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5 conseils pour préserver sa voix de super prof

Sophie Defour
16 septembre
6 mn

Je suis professeure de lettres modernes et mes problèmes de voix ont débuté assez tôt dans ma carrière. J’ai commencé mon métier gonflée d’enthousiasme et d’envie : j'ai été affectée pour mon premier poste à quelques kilomètres de chez moi, ce qui était idéal, surtout pour éviter la région parisienne.

J’ai découvert l’établissement durant l’été : un petit collège de 500 élèves, et comble du bonheur, je connaissais déjà un enseignant en poste là-bas. L’équipe était jeune et dynamique, et je me suis rapidement intégrée. Cependant, dès la première heure de cours, la réalité du métier m’a rattrapée : classe dissipée, élèves qui me testent à chaque phrase.

La voix, notre outil principal, est souvent mise à rude épreuve sans qu’on en mesure toute son importance. Avant d'adopter des solutions efficaces, il est crucial de reconnaître les signes précoces de problèmes vocaux et de prendre pleinement conscience de l'impact de notre voix dans notre profession. 

Voici 5 conseils pour identifier et comprendre les premiers signes de fatigue vocale, afin de préserver votre voix et d'assurer une carrière longue et saine !

Conseil 1 - Identifier les signes d'alerte de problèmes vocaux

J’ai toujours rêvé de faire ce métier et je me trouvais investie d’une mission que j’avais à cœur de mener du mieux que je le pouvais. J’ai donc suivi l’exemple de mes pairs. J’ai instauré un cadre strict, j’ai beaucoup crié sur mes classes, j’ai haussé le ton sur beaucoup d’élèves qui me tenaient tête. 

Ma gorge me brûlait, mais je continuais tout de même. De toute façon, petite, j’avais eu beaucoup d’angines. Je me savais fragile de ce côté, et puis un enseignant sollicite forcément sa voix, non ? Donc vaille que vaille, j’ai continué malgré les brûlures, la voix qui se perd en fin de phrase, les aphonies pendant les vacances, l’envie de ne voir personne en rentrant chez moi le soir, pour n’avoir rien à raconter de mes journées épuisantes. 

J’étais convaincue que le silence en classe serait mon pire ennemi, convaincue que les élèves attendaient que je parle durant une heure, convaincue que j'étais en représentation et que, coûte que coûte, il devait m’écouter puisque j’avais tellement de choses importantes à leur apprendre. 

J’ai continué à parler par-dessus mes élèves, à couvrir le bruit de mes voisins-collègues, à hurler sur Enzo qui a passé son année à me tester et tant d’autres… J’ai poursuivi mes lectures théâtrales à chaque heure de cours, les dictées que j’efforçais d'extraire péniblement de mes cordes vocales… 

Et puis, en 2010, en décembre, ma voix est partie. Tout simplement. Je pouvais chuchoter, mais rien de plus. Mon médecin traitant m’a placée en arrêt maladie pendant un mois et m’a conseillé d’aller voir un médecin ORL et une orthophoniste. C’est à ce moment-là que mon odyssée de prof enthousiaste sans voix a débuté…

La clé d'une prévention efficace réside dans la capacité à identifier rapidement les premiers signes de problèmes vocaux et à agir sans délai.

 Après tout, notre voix est notre super-pouvoir en classe ! Elle passe avant le cartable en cuir, l’agenda dernier cri, le stylo parfait et même les piles de copies à corriger. Sans une voix en pleine forme, tout le reste devient secondaire.

pour comprendre...

Les signes d'alerte à ne pas ignorer 

  • Sensation de brûlure ou de "déchirure" dans la gorge lors de la parole.
  • Besoin constant de s'éclaircir la gorge. Racler sa gorge est extrêmement mauvais pour les cordes vocales, cela les irrite et favorise l’inconfort au quotidien.
  • Voix qui "lâche" ou qui devient inaudible par moments. On ne reste pas aphone sans consulter son médecin traitant. Il pourra éventuellement vous orienter auprès d’une orthophoniste spécialiste de la voix qui vous apprendra à “poser” votre voix ou d’un médecin phoniatre qui pourra effectuer une laryngoscopie seul véritable examen qui permet de voir en détail l’état de vos cordes vocales.
  • Fatigue vocale extrême après une journée de cours.
  • Difficultés à parler pendant de longues périodes.
  • Changement de timbre persistant : voix plus grave ou plus aiguë que d'habitude.

