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Théorique

Décrochage scolaire : ce qu'en dit la recherche

Marine Portex
2 octobre 2020 11:33
15 mn

En France, comme dans d’autres pays occidentaux, un jeune est considéré comme “décrocheur” s’il présente deux caractéristiques : 

  1. le jeune est déscolarisé et ;
  2. il n’a pas obtenu de diplôme qualifiant au secondaire (CAP, BEP, Baccalauréat).


Cette définition du décrochage est liée à des enjeux d’insertion professionnelle qui constituent des indicateurs particulièrement importants en termes de politique publique. Elle est cependant peu informative et outillante dans une logique de prévention et de repérage précoce.
 

La recherche sur le décrochage scolaire s’intéresse quant à elle davantage au processus menant à la sortie du système scolaire sans qualification. Elle nous permet d’en apprendre davantage sur qui sont les élèves à risque de décrochage et quels sont les signes d’alerte, des informations cruciales pour la favoriser leur réussite. Nous avons donc demandé à un chercheur spécialiste du sujet de nous expliquer ce phénomène et de répondre aux questions fréquentes que vous vous posez.

  1. Qu’est-ce que le décrochage scolaire ?
  2. Pourquoi certains élèves décrochent ?
  3. Qui sont les décrocheurs ?

 


Fernando Núñez-Regueiro est enseignant-chercheur en sciences de l’éducation à l’Université Grenoble Alpes et l’auteur d’une thèse sur le décrochage scolaire. 

 

 

1) Qu’est-ce que le décrochage scolaire ?
 

Le décrochage scolaire n’arrive pas d’un coup et ne vient pas de nulle part. C’est un processus développemental à plus ou moins long terme qui présente 3 caractéristiques : 

  • C’est un processus cumulatif : le décrochage procède de l’accumulation de plusieurs facteurs de risque.
  • C’est un processus pluriel : Il n’existe pas un seul mais plusieurs profils de décrocheurs qui résultent des combinaisons entre les différents facteurs de risque.
  • C’est un processus dynamique : l’importance des facteurs de risque varie en fonction du cycle développemental ou de l’âge de l’élève.
     

Quels sont les facteurs de risque du décrochage scolaire ? 

Il existe à la fois des facteurs de risque individuels qui ont trait aux caractéristiques de la personne et des facteurs de risque environnementaux qui sont liés aux caractéristiques des contextes (famille, école, communauté) dans lesquels la personne évolue (Rumberger, 2011). C’est pourquoi il est aussi important d’interroger le rôle de l’élève dans ce processus que celui de sa famille ou de l’école (De Witte et al., 2013). 

Exemples de facteurs de risque individuels et environnementaux relevés par la littérature scientifique (Audas & Willms, 2001; Afsa, 2013; De Witte et al., 2013; Rumberger, 2011).

FACTEURS INDIVIDUELS

 

FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX

Individu

 

Famille

 

Ecole

Communauté

Attributs sociodémographiques (genre, niveau socio-économique,...)   Ressources (Faibles revenus, déménagements fréquents,...)   Structure (grande école,...)Structure (ségrégation sociale ou raciale,...)
État de santé physique et psychologique (handicap, dépression,...)   Soutien parental (échanges conflictuels, style parental autoritaire, ..)   Composition sociale (faible mixité sociale, population défavorisée,...)Ressources (faibles opportunités de travail, peu de structures d’accueil ou médicales,...)
Caractéristiques scolaires (redoublement, performances scolaires, engagement scolaire, problèmes de comportements, orientation scolaire,...)   Soutien scolaire (Faible valorisation ou aide dans les études,..)   Climat scolaire (discipline scolaire perçue comme injuste et inefficace, relations enseignants-élèves négatives,...)Pairs (réseau d’amis déviants, en échec scolaire,...)


