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Dysorthographie : comment aider nos élèves ?

Émilie Kalifa
19 septembre
5 mn

La dysorthographie, trouble spécifique de l'apprentissage de l'orthographe, est un défi pour de nombreux élèves. Présente chez environ 5 à 10 % des enfants, elle peut entraver la réussite scolaire et l'estime de soi. Comment la repérer ? Quelles sont les adaptations efficaces ? Dans cet article, je vous propose de mieux comprendre ce trouble dys et ses manifestations pour trouver la meilleure façon d’aider nos élèves dysorthographiques.

Qu'est-ce que la dysorthographie ?


Définition

La dysorthographie est un trouble spécifique du langage écrit qui se manifeste notamment dans l’apprentissage de l'orthographe. Elle se caractérise par des difficultés persistantes et durables dans :

  • l'acquisition et la maîtrise des règles orthographiques ;
  • la mémorisation du lexique orthographique.
     

Ces freins à l’acquisition de l’orthographe sont marqués par :

  • des difficultés à mémoriser la bonne orthographe des mots même s'ils sont fréquents ;

félicite, fait licite, leçon, lesson

  • des difficultés à mémoriser la bonne orthographe des mots même si la règle grammaticale a été apprise ;

adapter, adaptez, adapté, adaptée, adaptés

  • des confusions auditives ou visuelles ;

vrai, frai, croupe, groupe

  • des confusions de genre et de nombre ;

Je vois des femmes sur cette image. Il est en train de …

  • des omissions ou erreurs de segmentation.

aujourd’hui, ojourdui, tout à l’heure, toutaleur

La dysorthographie est un trouble qui n'est pas du tout lié à un déficit intellectuel, mais à une altération des fonctions cognitives dont l’origine n’est pas déterminée à ce jour.

Éclairage :  dyslexie et dysorthographie
 

D'après les études, dans deux tiers des situations, les enfants dysorthographiques souffrent également de dyslexie.  La dyslexie est un trouble de la lecture qui se caractérise par des difficultés dans la conversion graphème-phonème, la voie phonologique, et la compréhension du texte. La dyslexie phonologique est la forme la plus courante, mais il existe aussi la dyslexie lexicale.

TSLE, TSLA, DYS, TND

La dysorthographie fait partie des troubles spécifiques du langage écrit (TSLE), eux-mêmes intégrés dans la grande famille des troubles spécifiques du langage et des apprentissages (TSLA), communément appelés « DYS ». Ce sont tous des troubles neurodéveloppementaux (TND).

Le guide simple et pratique sur les TSLA
 

L'Agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur, en collaboration avec le dispositif Résodys, les Académies d'Aix-Marseille et de Nice, les représentants des professionnels de la santé et de l'éducation, ainsi que les associations de familles, a élaboré un guide incroyable sur les troubles dys : simple et pratique.

Il est destiné aux parents, enseignants, AESH ou toute autre personne qui intervient auprès des enfants en âge d'être scolarisé.

Le guide fournit des conseils pour identifier les TSLA en fonction de l'âge, ainsi que des précisions sur les expertises et la prise en charge de chaque professionnel de santé. Une véritable mine d'information. Consulter le guide sur paca.ars.sante.fr

Comment savoir si un élève souffre de dysorthographie ?


Les signes d'alertes

Plusieurs indices peuvent alerter les enseignants sur la présence d'une dysorthographie chez un élève :

  • des fautes d'orthographe fréquentes, persistantes et non systématiques, dans les écrits dictés ou spontanés (production d'écrit, invitation ou message personnel, dictée...) ;
  • des difficultés à mémoriser les règles orthographiques et à les appliquer de manière cohérente ;
  • des hésitations et une lenteur dans l'écriture, liées à la recherche et à la vérification des mots ;
  • une fatigue importante lors des exercices d'écriture, pouvant entraîner un découragement et une perte de confiance en soi ;
  • une réticence à écrire, voire un refus ;
  • la persistance de ces difficultés, et ce malgré les remédiations pédagogiques.

     

Précisions
 

Les erreurs d’orthographe ne sont pas liées à un travail trop rapide ou à une mauvaise relecture. En effet, il est courant de penser que si l’élève se relit ou s’il fait un effort, alors il fera moins de fautes. Ce n’est pas aussi simple dans le cas des enfants dysorthographiques.

Les outils de repérage

Pour repérer une dysorthographie, il est important d'observer l'élève lors des exercices d'écriture, de dictée et de copie, et de prendre en compte les signes d'alertes. En cas de doute, il est possible de demander conseil auprès des collègues au sein de l’établissement ou du RASED pour les enseignants du premier degré.