 

Si vous remarquez l'un de ces signes persistant plus de deux semaines, il est important de consulter un professionnel de santé, idéalement un médecin phoniatre, ou un ou une orthophoniste spécialisée dans les troubles de la voix. En étant attentif ou attentive à ces signes et en agissant rapidement, vous pouvez prévenir l'aggravation des problèmes vocaux et maintenir une voix saine tout au long de votre carrière.

action !

Conseil 2 - Évaluer son environnement de travail

Dans mon collège de centre-ville, j'ai été confrontée à une classe de 5ème assez compliquée à gérer, avec des élèves qui passaient leur temps à me tester. La plupart étaient en grande difficulté, et je n'avais aucune conscience des problématiques sociales qui les entouraient. J’étais là pour leur enseigner le français, et je pensais que ma voix serait suffisante pour capter leur attention.

Ma salle de classe, spacieuse et aérée, était disposée en autobus, ce qui favorisait les bavardages. En effet, comment aurais-je pu maîtriser le bruit ambiant, moi perchée sur mon estrade ? À côté, ma collègue de français, avec sa voix puissante, couvrait souvent mes efforts. Les cris permanents créaient en moi un stress et une angoisse qui m'incitaient à crier encore plus fort pour me faire entendre.

Un environnement bruyant peut entraîner des interruptions fréquentes, vous obligeant à recommencer souvent vos phrases. Vous aurez aussi tendance à parler plus fort pour vous faire entendre. Cette augmentation du volume sollicite davantage les cordes vocales, ce qui peut entraîner une fatigue vocale accrue et, à long terme, des problèmes vocaux plus sérieux. 

Quant au stress et au bruit ambiant, ils peuvent provoquer une tension musculaire générale, y compris dans la zone du cou et de la gorge. Cette tension peut affecter la qualité de la voix et contribuer à la fatigue vocale. Un environnement stressant peut conduire à une respiration plus rapide et superficielle. 

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Conseil 3 - Identifier les habitudes vocales néfastes 

Ma première heure de cours avec cette classe de 5ème a été marquée par une tension palpable. J'ai passé l’heure à présenter le programme, à expliquer le matériel à apporter, tout en tentant de discipliner les élèves qui ne m'écoutaient pas. 

Un élève en particulier, Enzo, a été un véritable défi. Après lui avoir confisqué son carnet, je lui ai expliqué calmement que son attitude n’était pas acceptable. Bienveillante, je lui ai rendu son carnet vierge, mais sur le pas de la porte, il s’est retourné et m’a lancé : “À demain, Sophie.” J’ai explosé de colère, criant à pleins poumons, sans réaliser que cela ne ferait qu’aggraver la situation.

L'incident avec Enzo (et avec d’autres), où j'ai fini par crier de frustration, n'était que la pointe de l'iceberg. En réfléchissant à ma pratique, j'ai identifié plusieurs catégories d'habitudes qui nuisaient à ma santé vocale. Ces habitudes, accumulées au fil du temps, ont fini par avoir un impact significatif sur ma santé vocale. Je me suis rendu compte que chacune d'entre elles contribuait à la fatigue de mes cordes vocales et augmentait le risque de problèmes à long terme.

Habitudes de gestion de classe 

  • Parler fort constamment pour couvrir le bruit ambiant.
  • Parler sans interruption pendant de longues périodes.
  • Répéter les consignes plusieurs fois en haussant progressivement le ton.
  • Utiliser ma voix comme principal outil de discipline (crier, gronder).

 

Habitudes d'hygiène de vie 

  • Négliger l'hydratation pendant la journée.
  • Consommer trop de café et de boissons déshydratantes.
  • Dormir insuffisamment, ce qui affecte la qualité de la voix.

 

Habitudes liées à la technique vocale 

  • Respirer de manière superficielle, par la poitrine plutôt que par le diaphragme.
  • Parler avec une posture tendue (épaules relevées, cou contracté).
  • Ne pas échauffer ma voix avant les cours ! Qui se lancerait sans échauffement pour courir un marathon ?
  • Ignorer les signes de fatigue vocale et continuer à forcer.

 

Habitudes environnementales 

  • Ne pas adapter mon volume à l'acoustique de la salle.
  • Ignorer les facteurs environnementaux comme la poussière de craie ou l'air sec.