On peut noter que certains de ces facteurs occupent une place éloignée ou distale par rapport à l'événement du décrochage (par exemple, le milieu socio-économique) tandis que d’autres tels que l’engagement scolaire et les performances scolaires occupent une place proximale et sont de fait plus prédictifs du décrochage scolaire (Archambault & Janosz, 2009 ; Bowers, Taff & Sprott, 2013). L’engagement et les performances scolaires constituent donc des signes avant-coureurs du décrochage scolaire
 

Qu’est-ce que l’engagement scolaire exactement ? 

Il caractérise la participation de l’élève à l’école ainsi que la manière dont il interagit avec les activités d’apprentissage, les enseignants et les pairs (Skinner & Pitzer, 2011). Ainsi, l’engagement scolaire a une dimension comportementale (ex. respecter les règles de vie de classe), cognitive (ex. persévérer dans la difficulté), affective (ex. être heureux à l’école) et sociale (ex. prendre plaisir à collaborer avec ses camarades) (Wang et al., 2019).

 

Sabrina : Que faire si l'élève (ou la famille) refuse toute aide ?

Fernando Núñez-Regueiro (FNR) : Le refus de toute aide de la part de l’élève peut être compris comme un signe précurseur de démission scolaire. Si cela est le cas, il convient sans doute d’insister un certain temps en proposant des entretiens visant à à ouvrir le dialogue (ou « libérer la parole ») afin de faire un point sur les problèmes rencontrés, en se montrant ouvert par rapport à leur caractère scolaire ou extrascolaire. En effet, le soutien des enseignants apparaît dans la littérature comme une ressource sociale essentielle pour contrecarrer, autant que possible, les situations de décrochage. Si le refus de la part de l’élève reflète plutôt une démission effective, ou un décrochage conçu comme durable, la relation d’aide s’apparente davantage à une relation de raccrochage telle qu’elle a lieu dans les structures de seconde chance ou les missions d’insertion. Le refus d’aide serait ici cohérent par rapport au statut de décrocheur que l’élève s’est approprié. Dans cette optique, l’aide apportée gagnerait peut-être à être projetée sur le long terme et aurait pour objectif de ne pas perdre le lien avec le décrocheur. Cela permettrait d’envisager, à terme, un plan de raccrochage qui viserait à convaincre l’élève décrocheur que sa nouvelle opportunité de scolarisation est en réelle rupture par rapport à sa situation scolaire passée. Pour cela, la mise en place d’un projet de réorientation ou de suivi individuel personnalisé (moniteur, contrat d’objectifs co-construit avec l’élève, etc.) pourrait contribuer à instancier cette rupture et ce renouveau scolaire.

 

JM : Au-delà de l'absentéisme, comment mesurer, au niveau académique mais aussi au niveau de la réalité du terrain, le décrochage scolaire ? Ces outils de mesure ont-ils évolué ces dernières années ?

FNR : Au niveau institutionnel, le décrochage scolaire est défini en fonction d’un niveau de qualification (absence de diplôme de niveau CAP, BEP, baccalauréat ou plus) et un statut de scolarisation (la non-scolarisation). Au niveau de la « réalité du terrain », le décrochage désigne souvent les signes avant-coureurs du décrochage institutionnel, tels que le désengagement et l’échec scolaires. Les signes avant-coureurs ne sont donc pas des mesures directes du décrochage, mais ils contribuent à le prédire en tant que symptômes de la situation menant au décrochage. À cet égard, il existe depuis plusieurs années un outil permettant d’identifier assez finement les situations de décrochage, à partir du croisement de trois variables : le nombre de redoublement de l’élève, ses résultats scolaires et son niveau d’engagement scolaire (mesuré sur plusieurs aspects : importance et plaisir accordé à l’école, sentiment de compétence scolaire, ambition scolaire). Ses trois variables permettent d’identifier correctement les situations de décrochage dans près de 80% des cas (Archambault & Janosz, 2009).

 

2) Pourquoi certains élèves décrochent ?
 

