Personnaliser vos contenus
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Lorsque ma voix m'a fait défaut (je vous le raconte ici), j'ai dû repenser entièrement ma façon d'enseigner. Ce défi inattendu s'est transformé en une opportunité de réinventer ma pédagogie, me poussant à explorer des méthodes innovantes pour transmettre ma passion pour le français.
Dans cet article, je partage avec vous 5 astuces que j'ai développées pour adapter mon enseignement à mon handicap vocal.
Ces conseils s'adressent à tous les enseignants et enseignantes, qu'ils soient confrontés à des défis similaires ou simplement désireux de diversifier leurs approches pédagogiques. Ces stratégies visent à créer un environnement d'apprentissage dynamique et inclusif, tout en préservant notre outil de travail le plus précieux : notre voix.
J'étais une enseignante passionnée. Un matin, j'ai perdu ma voix. Ce que je croyais être un problème temporaire s'est révélé une pathologie handicapante. Ma phoniatre m'a diagnostiqué une vergeture sur la corde vocale droite entraînant un forçage vocal et la formation de kyste. J'ai dû subir plusieurs opérations. J'ai suivi une rééducation vocale pendant des mois. Je devais maintenant affronter un nouveau défi : retourner au travail contre l'avis des médecins. J'avais peur de perdre ma voix à nouveau…
Après l’opération, je ne trouvais pas de réorientation satisfaisante et je ne savais pas comment enseigner sans abîmer mes cordes vocales. J'étais fragile, les médecins me déconseillaient de reprendre, mais que pouvais-je faire d’autre ? Je me suis posé 1001 questions : comment allais-je faire mes dictées ? Mes lectures de texte ? Mon explication sur le sujet inversé ?
Je me suis ouverte à mon amie CPE, qui m'a posé une question qui a tout changé : "As-tu besoin de toujours parler ? Ne peux-tu pas laisser les élèves faire des choses ?". J'ai réalisé que je pouvais repenser mon rôle d'enseignante et la dynamique de ma classe. Bien sûr que les élèves pouvaient faire un tas de choses, mais c’était leur laisser beaucoup de pouvoir… En serais-je capable ?
Au début, l'idée de laisser les élèves gérer la classe me semblait étrange et trop dangereux. Mais j’y ai bien été forcée ! J'ai donc essayé. J'ai commencé par de petites choses :
À ma surprise, les élèves ont réagi de manière extrêmement positive. Ils sont devenus plus engagés, plus responsables. J'ai vu des élèves timides prendre la parole, des leaders naturels émerger, et une atmosphère de collaboration se développer dans la classe.
Cette expérience m'a appris que mon rôle n'était pas de tout dire, mais de créer un environnement où les élèves pouvaient apprendre par eux-mêmes et les uns des autres. En adoptant cette approche, j'ai préservé ma voix et créé un environnement d'apprentissage dynamique. Les élèves sont devenus autonomes et responsables de leur apprentissage. Ce défi personnel s'est transformé en une opportunité d'innovation pédagogique bénéfique pour tous.
Comment gérer ma classe sans parler ? Comment faire taire Jérémy ? Comment impressionner Enzo et sa bande de rigolos ? Comment m'imposer sans ma voix ? Et si, finalement, il ne fallait pas s'imposer, mais comprendre pourquoi ces élèves faisaient autant de bruit ? J'ai questionné mes pratiques et exploré les comportements de mes élèves.
J'ai compris que si on répondait à leurs besoins, ils ne créaient pas de problèmes dans la classe. Mais, encore une fois, comment faire ? Je ne pouvais pas passer mes nuits à préparer des cours sur mesure pour chacun ! Il fallait donc que je fasse l'inverse : impliquer tout le monde de façon à ce que toutes et tous puissent prendre ce dont ils avaient besoin dans mon enseignement, que tous puissent s'auto-gérer, que tous puissent se faire plaisir.
De cette réflexion sont nés les défis îlots, la pédagogie par projet et la ludification de mes cours. Ces approches ont transformé ma classe en un environnement d'apprentissage dynamique et auto-géré. J'ai constaté que les élèves devenaient plus autonomes et impliqués et qu’ils adoraient ça !
Cela a également réduit les comportements perturbateurs, car les élèves étaient occupés à travailler ensemble sur des projets qui les intéressaient. Cette transformation a amélioré l'ambiance de la classe et m’a permis de continuer à enseigner malgré des cordes vocales abîmées.
Voici une liste des pratiques que j'ai mises en place :
Changer mes habitudes au quotidien :
L'objectif est de créer une transition entre l'agitation du couloir et l'ambiance de travail de la classe. Ce rituel permet aux élèves de se recentrer et de se préparer mentalement pour le cours à venir. Il offre également une structure prévisible qui peut rassurer les élèves et établir un climat propice à l'apprentissage. Il faut varier les activités au fil de l'année pour maintenir l'intérêt des élèves tout en conservant la structure du rituel.
Que faire de ces élèves qui bougent tout le temps ? Que faire de ces élèves qui ne tiennent pas en place, qui font du bruit et qui gênent les autres ? Ils sont un défi pour moi car ma voix ne me permet pas de les recentrer constamment sur l’activité en cours... Je dois aller d'îlot en îlot pour aider les élèves, mais je ne peux pas voir ce qui se passe derrière moi. J’entends ces élèves qui bougent, qui cherchent du matériel, qui se lancent des gommes, qui discutent pour trouver une règle. Le bruit de fond était constant.