 

Il est crucial d'identifier ces comportements et de les corriger pour préserver notre voix. En prenant conscience de ces habitudes, j'ai pu commencer à travailler sur chacune d'elles. Par exemple, j'ai appris à utiliser des techniques non-verbales pour attirer l'attention des élèves plutôt que de crier. J'ai également commencé à faire des pauses vocales régulières et à boire plus d'eau tout au long de la journée.

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Conseil  4 - Comprendre l'impact du stress sur la voix

La salle des profs, c’est 10 minutes durant lesquelles les profs déversent tous leurs griefs, tous les problèmes de la matinée ou de l’après-midi, toutes les informations de l’établissement en un temps record. Il y a un bruit digne d’un stade de foot et… la machine à café. 

Si tu es prof principal d’une classe, c’est à cet endroit que tes collègues te débusqueront et te feront la liste de tout ce que Dylan, Melissa et Anna leur ont fait pendant son cours. C’est là que les membres du CA te retrouveront pour te parler des réponses aux dernières questions posées. C’est dans cet espace que Christine la prof d’anglais se mettra à pleurer parce qu’elle n’en peut plus des 6ème C… Et c’est là que tu dois être en pause… 

Comme souvent, tu as oublié de faire tes photocopies, tu t’en aperçois 5 secondes avant la sonnerie. Tu jettes ta tasse de café dans l’évier, tu cours jusqu’à ta salle, récupère la feuille, cours jusqu’à la photocopie. Bien entendu, la sonnerie a retenti depuis 5 bonnes minutes. Tu descends chercher tes élèves tout à fait reposée et ragaillardie par tes dix minutes de pause !

Pour la cantine, nous sommes à peu près dans la même ambiance même si elle peut être un peu plus légère, malheureusement, ces derniers temps, les groupes de niveaux ont créé des débats bien houleux…. Difficile d’avoir des moments de calme dans cet environnement débordant de vie.

Le stress peut avoir un impact significatif sur la santé vocale. Apprendre à gérer le stress est essentiel pour préserver sa voix. Si notre corps est tendu, notre gorge l’est aussi et donc on force sur nos cordes vocales

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Conseil 5 - Reconnaître l'importance de la santé vocale

Je n’ai jamais vraiment réfléchi à ma voix. Je l’ai toujours considérée comme une partie de moi, tout comme ma main, mon pied ou mes yeux. Je suis simplement allée travailler, sans me poser de questions sur cet instrument que j’utilisais quotidiennement. Mes collègues ne semblaient pas s’en plaindre. Je devais donc moi aussi me rendre devant mes classes malgré tout ce que je ressentais. Que pouvais-je faire d’autre ? Cependant, un jour de décembre, après une semaine particulièrement éprouvante, ma voix a commencé à se briser littéralement en plein cours.

 "Madame, ça va ? Vous avez l’air fatiguée…" 

Ce jour-là, j'étais en train de parler de Victor Hugo, un auteur que j’adore, et j’étais impatiente de partager ma passion avec mes élèves. Mais, au fur et à mesure que je parlais, j’ai senti ma voix s’éteindre lentement. Cela m'était déjà arrivé, mais là, il m’était vraiment plus que difficile de parler. 

Chaque mot devenait un effort, et je voyais l’inquiétude sur le visage de mes élèves. L'un d'eux, habituellement plus que distrait, m’a regardée avec une expression de préoccupation et a murmuré : "Madame, ça va ? Vous avez l’air fatiguée." 

À ce moment-là, j’ai réalisé que ma voix, que je prenais pour acquise, était devenue un obstacle à ma capacité à enseigner. J’étais dévastée, non seulement parce que j’avais perdu ma voix, mais aussi parce que j’avais raté une occasion précieuse de transmettre ma passion. J’ai dû abandonner mes élèves en plein cours, je ne pouvais plus parler.

action !

En suivant ces conseils, vous pourrez mieux comprendre et gérer les problèmes vocaux, et ainsi préserver votre voix tout au long de votre carrière. En fin de compte, c'est comme être à l'écoute de notre meilleur outil de travail. Un peu d'attention ici, quelques ajustements là, et hop ! On se donne toutes les chances de garder une voix au top, sans stress et sans forcer. Pas mal comme plan, non ?

 

Sophie Defour, professeure de lettres modernes depuis 2008

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2 profs ont trouvé ce contenu utile

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Commentaires

  • Fabien — 19 novembre

    Merci Sophie.

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