Deux processus clés expliqueraient le décrochage :

  1. Le processus du « parcours de vie » défavorable : D’après cette approche, le décrochage scolaire serait l’aboutissement d’un processus long découlant de la précarité du contexte familial (faibles ressources éducatives ou financières, stress parental entraînant un encadrement inadéquat) et du quartier (paupérisation et défaut d’institutions socialisatrices). Cette précarité serait à l’origine de différences développementales mettant à mal à la scolarité de l’élève sous la forme de difficultés d’apprentissage ou relationnelles, qui entraîneraient rapidement la formation de cercles vicieux dans lesquels l’échec scolaire, les comportements contre-normatifs et la marginalisation socio-scolaire s’auto-alimentent au cours du temps. 

     
  2. Le processus de « stress » : Ici, le décrochage scolaire découlerait d’un processus court mettant en jeu les ressources ou besoins motivationnels des élèves et les caractéristiques du contexte scolaire actuel. D’un côté, le stress serait dû à un rapport de force défavorable entre les ressources de travail dont dispose un élève (sur le plan motivationnel, des apprentissages ou du soutien social) et les demandes scolaires ou extrascolaires (événements de vie majeurs, harcèlement scolaire, orientation scolaire non choisie ou mal vécue), générant ainsi une situation de « surmenage ». De l’autre (et de manière non-exclusive), le stress mettrait davantage en jeu les besoins motivationnels de l’élève (e.g., sentir que le monde de l’école est juste envers soi, se sentir compétent, intégré socialement, autonome) et les apports de l’environnement éducatif (soutien social des pairs, des parents ou des enseignants), ces derniers s’avérant insuffisants pour satisfaire à ces besoins.
     

Les processus susmentionnés peuvent ou non se combiner, selon le profil d’élèves (Dupéré et al., 2015). Dans une logique de processus combinatoire, le processus de « parcours de vie » agirait comme un épisode préliminaire créant une situation de vulnérabilité sociale à l’école, le processus de stress venant entériner le « passage à l’acte » de décrochage, mais n’étant pas en soi une cause première du décrochage. Dans une logique indépendante, ces processus peuvent conduire au décrochage sans se recouper, par exemple dans les situations de rupture scolaire essentiellement liés à l’échec scolaire découlant d’un contexte de socialisation plus précaire, ou encore les processus de stress émergeant d’événements de vie majeurs (e.g., hospitalisation, perte d’un proche) mettant à mal les ressources de l’élève. 

Carine : Est-ce que c'est une fatalité de notre système éducatif ou est-ce qu'on est en capacité de travailler dès le coeur de la classe sur l'accrochage de tous les élèves?

FNR : Il est possible de travailler sur la participation scolaire des élèves en situation de décrochage et notamment dès l’école primaire où ont souvent lieu les accrochages manqués à l’origine du désengagement scolaire. Les accrochages manqués sont tributaires d’un rapport difficile aux activités scolaires (frustration, incompréhension, etc). Il convient donc d’ajuster l'entrée dans l’apprentissage en adaptant les exercices au niveau initial des élèves. Attention cependant à ne pas créer des « malentendus sociocognitifs » par rapport aux attentes scolaires. Ces malentendus ont lieu lorsque l’élève pense que sa réussite scolaire est conditionnée par sa relation positive (vs. négative) à l'enseignant et aux activités en classe, et non par ses apprentissages. Or, l'adaptation pédagogique comporte ce risque lorsqu'elle finit par creuser les lacunes d'apprentissage (relativement aux autres élèves) voire à les cacher : par exemple, lorsqu'un élève est complimenté sur des aspects non proprement scolaires en vue de le "remotiver" ("qu'est-ce que tu es doué en sport"), ce qui peut conduire à le détourner des objectifs d'apprentissage initiaux. 


JM : Comment la prise en compte du projet d'orientation de l'élève peut-elle contribuer à lutter contre le décrochage scolaire ?

