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En 2017, alors que je passe le Capes, je découvre le témoignage de Nora Fraisse, la mère de Marion, une jeune collégienne de 13 ans qui s’est suicidée après avoir été harcelée par ses camarades de classe. Ayant moi-même été victime de harcèlement lorsque j’étais à l’école, je me fais la promesse qu’une fois enseignante, je ferai tout ce qui est en mon possible pour aider les élèves et empêcher que ce phénomène se produise là où j’enseigne.
Dès mon arrivée dans le collège où j’ai été mutée (dans la ville située à côté de celle où la jeune Marion s’est suicidée, comme un fait exprès…), je me suis tout de suite intéressée à la problématique du harcèlement scolaire et au cyberharcèlement. Durant plus de six ans, j’ai essayé différentes méthodes avec mes collègues, sans parvenir véritablement à trouver quelque chose que je jugeais efficace… Jusqu’à découvrir la MPP : méthode de préoccupation partagée.
Si cette méthode ne règle pas tout, elle permet de s'emparer des situations en amont, avant qu’elles ne dégénèrent. Je vais vous expliquer pourquoi et comment, à travers plusieurs points.
La MPP est élaborée par le chercheur Anatol Pikas et adaptée dans différents pays. En France, ce sont Jean-Pierre Bellon, Marie Quartier et Bertrand Gertrand qui l’ont adaptée et développée, dans le cadre du programme de lutte contre le harcèlement pHARe déployé dans les écoles.
Cette méthode scandinave est conçue pour développer l’empathie et briser les dynamiques de groupe. Elle prend appuie sur le fait que le harcèlement scolaire n’est pas un phénomène isolé, mais un phénomène de groupe qu’il convient de dénouer à travers le développement de l’empathie. Cette méthode n’engendre pas de sanctions, car elle part du postulat que la sanction ne règle pas le problème de fond.
La MPP peut être mise en place dès l’école primaire. Elle est destinée à tous les élèves de l’établissement (cibles comme intimidateurs), et portée par les personnels formés qu’on appelle l'équipe ressource. Cette équipe est chargée d’évaluer les situations et de les prendre en charge, hors temps de classe.
Aujourd’hui, il existe une formation nommée pHARe, pour se former à la MPP. Ces formations peuvent être dispensées par les équipes pHARe, mais aussi par les enseignants eux-mêmes déjà formés, qui peuvent créer leur propre équipe ressource dans leur établissement. Il s’agira alors de montrer aux personnels intéressés comment prendre en charge les situations et les entretiens.
Les étapes de la méthode de préoccupation partagée sont : 1 : entretien avec la cible ; 2 : entretien avec les intimidateurs et 3 : rencontre de suivi. Pour plus de détails, vous pouvez retrouver une vidéo à ce sujet sur ma chaîne Youtube.
Repérer et alerter sur une situation de harcèlement peut être effectué par n’importe quelle personne de l’établissement ou extérieur : élève, enseignant, personnels de vie scolaire, AESH, direction, parents, etc.
Pour le corps enseignant, il s’agira surtout d’être attentif en classe, de veiller aux biens-êtres des élèves et de faire attention aux moindres changements de comportement pouvant alerter : repli sur soi ; baisse des résultats scolaires ; baisse de motivation ; isolement, etc.
La plus grande difficulté que l’on rencontre dans la gestion du dispositif Phare et le déploiement de la MPP, une fois une situation remontée, c’est la coordination. Dans mon collège, nous sommes deux à coordonner le dispositif.
Lorsqu’un cas nous est rapporté, nous demandons à nos collègues de l’équipe ressource qui est disponible pour prendre en charge les élèves. Nous répartissons ainsi les situations en fonction des disponibilités. Nous utilisons le forum de notre ENT pour communiquer sur les différents cas et suivre les situations.
Mes collègues se sont chacun positionnés pour savoir :
Dans le cas où la situation ne parvient pas à être réglée sous quelques semaines, et qu’elle perdure, nous concluons que pHARe ne fonctionne pas et redirigeons les élèves vers la direction, où une sanction peut-être posée. Mais généralement, comme il s’agit de situations prises tôt, elles se règlent d’elles-mêmes grâce aux entretiens.
Si vous souhaitez participer au dispositif pHARe :
Si une situation de harcèlement scolaire est avérée, il conviendra d’abord d'accueillir la parole de la victime (dite "cible" dans le cadre de la MPP). Il arrive souvent que, par honte, par peur, ou par pudeur, les cibles aient du mal à parler.
Dans le cadre d’un entretien de méthode de préoccupation partagée, il s’agira avant tout de :
Il est recommandé que la parole de la cible soit reçue par une personne formée à l’écoute, ayant du temps devant elle. Il est important d’être à l’écoute et de faire attention aux mots employés.
Par exemple, on évite de dire :
À la place, on peut plutôt dire :
Les entretiens avec les intimidateurs sont courts. Ils peuvent se succéder sur plusieurs semaines, durant lesquelles on est amenés à les revoir à plusieurs reprises. L’objectif est d’adopter une posture non blessante et de non jugement, afin de les inciter à développer de l’empathie pour la cible et à être des acteurs de la solution.
Pour cela, on procède généralement ainsi :
Si vous prenez en charge les élèves intimidateurs, vous devrez :
Prendre en charge une situation de harcèlement est une chose, tenter d’endiguer le phénomène du harcèlement en est une autre. Pour espérer le faire reculer, il convient surtout de sensibiliser tous les élèves à la question du harcèlement scolaire et surtout au développement de l’empathie. Cela peut passer par différentes choses :
L’objectif est de faire prendre conscience aux élèves qu’ils/elles ont tous un rôle à jouer et qu’il ne s’agit pas d’être des témoins passifs. Ils doivent prendre conscience que se moquer, frapper, insulter, isoler, ce n’est pas normal, et qu’il faut aider les victimes au lieu de soutenir les harceleurs.
La Méthode de préoccupation partagée n’est pas révolutionnaire, dans le sens où elle ne permet pas de régler toutes les situations de harcèlement. Parfois, on peut avoir l’impression que nos actions sont inutiles, que les élèves ne comprennent pas, mais dans les faits, elle permet quand même de régler certaines situations. Plus la méthode est mise en œuvre tôt, plus on a de chance d’endiguer une situation avant qu’elle ne devienne trop grave.
Il arrive aussi que, parfois, une situation que l’on suivait devienne plus grave et qu’on s’en veuille. Ou que l’on ne repère pas un élève qui souffre. Malheureusement, cela arrive. Nous ne sommes pas des superhéros. On reste humains, mais on fait de notre mieux. Vous ferez de votre mieux.
Au Danemark, la méthode Fri For Mobberi (à savoir “libéré du harcèlement” en danois), est devenue un modèle dans la prévention et la gestion du harcèlement dans les écoles, les lieux de travail et au-delà.
Découvrez à ce sujet l'entretien ÊtrePROF avec Margot Neuvialle, coordinatrice du projet à la ligue de l’enseignement de Paris et Julien Garbarg Chenon, directeur du service Éducation Culture à cette même Ligue de Paris :
Caroline Peiffer, professeure d’histoire-géographie-EMC en collège depuis 2018 et référente pHARe
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