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"Là, c'est raté !" : tirer parti de nos échecs en 3 étapes

Paula Buswell
16 mai 2023 17:48
6 mn

Je me souviens de la première fois où j’ai voulu enseigner le fonctionnement du tableau à double entrée à mes élèves de grande section. J’avais passé des heures à préparer ma séance sous forme de jeu. J’avais tout planifié, préparé, plastifié, découpé. Et après avoir expliqué avec enthousiasme à mes 30 élèves ce qu’on allait faire, je me rends compte que presque aucun d’entre eux n’avait compris ce que je leur racontais. Il y a eu aussi l’expérience "flotte/coule", où nos bateaux coulaient, ou encore les nombreux livres que j’ai voulu lire alors que mes élèves m'interrompaient sans cesse ou simplement jouaient entre eux sans écouter…

Avec l’expérience, je fais moins d’erreurs au niveau de mes préparations, mais les moments où “Là, ça ne va plus !” existent encore. Enseigner est une pratique complexe. À n’importe quel moment dans une classe, des multiples facteurs sont en jeu, prévus et imprévus

Il est donc important de nous accorder ce droit à l’erreur, le droit d’avoir des moments où ça ne se passe pas comme on avait prévu, sans que cela nous déstabilise. De prendre nos difficultés et nos leçons ratées comme des opportunités d’apprentissage, comme des retours d’information de nos élèves qui nous disent, de façon souvent très claire, “La prochaine fois, tu ferais mieux de t’y prendre autrement.”... 

Étape 1 - Admettre que là, ça n’a pas marché du tout…

La première étape pour tirer parti de ce qui a foiré est tout simplement d’admettre que ça ne s’est pas passé comme prévu. Il faut que nous puissions réellement voir ce moment non pas comme un problème, mais comme une donnée, une information qui va nous aider à adapter la suite. Dire simplement : "Les enfants, je vois que je n’ai pas bien organisé cette activité, il me manque du matériel, j’avais prévu ce jeu mais finalement il est trop compliqué." va nous aider à plusieurs niveaux :

  • Cela va dédramatiser la situation pour nous, car quand nous admettons que ça ne marche pas, nous reprenons le contrôle. Nous sommes tout à fait conscients de ce qui se passe, nous l'acceptons et nous sommes prêts à nous mettre en action. Utiliser un peu d’humour à ces moments peut être très puissant : "Ohlala, ça, je n’aurais pas pu l’imaginer, un bateau qui coule ! Il va falloir que je revoie ma leçon !".
     
  • Cela montre aux élèves qu'ils ont vraiment le droit de se tromper dans notre classe. Nous avons beau leur dire que l’erreur fait partie de l’apprentissage, leur montrer cela par notre exemple est très puissant. Je me souviens d’un élève qui m’a dit un jour : "C’est pas grave maîtresse, tu feras sûrement mieux la prochaine fois !".
     
  • Cela aide aussi nos élèves à ne pas porter la responsabilité de nos erreurs. Quand j’ai fini ma leçon sur les tableaux à double entrée, si j’avais terminé ma séance sans rien dire, certains de mes élèves auraient pu croire que c’est eux qui n’avaient rien compris, et non pas moi qui avais mal préparé la séance. Quand nous prenons une part de responsabilité, nous indiquons à nos élèves que nous pouvons changer la situation. Ce ne sont pas eux qui sont surexcités, c’est moi qui ai sauté une étape, donc si je rectifie cela, ils pourront se poser le temps de l’histoire.
à vous de jouer !

Étape 2 - Analyser ce qui s’est passé

Une fois la situation à chaud gérée, nous pouvons prendre le temps pour réfléchir sur la situation et comprendre ce qui s’est passé. La phase de réflexion consiste à poser les faits de la façon la plus objective possible. On va prendre du recul et ne pas se concentrer sur une action ou au moment où on a eu le sentiment que cela a dérapé, mais regarder la situation dans son ensemble. 

  • La première étape de la réflexion consiste à clarifier quelles étaient vos attentes. Quel résultat attendez-vous de la séance ? Quels étaient vos objectifs, en termes d’apprentissage ou de comportement ? Ensuite, vous pouvez noter le résultat obtenu, encore une fois de façon objective.
     
  • Vous pouvez ensuite noter ce que vous avez pu observer pendant la séance qui explique peut-être cet écart entre les deux. Pensez aux comportements que vous avez observés chez vos élèves, à vos comportements. Pour ceci, une fiche outil avec des items à remplir peut vous aider à structurer votre réflexion. Selon la situation, tous les items ne seront pas pertinents, adaptez à ce qui s’est passé pour vous. 
     
  • Le plus difficile ici est d'essayer de rester neutre, ne pas porter de jugement sur vous-même, ni sur vos élèves. L’objectif n’est pas de trouver à qui la faute, mais simplement de comprendre d’où sont venues les difficultés de la séance.
à vous de jouer !

Étape 3 - Planifier ce que vous ferez différemment la prochaine fois

En faisant notre analyse, on se rend vite compte de la multitude de facteurs qui influencent le déroulé d’une séance, d’un regroupement, d’une transition. Nous ne pouvons pas tous les contrôler, mais nous pouvons souvent en tenir compte. C’est ce qui va nous permettre d’avoir un résultat différent la fois d’après. La troisième étape consiste à choisir un ou deux facteurs qui, d’après notre analyse, ont le plus marqué les difficultés rencontrées, et réfléchir à ce que nous pouvons faire différemment la prochaine fois pour adresser spécifiquement ce problème. 

  • Il est important de bien prendre en compte l’analyse faite pour cibler de façon la plus précise possible le problème et donc les changements à apporter. Par exemple, si mes regroupements ont tendance à être chaotiques dès le départ et mes élèves peu attentifs, je peux chercher des activités qui sollicitent plus activement les élèves pour qu’ils soient engagés, ou faire un plan de regroupement en plaçant les élèves à des endroits stratégiques. Mais si c’est la fin des regroupements qui pose problème, je peux choisir simplement de les raccourcir. 
     
  • Quand vous rencontrez une difficulté sur laquelle vous ne pouvez pas agir directement (un créneau de gymnastique ou des meubles qui ne vous conviennent pas, mais aussi les difficultés que vos élèves peuvent avoir dans leur vie privée et qui perturbent leur engagement en classe), vous pouvez tout de même réfléchir à comment prendre en compte ces difficultés dans votre organisation ou préparation. Par exemple, vous ne pouvez pas agir sur le nombre d’élèves qu’il y a dans votre classe, mais vous pouvez choisir de fonctionner avec des groupes de plus ou moins d’enfants. Si vos élèves sont peu autonomes sur l’habillage, vous pouvez prévoir plus de temps pour ces transitions, et s’ils ont du mal à suivre les règles de vie, prévoir de passer plus de temps à leur transmettre ces compétences.
à vous de jouer !
remarque

Paula Buswell

Directrice d’école maternelle, professeure des écoles pendant 12 ans

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