Ma voix ne pouvait pas couvrir ces bruits. Je ne pouvais pas gérer les chuchotements ou les petits bruits. Il me fallait une solution pour ne pas forcer sur ma voix. Je me suis demandé pourquoi les élèves bougeaient sur leurs chaises ou se balançaient. J'ai réalisé que rester assis pendant 7 heures, avec seulement deux pauses de 10 minutes et une pause à midi, serait impossible pour moi ! Alors pourquoi devrais-je leur demander de le faire ! ?
J'ai trouvé la solution en allant rendre visite à ma collègue professeur des écoles ! La solution était là sous mes yeux : des ballons pour s’asseoir, des élastiques aux chaises, des activités autonomes… Une classe flexible ! Voilà la solution ! Il fallait que j’aménage moi aussi ma classe pour la rendre flexible.
Au début, j'étais extrêmement inquiète ! leur laisser tout ce matériel est-ce bien raisonnable ? Ce sont des ado après tout ! Et bien figurez-vous qu’ils sont plus que respectueux de tout ce qui se trouve dans la classe et qu’une relation de confiance se crée très rapidement entre eux et moi.
Cette approche a été une révolution dans ma pédagogie et dans ma relation avec mes élèves. Ils sont occupés et engagés dans leurs tâches et ne sont plus gênés par des problèmes annexes. Le bruit de fond a diminué, car ils ont la liberté de bouger et de choisir leur espace de travail. Ce système m'a permis de créer un environnement où je peux enseigner sans forcer sur ma voix. Les élèves sont plus autonomes et le climat de la classe s'est amélioré. Ma voix n'a plus besoin de couvrir le bruit, car le bruit lui-même a diminué.
Le temps est un défi constant. Je me suis vite rendu compte que je n'avais plus le contrôle du chronomètre, car mes élèves géraient leur travail. J’étais exclue de la gestion du temps. Les activités s'étiraient, et mes séquences aussi. J'ai dû trouver une solution.
Tous ces problèmes me prenaient du temps et de l’énergie : choses que je n’avais pas le luxe de perdre ! La classe inversée a résolu ces problèmes. J'ai mis tous mes cours sur le site internet que j’ai créé, Petites pépites. Cette approche a transformé ma façon d'enseigner. Les élèves accédaient aux leçons à leur rythme. Ils pouvaient revoir les concepts autant de fois que nécessaire. En classe, nous nous concentrons sur les exercices et les discussions.
Au début, j'étais inquiète. Je me demandais si les élèves consulteraient le site. Mais ils ont vite adopté cette méthode. Ils appréciaient la flexibilité et la possibilité de travailler à leur propre rythme.
Cette méthode a aussi changé ma relation avec les élèves : je passais moins de temps à dicter des notes et plus de temps à interagir avec eux. Je pouvais répondre à leurs questions et les guider dans leur apprentissage. La classe inversée a aussi résolu le problème des devoirs. Les élèves n'avaient plus l'excuse du manque de ressources à la maison. Tout était disponible en ligne.
Cette approche a demandé du travail au début. J'ai dû créer du contenu pour le site, repenser toutes mes séquences, toutes mes progressions annuelles. Mais à long terme, cela m'a fait gagner du temps et de l’énergie ! Je pouvais réutiliser et mettre à jour le contenu d'une année à l'autre.
La classe inversée, combinée au chronomètre, a créé un équilibre. Les élèves ont maintenant la flexibilité d'apprendre à leur rythme, mais aussi la structure nécessaire pour rester concentrés en classe.
Comment faire comprendre rapidement ma méthode de travail à mes élèves et les connaître pour adapter mon enseignement ? Mon objectif est toujours d'économiser ma voix, tout en créant un environnement d'apprentissage efficace.
La question se posait : comment expliquer un fonctionnement complexe de manière simple ? Le World Café et le défi îlot allaient être mes alliés ! Le World Café est une méthode où les élèves discutent en petits groupes autour de questions ouvertes. Le défi îlot consiste à regrouper les élèves en équipes pour résoudre des problèmes ou accomplir des tâches.
Ces formats impliquent les élèves dans leur apprentissage. Ils les encouragent à participer, à s'exprimer et à interagir avec leurs camarades. J'ai constaté que ces méthodes développaient des compétences comme la communication, la collaboration et la pensée critique.
Dès la rentrée, je plonge mes élèves dans mon univers. Ils comprennent que mes cours seront basés sur la collaboration, l'autonomie et la réflexion active. Ils entrent dans un apprentissage différent et ont des responsabilités dès le départ.
Le jour de la rentrée, j'arrive en classe avec tout le matériel nécessaire : des tables et des chaises disposées en îlots, des feuilles de papier type paperboard et des feutres pour chaque groupe, et un tableau pour noter les idées principales. Je prévois une à deux heures pour cette activité, selon le nombre de rotations que je souhaite faire.
Au fil du temps, j'ai affiné cette approche. J'ai créé des questions plus pertinentes, j'ai ajusté le temps alloué à chaque rotation, et j'ai trouvé des moyens de faire participer même les élèves les plus réticents.
J'économise ma voix, et je crée une dynamique de classe positive dès le début de l'année. Les élèves se sentent impliqués dans leur apprentissage et comprennent qu’en salle 208 tout va être différent !
En adoptant ces stratégies j’ai transformé mon handicap vocal en une opportunité d'innovation pédagogique. Non seulement j’ai préservé ma voix, mais j’ai aussi créé un environnement d'apprentissage dynamique et inclusif. Mes élèves développent leur autonomie, leurs compétences collaboratives, et j’ai gagné en sérénité.
Finalement, ma classe devient un orchestre bien réglé où chacun joue sa partition, et moi, cheffe d'orchestre, je n’ai plus besoin de crier pour me faire entendre. Qui aurait cru qu'un défi vocal pouvait conduire à une telle symphonie pédagogique ?!
Sophie Defour, professeure de lettres modernes depuis 2008
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