FNR : L’orientation subie et l’orientation dans la voie professionnelle sont souvent pointées du doigt pour expliquer le décrochage scolaire au lycée, notamment en France. Cependant, les études sur la question sont peu nombreuses et offrent des perspectives contradictoires, certaines soutenant des effets délétères, d’autres des effets nuls (voire protecteurs) de ces variables. Difficile donc de dire à quel point le projet d’orientation peut influer sur le décrochage scolaire. 
Une hypothèse à creuser — et qui fait actuellement l’objet de recherches— concerne le contenu et les débouchés de formation associés à l’orientation et sa perception par l’élève lui-même. Plus précisément, un élément peut-être clef consiste à faire en sorte que l’orientation soit informée et que l’élève ne soit pas surpris au moment d’entamer sa formation, le sentiment d’incompréhension par rapport à la formation pouvant favoriser le décrochage. Pour cela, les rapports institutionnels recommandent de travailler sur l’information à l’orientation et sur le développement de passerelles entre filières. Malheureusement, il est apparent que les projets d’orientation sont soumis à deux types de contraintes, à savoir les opportunités offertes par le bassin de formation local et le dossier scolaire de l’élève. Il s’agit en effet de parvenir à un projet qui soit compatible avec l’offre de formation locale et avec le niveau scolaire de l’élève. Pour qu’il ait des chances d’aboutir, le projet d’orientation doit donc aussi prendre en compte ces contraintes. En réunissant ces dimensions (transparence et réalisme du projet d’orientation), il est possible que le projet d’orientation contribue à lutter contre le décrochage scolaire.

 

3) Qui sont les décrocheurs ?
 

La recherche a permis d’identifier plusieurs profils de décrochage scolaire. Connaître ces profils et être capable de les identifier permet de faciliter le repérage des jeunes et de cibler des actions de prévention et de remédiation. 

Quatre profils de décrochage sont généralement distingués dans la littérature scientifique (ex. Janosz et al., 2000) en fonction du croisement entre les facteurs les plus prédictifs du décrochage (c’est à dire, l’engagement scolaire et les performances scolaires).

Pour ces élèves, le décrochage apparaît comme un épiphénomène du processus de « parcours de vie » défavorable, c’est-à-dire comme le dernier épisode d’une trajectoire défavorable initiée dès l’entrée à l’école primaire en raison d’un accrochage manqué avec l’école. Cet accrochage manqué serait dû à un décalage entre les attentes scolaires relatives au métier d’élève (attentes implicites, tels que les attitudes et comportements à avoir en classe) et le contexte de socialisation plus défavorisé chez ces élèves (e.g., sur le plan familial, social, culturel, économique). Cet accrochage manqué aurait pour conséquence l’échec scolaire et, selon les élèves, du désengagement au niveau comportemental (troubles du comportement, attitudes désinvoltes, etc.) et/ou émotionnel (résignation acquise face à l’échec scolaire, faible estime de soi, etc.)

Parmi eux, deux profils : 

  • Les décrocheurs inadaptés présentent des comportements de rejet de l’école se traduisant par des problèmes disciplinaires. Leur engagement scolaire est très faible voire contre-normatif. Ce sont donc des élèves dont les ruptures scolaires sont beaucoup plus visibles car extériorisées, publiques.
  • À l’inverse des décrocheurs inadaptés, les décrocheurs sous-performants ont tendance à intérioriser leur détresse et présentent peu de troubles du comportement. Ces décrocheurs peuvent y compris présenter des signes d’engagement superficiels (e.g., relation positive avec l’enseignant, « sauver les apparences » en cachant ses lacunes scolaires), qui ne permettent pas de compenser leur décrochage « cognitif » au niveau des apprentissages.

Pour ces deux profils d’élèves, le décrochage est généralement précoce, c’est-à-dire que l’abandon de l’école intervient au cours du collège ou au début du lycée, notamment passé l’âge d’obligation d’instruction (16 ans).

Pour les deux autres profils, le parcours scolaire est similaire à des élèves non décrocheurs et relèveraient davantage d’un processus de « stress ». Cependant, des évènements de vie (orientation subie ou contrainte, harcèlement, échec à un examen important, décès d’un proche, etc.) ou des épisodes développementaux (déviance sociale à l’adolescence, influence des pairs) peuvent mettre à mal leur engagement scolaire et épuiser les ressources qu’ils sont capables de mobiliser à l’école, entraînant ainsi la rupture scolaire.

