La cloche vient de retentir et du haut de votre promontoire, vous observez les vagues d’apprenants s’échapper des salles de classe avant de se disperser aux 4 coins de la cour. 

Mais si vous regardez de plus près ces chères têtes blondes s’ébattre joyeusement entre les bâtiments, vous saurez que tout est là, et qu’en observant un peu les comportements et surtout le positionnement géographique des élèves, on est là en pleine géopolitique. 

Vous les voyez souvent arriver à 10h15, le front suintant, le déo Axe “fraîcheur narines” à la main. Et pourtant, ils avaient éco-gestion de 8 à 10 heures avec Madame Touchard, qui leur assène les cours à coups de Kahoot. Est-ce si éreintant ? Pas des moindres. La réponse est donc ailleurs… 

Tout simplement dans la récréation, où ces jeunes ont décidé littéralement d’exploser les records mondiaux de tractions, de pompes et autres développés-couchés. Vous les voyez regroupés sur leur mètre carré de pelouse, à s’époumoner comme des tennismen à Wimbledon. 

Certains finiront gisant comme des limaces sur les routes de montagne deux jours après la pluie. Le culturisme avant la culture. Voilà leur credo. Et vous devrez gérer ces fatigués des ischio-jambiers lors de l’évaluation sur le constructivisme. C’est pas vraiment les JO.

Il y a des lieux qui semblent oubliés des Dieux et qui attirent une foule de curieux à chaque pause : les toilettes. Étrange, n’est-ce pas ? Ce n’est pourtant pas un endroit qui fleure le myosotis ou l’herbe fraîche coupée de bon matin. Et pourtant…

Certains stationnent et s’ébattent avec joie et gaieté comme s’ils en étaient les gardiens. Loin de moi l’idée de penser qu’il s’y passe des choses pas très catholiques. De la fumette, de la vaporette, de la prose poétique qu’on a envie d’exposer en pleine grosse commission : “Enzo sale tarba qu’on peut joindre au 06….”, de l’hermétisme digne de Mallarmé. 

Il y a des choses qui semblent inexplicables. Comme cet élève qui vous demandera, dès le retour en cours, de retourner dans le sanctuaire qu’il a occupé pendant 15 minutes : “J’ai pas eu le temps m’sieur.”

Ils sont là, seuls ou en groupe, à déambuler avec leur portable ou leur fiche Bristol, chuchotant des anathèmes incompréhensibles ou psalmodiant des formules algébriques. En deux mots, ILS RÉVISENT. 

• Soit car ils ont appris la prochaine évaluation il y a dix minutes environ, et ils pensent ingérer 12 chapitres et 6 mois de cours en ingestion instantanée. 
• Soit car ce sont les premiers de la classe, les éternels stressés des évals, les “je suis sûr je me suis planté là” qui finissent avec 18. 

Leur démarche, chaloupée au rythme des traces écrites, et leur regard dans le vide en font des zombies apprenant. Ca fait froid dans le dos.

Celles et ceux qui sourient bêtement en classe alors que vous parlez de périurbanisation, ou qui chuchotent au fond de la classe en exhibant leur MP sont les mêmes qui passent à l’action dans les récréations. Allant d’une place à l’autre à la recherche de la photo Insta fortement retouchée qu’ils ont admirée durant des lustres sur leur fil d’actu. 

La drague, les couples, ça marche toujours au bahut et fort heureusement. Et l’on voit le grand gaillard de MELEC approcher la petite artiste de section graphisme et on a les larmes aux yeux, car ça voudra dire qu’il va davantage suivre vos cours de poésie ou d’hygiène dentaire. 

(À noter que les dragui se retrouvent aussi chez les enseignants.)

Voici donc quelques lieux, quelques postures qui en disent beaucoup. 

On passera sur les élèves que l’on voit courir en hurlant et en arrachant leurs vêtements à chaque récréation, et dont on hésite entre les voir trébucher lors de leur sprint (un petit tour en infirmerie leur fera du bien et à vous aussi), ou les voir arriver en retard ne serait ce que de deux dixième, pour éviter de devoir subir leur état d’excitation lors de votre séance sur les verbes modaux.

Monsieur Z., prof de lycée pro quelque part en France, dont l'humour sévit sur Facebook et sur Instagram. 

Retrouvez toutes ses chroniques ici !