Les outils de repérage des TSLA destinés aux enseignants sont également de très bons indicateurs. Ils sont facilement accessibles et rapides à mettre en œuvre. Je les ai détaillés dans l’article sur les TSLE et en remets ici les intitulés :

  • REPER CE1, le test pour évaluer les difficultés de type phonologique en niveau CE1 ;
  • REPERDYS, l'examen pour évaluer précisément les compétences en lecture et en orthographe des élèves de CM1 et CM2 ;
  • ROC, l’outil de repérage orthographique de fin de cycle 3 et début de collège ;
  • Identidys, une échelle d’aide au repérage des troubles dys, catégorie C « langage écrit ».

 

Enfin, il est recommandé de prendre rendez-vous avec la famille afin d’évoquer le sujet avec tact et mesure.

Préparer le rendez-vous avec la famille d’un élève possiblement DYS

Nous avons identifié des freins durables et persistants dans les apprentissages, malgré les séances d’APC et les efforts fournis par Ines. Nous ne sommes pas médecins, cependant, nous avons un rôle à jouer dans le repérage des troubles des apprentissages. Nous avons utilisé un outil pédagogique de repérage et nous vous transmettons les résultats.

Avez-vous aussi observé des difficultés en écriture ou en lecture chez Ines depuis sa scolarité ? 

C’est ensuite à la famille de faire le choix d’un diagnostic médical ou non, en faisant d’abord appel à son médecin généraliste ou pédiatre qui la guidera dans les bilans à réaliser. 

Poster : Conseils pour une communication efficiente avec les familles

 

Le diagnostic

Le diagnostic de la dysorthographie est posé en collaboration entre le médecin de l’enfant et le rééducateur spécialiste du trouble du langage, l’orthophoniste. Psychomotricien, ergothérapeute, psychologue clinicien et neuropsychologue peuvent également être sollicités. Dans le cas d’un diagnostic plus complexe, l'évaluation pluridisciplinaire est coordonnée par un médecin spécialisé dans les TSLA.

Comment aider un élève dysorthographique ?


Témoignage d'un enfant dysorthographique

La dysorthographie peut être vécue comme un véritable handicap au quotidien, notamment à l'école. Les élèves dysorthographiques peuvent se sentir en échec, découragés et isolés. Voici le témoignage d’Ines, 10 ans, atteinte de dysorthographie :

L'orthographe, pour moi, c'est un casse-tête. Je m'entraine mais je perds tout le temps, je ne sais pas quelle stratégie appliquer, quel mot choisir. Je fais des fautes d'orthographe, encore et encore, même sur des mots que j’ai appris par cœur. Mes camarades se moquent de moi quand je vais au tableau, et les maîtresses me disent que je ne fais pas assez attention. Pourtant, je travaille et je veux vraiment réussir. Parfois, j’ai envie d’abandonner. J'aimerais juste qu'on reconnaisse mes difficultés et mes efforts. 


La posture enseignante avec un élève DYS

En tant qu’enseignant, on a tendance à se dire que l'entraînement et la concentration permettent d’acquérir les compétences. Si un enfant fait des fautes d’orthographe, alors on va y remédier avec plus de travail autour de la dictée, des règles orthographiques et grammaticales, des apprentissages de mots. Malheureusement, cela ne fonctionne pas avec les élèves qui souffrent de troubles dysorthographiques. Cela ne fera que les fatiguer et renforcer leur sentiment d’échec, malgré une bonne volonté et un travail acharné.

Il n’y a pas de guérison et la rééducation orthophonique n’est pas de notre ressort. Alors que faire ? En tant qu’enseignant, notre défi est de savoir lâcher-prise. Il faut accepter la neuroatypie, accueillir la neurodiversité, comme l’explique avec justesse et sans jugement Isabelle Ducos-Filippi, autrice de “Accompagner les élèves DYS, c’est possible !”.


Rampes cognitives pour élèves dys en primaire et dans le secondaire

Plusieurs moyens d'accompagnement peuvent être mis en place pour aider un élève dysorthographique, notamment en réfléchissant aux aménagements pédagogiques et à la valorisation de ses compétences. Mais avant d’en faire la liste, il est essentiel de rappeler l’objectif de ces adaptations : permettre à l’élève dysorthographique d’accéder aux apprentissages, en proposant une compensation au regard de ses freins, pour favoriser sa réussite scolaire.