  • Les décrocheurs discrets sont des élèves qui ont des résultats scolaires un peu faibles mais proches de la moyenne et qui ne présentent pas de troubles du comportement, bien qu’ils puissent être absentéistes. Ils se caractérisent par le fait qu’ils se maintiennent longtemps dans le système scolaire malgré des difficultés personnelles, à l’école ou en dehors de l’école, qui les poussent à l’absentéisme et qui détériorent leur sentiment d’avoir leur place à l’école, bien qu’ils rapportent aimer l’école par ailleurs. Ce profil d’élèves laissent transparaître des situations de « surmenage scolaire », caractérisées par un engagement élevé mais des difficultés à répondre aux demandes scolaires (réussite scolaire précaire). Ceci en fait un profil de décrochage difficile à repérer dans les établissements.
  • À l’inverse des décrocheurs discrets, les décrocheurs désengagés ont de bons résultats scolaires mais n’ont pas de regard positif sur l’école, c’est-à-dire qu’ils sont désengagés émotionnellement ou démotivés vis-à-vis de celle-ci (perte de sens, futilité perçue de l’école), ce qui se manifeste par des problèmes d’indiscipline et par un travail scolaire réduit au minimum nécessaire d’un point de vue académique. Ces élèves peuvent ainsi avoir des sanctions disciplinaires, sans pour autant présenter des difficultés d’apprentissage. Leur réussite scolaire apparente (au niveau des résultats scolaires) en fait, là aussi, un profil de décrochages plus difficile à repérer.

Pour ces deux profils d’élèves, le décrochage est généralement plus tardif, c’est-à-dire que la rupture scolaire intervient au cours du lycée ou à la fin du lycée (par exemple après un premier échec au baccalauréat).

Il est important de noter que le profil d’un élève peut évoluer au cours de sa scolarité. D’ailleurs, il apparaît que l'instabilité de l’engagement scolaire est une caractéristique que l’on retrouve chez de nombreux décrocheurs (Janosz, Archambault, Morizot & Pagani, 2008).

Delphine : Le décrochage scolaire en distanciel semble ne plus concerner les seuls élèves "fragiles" : certains élèves très scolaires habituellement ont pu lever le pied pendant le confinement. Est-ce du "décrochage" ?

FNR: Un processus central menant au décrochage scolaire concerne le désengagement de l’élève par rapport aux activités d’apprentissages. Habituellement, les profils de décrochages les plus visibles concernent les élèves ayant des difficultés d’apprentissages importantes (dits élèves « fragiles »), car les activités scolaires mobilisent les apprentissages accumulés. Il est en effet difficile de réaliser une tâche sans disposer des outils préalables nécessaires à sa réalisation (c’est-à-dire, les connaissances antérieures). Au contraire, certains décrochages beaucoup moins visibles, dits « discrets », concernent des élèves qui ne présentent pas de difficultés scolaires notables et qui sont généralement engagés en classe. Cependant, les décrocheurs discrets seraient fragiles également en raison du rapport défavorable pouvant exister entre leur investissement (en général important) et leurs résultats scolaires (en général un peu faibles, quoique proches de la moyenne) générant une situation de « surmenage scolaire », ce qui les rendrait plus vulnérables à des événements de vie perturbateurs (des « stresseurs »). En suivant ce raisonnement, il est possible que le confinement ait précipité le décrochage potentiel de ces élèves, en tant qu’événement perturbateur. Dans la littérature, les « discrets » représenteraient en effet entre 30% et 60% des décrochages effectifs. Une hypothèse alternative, à étudier, consiste à supposer que le confinement à généré un nouveau profil de décrocheurs, dont les caractéristiques resteraient à déterminer.

 

Magwell : Comment ne pas stigmatiser un décrocheur tout en tenant compte de sa singularité au sein d'un groupe classe?

