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6 pistes concrètes pour faire face à la violence d’un élève

Élodie Mirow
5 juin
5 mn

“Je me suis retrouvée face à un élève qui hurlait, jetait des chaises, et frappait ses camarades. Je ne savais pas quoi faire. J’avais peur. Je me sentais seule. Et surtout, j’avais honte.”

Ce type de situation est malheureusement de plus en plus courant dans nos écoles... Et pourtant, rien ne nous y prépare vraiment. Quelle posture adopter ? Quelles démarches enclencher ? À qui en parler ? Peut-on encore enseigner dans ces conditions ? 

Derrière cette violence, il y a un enfant en détresse. Mais il y a aussi une classe à protéger. Et un·e enseignant·e qui s’épuise.

Je n’oublierai jamais cette année-là. Une année où j’ai failli tout arrêter. Parce qu’un élève en grande souffrance exprimait sa détresse par une violence physique et verbale quotidienne. Parce que je ne savais plus comment faire. J’avais peur. Peur pour les autres élèves. Peur pour moi. Peur de mal faire. Et surtout, je me sentais seule.

Vous êtes nombreux à vivre ou avoir vécu ce type de situation. Cet article est là pour vous, pour vous donner des repères, des actions concrètes à mettre en place immédiatement et des pistes pour anticiper les crises. 

Que vous soyez enseignant·e débutant·e ou expérimenté·e, en maternelle ou en élémentaire, vous trouverez ici des outils testés sur le terrain, sans solutions miracles, mais avec de vrais leviers d’action.

Étape 1 - Sécuriser immédiatement : protéger les élèves et vous protéger

Il était 10h45. Je rejoignais ma collègue en récréation, après un appel téléphonique, en panique : 

"Il m’a étranglée en tirant sur mon écharpe." 

J’ai vu ses mains trembler. Derrière elle, l’enfant courait en hurlant, courrait après les autres enfants pour les coincer et les étrangler à leur tour. J’ai réussi à l’isoler dans la classe. 

J’étais en mode “urgence”, le cœur battant à 100 à l’heure. J’ai pris mon téléphone. J’ai appelé les pompiers alors qu’il jetait tout ce qu’il y avait autour de lui en hurlant…

Que faire ? Les bons gestes pour sécuriser

1) Lorsqu’un élève entre dans une crise de violence, la priorité absolue est de sécuriser tout le monde. Cela signifie faire sortir les autres enfants immédiatement ou rentrer selon la situation, dans le calme, et éloigner l’élève en crise si cela est possible sans contact physique. Les élèves sont pris en charge par une Atsem, un collègue, la direction, etc.

2) Il est essentiel de ne jamais rester seul·e : appelez un·e collègue ou la direction en renfort. Vous pouvez envoyer des élèves chercher de l’aide au besoin. Si la situation vous semble hors de contrôle ou que des personnes sont mises en danger, appelez les pompiers (18). Ce n’est pas un aveu d’échec, c’est un acte de protection pour tous. 

3) Une fois la crise passée, pensez à remplir une fiche RSST dès le jour même : ce document, souvent méconnu, entraîne une réponse obligatoire de la hiérarchie. 

4) Enfin, votre direction doit compléter un fait établissement de niveau 2 pour alerter l’inspection avec un récit des faits de la journée.

action !

Étape 2 - Enclencher une équipe éducative en urgence

J’ai longtemps cru que je devais “gérer seule”, être forte, faire face. Mais après trois crises violentes, une collègue m’a dit

"Tu n’as pas à porter ça seule. C’est à toute l’équipe de réagir."

Elle avait raison. Ce n’est qu’en réunissant le Rased, l’IEN, les partenaires extérieurs, que j’ai commencé à respirer à nouveau.

Que faire ?

1) Dans les jours qui suivent une crise, il est indispensable de réunir une équipe éducative en urgence. Pour cela, avec le directeur, prenez contact avec votre IEN dès que possible, en expliquant clairement la gravité de la situation.

2) Lors de la réunion, veillez à réunir un maximum de personnes impliquées dans la scolarité de l’enfant : direction, parents, enseignant·e, membres du Rased, éventuellement un éducateur ou un partenaire médico-social si l’enfant est déjà suivi. 

L’objectif est de trouver collectivement des solutions : définir un protocole de gestion de crise, envisager des aménagements, décloisonnement, prise en charge par l’équipe mobile appui et d'accompagnement (EMAA), le réseau PAS, l’aide d’une conseillère pédagogique départementale ou même une information préoccupante voir un signalement si la situation l’exige. 

Ce moment de dialogue est fondamental : il rappelle que vous n’êtes pas seul·e et que l’élève est la responsabilité de toute la communauté éducative. L’objectif de la réunion étant bien de trouver des solutions pérennes pour que l’enfant puisse poursuivre sa scolarité de manière apaisée. Elle est aussi faite dans l’objectif de revenir à un climat de classe serein pour TOUS les élèves et les professionnels.  

action !

Étape 3 - Prendre soin des témoins et de soi-même

Un de mes élèves m’a dit après une crise : 

“Maîtresse, j’ai cru qu’il allait te tuer.” 

Il avait 6 ans… Moi aussi, j’étais en état de choc. Les jours suivants, j’ai dormi d’un œil, j’étais tendue, j’avais l’impression de ne plus être une bonne enseignante. Il m’a fallu du temps et du soutien pour me remettre.

