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Jour J. Ou plutôt jour R, R comme rentrée.
Comme les enfants, je mêle appréhension et excitation lorsque le réveil sonne. Tout a été préparé, pensé, organisé, non sans mal avec les habituelles directives de dernière heure, mais tout est prêt.
8h18, dernier coup d’œil : la classe est rangée, les porte-manteaux vides attendent, le couloir est silencieux. Tout est normal ou presque… Devant la porte, une bouteille de gel hydroalcoolique ; un masque me couvre le visage et embue mes lunettes. Heureusement les premiers arrivés sont les grands, ils me connaissent.
Certains n’étaient pas revenus en classe depuis le 13 mars. 6 mois ! C’est long à l’échelle d’une vie d’enfant de 5 ans. L’un court et se jette sur moi : « Maîtresse ! Je suis trop content de te voir ! », il me serre de ses petits bras.
Accroc bénin au protocole et à la distanciation, mais comment faire ? Le repousser ?
Le bon sens : maintenir la vie d’une petite communauté avec ses repères et ses attachements. Avant, j’accueillais chacun à l’autre porte, avec un rituel choisi : un bonjour, un check, un coucou, un câlin,… Mais ça, c’était avant.
Mon élève en oublie de dire au-revoir à ses parents qui me tendent son sac, avec un sourire entendu que cache leur masque. Rassurés : tout va bien, la maîtresse n’a pas changé.
Chacun arrive à son rythme, se plie au lavage des mains - on perd un temps fou avec deux robinets pour une classe… Il faudra en tenir compte dans l’emploi du temps pour les prochaines semaines.
Les moyens suivent les grands et le couloir retrouve ses bruits joyeux de vie d’école.
Je suis très étonnée de voir ces enfants de 3 ans ou moins s’emparer du poussoir de la bouteille de gel hydroalcoolique pour se désinfecter les mains, comme un automatisme. Ils sont un peu impressionnés : c’est le premier jour d’école et ils ne me voient qu’à moitié.
Le masque accentue la difficulté d’adaptation des plus fragiles. En restant à distance, je les accueille sur le pas de la porte en glissant mon masque sur le côté pour leur souhaiter la bienvenue : « Bonjour, je suis contente de te voir. Regarde, ce que cache le masque, c’est un grand sourire. C’est un beau jour pour toi, tu es grand maintenant, tu viens à l’école avec nous. » Je remets aussitôt mon masque.
Une maman ajoute « Tu vois, elle est gentille la maîtresse, tu la reconnais ? »
Ils m’ont vue en juin, ont reçu des photos mais le masque coupe tant les expressions du visage que j’en suis attristée. Pourtant, il est essentiel à la protection de tous, pas le choix. Je le mesure d’autant plus qu’arrivent les premières séparations et les pleurs.
Distanciation ? Impossible. Soyons honnêtes : il faut prendre certains enfants des bras de leurs parents, consoler les pleurs, moucher les nez, essuyer les premiers pipis… Ça c’est comme avant !
La journée se passe, on se lave les mains, on joue, on se lave les mains, on sort en récré, on se lave les mains, on écoute une histoire, on se lave les mains, on fait des jeux phonologiques avec les plus grands… Là, ça se complique.
Il fait chaud dans la classe et l’inconfort est grand. Les enfants ne se rendent pas toujours compte que je m’adresse à eux. Ils ne comprennent pas bien ce que je dis. Passer des consignes est épuisant, la voix ne porte pas. Le regard seul ne suffit pas à dynamiser mes demandes.
Les règles de vie collective ont été oubliées après un confinement et des grandes vacances ; tout est à reconstruire.
15h45 : on se lave les mains une dernière fois avant de partir, cela nous aura pris presque une heure cumulée sur la journée tous ces lavages.
Jour 2, c’est jeudi ! Tentative avec le masque officiel fourni, impression de porter un slip kangourou sur le nez, après une heure : il tombe tout seul. Il finit au fond d’un tiroir, je reprends le masque chirurgical.
Mes premières impressions sont confirmées : le masque est une barrière au virus, mais aussi à la communication. Il enlève tout le soutien à l’oralité qui est porté par le non verbal et avec des enfants de moins de 6 ans, c’est un handicap terrible.
Je me sens impuissante. Est-ce que cela va durer ? Comment réussir à transformer les choses ?
Des idées à creuser : masque avec une fenêtre, utilisation de pictogrammes, jeux de caché/coucou, ritualisations visuelles et/ou sonores pour aider les consignes…
Trouver les outils pour offrir plus aux enfants tout en respectant le protocole sera l’objectif des semaines à venir. Plus de contact, plus de sourires, plus de joie, plus de vie tout simplement.
Et vous, ça s’est passé comment ?
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Même constat de mon côté, pas facile de consoler avec un masque. Et épuisant pour tout ce qui est passage de consignes, chansons, comptines... malgré des gestes multipliés, l'expression des yeux exagérée... Je pense faire plus de choses en petits groupes, le groupe classe entier, il faut plus pousser sur sa voix. Problème en ce début d'année, les petits ne sont pas encore autonomes. Je vais donc jongler avec mon ATSEM avec 2 groupes et le plus souvent les plus grands en autonomie. J'avoue avoir enlevé le masque 2 fois pour chanter avec eux. Je suis épuisée le soir et ma gorge est en feu. Je n'ai pas encore commencé le phonologie, j'appréhende beaucoup, je vais sortir les cartes de Borel-Maisony pour appuyer les sons avec des gestes. Bon courage à tous les collègues !