très spécifiques. À temps partiel, il faut faire une demande d’autorisation. Des lois successives ont restreint cette possibilité, considérant que l’exercice d’une activité secondaire risquait de nuire au travail d'enseignement. Attention aux cumuls illégaux (vendeur à domicile par exemple). Le cumul nécessite de jouer intelligemment avec la réglementation, ce qui peut devenir un véritable exercice de style.
Cumuler temporairement ou se réinventer peuvent être des amorces de reconversion. Cette piste peut être intéressante avant d’actionner l’autorisation d’entreprendre, car cela permet du coup d’avoir plus de temps pour rentabiliser l’entreprise.
Finalement, qu’est-ce qui donne envie de partir ? Être affecté à 75km de chez soi, ne pas pouvoir évoluer, les injonctions paradoxales et impossibles de l’institution… Faites votre liste.
À l’opposé : qu’est-ce qui fait qu’on aurait envie de rester ? Pour moi, cela aurait été qu’on reconnaisse mon diplôme de formatrice, bref qu’on me laisse évoluer, que mes horizons s’ouvrent. J’ai dû quitter l’EN pour vivre ce que je voulais vivre. Ça a été un déchirement, et je me sens toujours comme faisant partie du corps enseignant. J’ai réussi car, même si mes revenus ne sont pas meilleurs, et même si j’ai les incertitudes liées à l’entrepreneuriat, j'ai ouvert mes horizons et pour moi cela compte plus que tout le reste.
Et vous, qu’est-ce qui vous ferait rester tout en étant épanoui·e ? Un meilleur salaire, une possibilité de choisir des formations intéressantes et efficaces, un management plus humain, des classes moins chargées ? Qu'est-ce qui compte vraiment pour vous, et quel prix êtes vous prêt à payer pour le mettre en œuvre ?
Toute mobilité professionnelle est un moment qui doit donner lieu à un questionnement sincère et organisé, à défaut de quoi on subit sa carrière. C’est un sujet qui apparaît normal pour les non-profs, mais qui paraît presque traumatisant pour les enseignants. C’est sur cette dimension psychologique qu’il faut opérer un travail de recadrage, afin de se lancer sereinement dans une exploration et une évaluation des opportunités et des risques. Tout changement nécessite de faire le deuil de la situation précédente, mais le plus pénalisant reste toujours de faire le deuil de l’espoir.
Ancienne professeure des écoles, coach certifiée, hypnothérapeute et formatrice
Hypnot'ease Muriel Josselin | Facebook
Personalis Legenda - Muriel Josselin
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Bonjouret merci pource témoignageet ces pistes interessants. Je suis intéresséede savoir quelle certification de coaching vous avez faite svp?
Pour Sandra qui me le demandait, j'ai fait la Haute Ecole de Coaching
Témoignage très intéressant. Merci pour toutes les ressources.