Que faire ?

On parle souvent de l’élève violent, mais rarement de ceux qui assistent aux scènes… et de nous, les adultes qui les vivons de plein fouet. 

1) Après un épisode de violence, il est important de protéger les témoins. 

2) Faites appel au Rased pour intervenir en classe, échanger avec les élèves, apaiser. La psychologue ou l’un des membres sera présent pour recueillir les paroles des élèves, répondre à leurs questions… 

Le Rased sera également un appui pour vous afin de prendre du recul sur “l’état” de vos élèves. Vous pourrez écouter, observer pour mieux accompagner.  C’est eux qui pourront expliquer aux élèves pourquoi ils sont présents, ce qu’ils peuvent apporter et comment va se passer la suite…

3) Côté parents, n’attendez pas que la rumeur fasse son œuvre : informez avec calme et clarté.

et vous, dans tout ça ?

Étape 4 - Identifier les leviers d’action à l’échelle de l’école

Malgré toutes nos tentatives, les crises revenaient. À chaque fois plus fortes. Lors de l’équipe éducative, la famille elle-même a exprimé son désarroi. 

Finalement, avec l’IEN, un changement d’école a été proposé. L’élève est parti ailleurs, dans une autre école. Il a retrouvé une forme de stabilité, car il n’avait plus auprès des élèves, des personnels, ou des familles l’image du méchant. Il a pu repartir sur de bonnes bases, avec une nouvelle image à donner. 

Comment aménager la scolarité de l'élève ?

Lorsque la situation devient chronique et met en péril la sécurité de tous, il faut oser adapter la scolarité de l’élève concerné. Cela peut passer par :

  • une scolarisation à temps partiel ;
  • un emploi du temps spécifique plus flexible ;
  • un décloisonnement ;
  • un contrat de comportement ;
  • de la différenciation, un matériel spécifique ;
  • un PPRE ;
  • voire une suspension temporaire (jusqu’à 5 jours, décision de la direction).

 

Ces choix doivent être discutés et actés lors des équipes éducatives, en lien avec l’IEN.

Et si aucune amélioration n’est constatée malgré les aménagements ?

Étape 5 - Adapter l’environnement pour prévenir les débordements

Un élève que j’ai accueilli ne supportait pas les temps de copie. Il se crispait, montait petit à petit en pression, puis explosait. J’ai fini par supprimer ce moment pour lui. À la place, je lui proposais des dictées à l’ardoise ou des enregistrements vocaux. Et tout a changé…

Prévenir vaut mieux que guérir. Depuis cette expérience, j’ai profondément modifié mon environnement de classe. J’ai introduit la classe flexible, un coin de repli/retour au calme, objets sensoriels, timer visuel, et j’autorise les élèves à prendre des pauses même pendant les temps d’apprentissages.

Identifier les déclencheurs des crises selon les enfants 

Fatigue, bruit, frustration, surcharge cognitive… Pour cela, il faut observer très finement l’enfant sur plusieurs journées. Cela demande du temps, de la souplesse, mais ça fait une vraie différence. J’ai investi dans des fidgets, des casques anti-bruit, des isoloirs, accessibles à tous. 

Les élèves en difficulté comportementale les utilisent, mais aussi d’autres, plus discrets, qui en tirent aussi un grand bénéfice. Ce sont de petites choses, mais elles changent l’ambiance d’une classe. Finalement, cette situation m’a fait grandir professionnellement mais de manière trop douloureuse.

Conseil 6 - Comment soutenir un collègue en détresse ?

Un jour, une collègue a quitté sa classe en larmes. Elle n’en pouvait plus. J’ai pris l’élève avec moi, pendant qu’une atsem gérait le reste du groupe. Juste une heure. Juste le temps qu’elle respire, qu’elle reprenne ses esprits. Ce n’est rien, et c’est énorme.

Comment être le relais quand il ou elle n’y arrive plus ?

Quand on est témoin d’un collègue qui lutte avec un élève violent, le silence est destructeur. N’attendez pas qu’il demande de l’aide : proposez. 

1) Écoutez. Soutenez. Encouragez à alerter la direction, l’inspection, à remplir un RSST, à demander une équipe éducative. 

2) Prenez l’élève en décloisonnement une heure si vous le pouvez. Ce sont ces gestes simples qui font qu’un·e collègue ne s’effondre pas.

3) Rappelez-lui qu’il ou elle n’est pas seul·e. Que ce n’est pas “sa faute”. Qu’on ne peut pas tout porter. Et que parfois, le plus grand des soutiens, c’est une main posée sur l’épaule et ces mots-là : “Je suis là.”

La violence n’est jamais acceptable. Jamais. Et cela ne dépend ni de l’âge, ni du handicap, ni de la situation de l’élève. Ce que vous vivez est grave. Ce n’est pas à vous seul·e d’y répondre. La protection de tous doit être l’affaire de toute la communauté éducative.

Vous n’êtes pas seul·e. Ce que vous vivez est dur. Mais vous n’êtes pas responsable de tout. Protégez-vous. Agissez. Osez demander de l’aide. Et surtout, rappelez-vous : vous avez le droit d’exercer votre métier dans un climat apaisé.

Retrouvez en complément de cet article la fiche-outil à télécharger pour construire pas à pas un protocole de crise pour l'école :

 

Élodie Mirow, professeure des écoles et directrice depuis 2016 @hello_teacher_elo

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