Dysorthographie et troubles associés
 

Il est important de retenir que la dysorthographie peut être associée à la dyslexie ainsi qu’à d'autres troubles, tels que la dysgraphie ou les troubles déficit de l'attention (TDA, TDAH). Dans ce cas, une prise en charge pluridisciplinaire est recommandée.

Exemples d’adaptations pour enfants dysorthographiques

La mise en place des rampes cognitives adaptées à nos élèves permet d’éviter la surcharge et de favoriser leur motivation. Voici quelques idées d'aménagements pédagogiques à tester en fonction des besoins, de votre organisation et du matériel disponible :

  • autoriser les dictées à l’adulte pour verbaliser les réponses à l’oral ;
  • permettre l’utilisation d’un aide-mémoire ou d’un dictionnaire de correspondance entre les sons et les lettres, comme Eurêka ;
  • intégrer des assistants pédagogiques et technologiques conçus pour proposer des parcours adaptés et bénéfiques pour toute la classe, comme l’application Plume ;
  • mettre à disposition un ordinateur ou une tablette avec traitement de texte et correcteur orthographique ;
  • donner les leçons imprimées, via l’ENT ou sur une clé USB ;
  • encourager la prise de note sous forme de carte mentale, ou toute autre manière visuelle ;
  • prévoir et autoriser un supplément de temps ;
  • recentrer l’énergie des élèves sur leur message, le sens de ce qu’ils veulent écrire, plus que sur la forme.
     

Côté profs, on peut penser à : 

  • utiliser des craies ou des feutres de couleur différente pour chaque ligne écrite au tableau ;
  • ne pas effacer le tableau sans nous assurer que toute la classe a terminé de copier ;
  • proposer des livres de lecture qui existent en version Dys ;
  • prévoir l’enregistrement audio des lectures imposées pour permettre des alternatives complémentaires à la lecture.
     

Merci à Francedyslexia pour ce judicieux rappel.

5 idées d’activités ou de ressources pour aider les enfants dysorthographiques

1. Jeu de cartes
 

Sonodingo, Asmodée éditions, pour jouer avec 76 syllabes phonétiques.
 

2. Cahier d'orthographe facile


Adapté aux enfants dysorthographiques, éditions Hatier, pour remédier à la dysorthographie avec des fiches d’aides visuelles en français.

3. 100 idées pour venir en aide aux élèves dysorthographiques 


Un recueil d'idées, aux éditions Tom Pousse, imaginé par Monique Touzin.

4. 50 activités bienveillantes pour les dys, 


L’ouvrage indispensable d'activités pratiques et adaptées, aux éditions Larousse, écrit par Françoise Chée.

5. Dyslexie et dysorthographie, la boîte à outils 


Le livre pour parents et intervenants, aux éditions de Mortagne, conçu par Annie Tessier, orthopédagogue et Priska Poirier, enseignante.

 

La dysorthographie, trouble spécifique de l'apprentissage de l'orthographe, peut être un véritable frein à la réussite scolaire des élèves qui en souffrent. En tant qu'enseignant, il est important de savoir la repérer, de proposer des moyens d'accompagnement adaptés, et de favoriser des activités qui permettent à ces élèves de s'épanouir et de progresser. Ensemble, nous pouvons aider les élèves dysorthographiques à (re)trouver le plaisir d’apprendre à l’école et la force de croire en eux.


Émilie Kalifa, professeure des écoles depuis 2018

SOURCES

:

27 profs ont trouvé ce contenu utile

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Commentaires

  • Sion Rita — 8 juin

    Merci à vous.

  • clara — 9 juin

    Bonjour, je suis orthopédagogue (Québec). Pour aider mes élèves qui ont un trouble d’apprentissage de l’écriture, je leur enseigne les régularités orthographiques. Lorsqu’on découvre avec les enfants les régularités orthographiques, ils sont bien heureux de constater qu’ils n’ont plus à apprendre les mots isolément. Leur motivation augmente lorsqu’ils comprennent qu’il leur suffit d’apprendre la régularité pour mémoriser une quantité importante de mots. Si vous souhaitez voir les 50 régularités orthographiques que je présente aux élèves, je vous invite à visiter le site web Découvrons l’orthographe. Si vous souhaitez voir les fondements théoriques de mon approche pédagogique, je vous invite à visionner les vidéos dans le menu « Communauté ». Vous y trouverez aussi les stratégies que je suggère pour faciliter la répétition espacée (activités de réactivation et dictées réflexives). Vous pouvez aussi suggérer à vos élèves de faire les jeux que vous trouverez sur mon site web (gratuits).

  • Coline ÊtrePROF — 21 juin

    Merci Rita, merci Clara pour vos conseils avisés !

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