FNR : La stigmatisation devient effective lorsqu’un comportement différencié à l’égard de l’élève devient public au niveau du groupe classe. Afin de limiter cette stigmatisation, une première approche peut consister à ne pas rendre public ces comportements différenciés. Par exemple, au moment de consolider une notion avec l’élève en question, il est possible de reprendre cette notion en s’adressant au groupe classe sans référence explicite à cet élève ou, alternativement, de reprendre cette notion en aparté avec l’élève, sans que cet aparté sorte du cadre ordinaire des relations (il faut en ce sens que les interactions individuelles soient diffuses dans la classe). D’une manière plus générale, il est également possible d’envisager que cette singularité de l’élève en question ne diffère pas, en soi, de la singularité des autres élèves (il s’agirait d’une différence de degré, et non de genre). Dans cette optique, l’enjeu serait de parvenir à un mode d’interaction global vis-à-vis de chacune des singularités, qui rendrait compte des différences de niveaux, sans pour autant contribuer à la comparaison sociale entre les interactions (puisque cette comparaison sociale est celle à l’origine de la stigmatisation). Autrement dit, parvenir à un mode d’interaction ayant la même forme et les mêmes modalités (une même « éthique » relationnelle), mais répondant d’enjeux d’apprentissage distincts ayant la même valeur pédagogique.

 

Parce qu'une image vaut mille mots : infographie de Marine Portex, responsable recherche de l'équipe ÊtrePROF, sur le processus du décrochage et les profils des décrocheurs.

 

 

Références

Afsa, C. (2013). Qui décroche ? Education & Formations, 84, 9–19.

Archambault, I., & Janosz, M. (2009). Fidélité, validité discriminante et prédictive de l’indice de prédiction du décrochage. Canadian Journal of Behavioural Science/Revue Canadienne Des Sciences Du Comportement, 41(3), 187–191. https://doi.org/10.1037/a0015261

Audas, R., & Willms, J. D. (2002). Engagement and dropping out of school: A life-course perspective. Applied Research Branch, Human Resources Development Canada. http://sbisrvntweb.uqac.ca/archivage/15292281.pdf

Bowers, A. J., Sprott, R., & Taff, S. A. (2013). Do we know who will drop out? A review of the predictors of dropping out of high school: Precision, sensitivity, and specificity. The High School Journal, 96(2), 77–100. https://doi.org/10.1353/hsj.2013.0000

De Witte, K., Cabus, S., Thyssen, G., Groot, W., & van den Brink, H. M. (2013). A critical review of the literature on school dropout. Educational Research Review, 10, 13–28. https://doi.org/10.1016/j.edurev.2013.05.002

Dupéré, V., Leventhal, T., Dion, E., Crosnoe, R., Archambault, I., & Janosz, M. (2015). Stressors and Turning Points in High School and Dropout: A Stress Process, Life Course Framework. Review of Educational Research, 85(4), 591–629. https://doi.org/10.3102/0034654314559845

Janosz, M., Archambault, I., Morizot, J., & Pagani, L. S. (2008). School Engagement Trajectories and Their Differential Predictive Relations to Dropout. Journal of Social Issues, 64(1), 21–40. https://doi.org/10.1111/j.1540-4560.2008.00546.x

Janosz, M., Le Blanc, M., Boulerice, B., & Tremblay, R. E. (2000). Predicting different types of school dropouts: A typological approach with two longitudinal samples. Journal of Educational Psychology, 92(1), 171–190. https://doi.org/10.1037/0022-0663.92.1.171

Rumberger, R. W. (2011). Dropping out: Why students drop out of high school and what can be done about it. Cambridge, MA: Harvard University Press.

Skinner, E. A., & Pitzer, J. R. (2012). Developmental dynamics of student engagement, coping, and everyday resilience. In S. L. Christenson, A. L. Reschly, & C. Wylie (Eds.), Handbook of research on student engagement (pp. 21–44). Springer US.

Wang, M.-T., Fredricks, J., Ye, F., Hofkens, T., & Linn, J. S. (2019). Conceptualization and assessment of adolescents’ engagement and disengagement in school: A Multidimensional School Engagement Scale. European Journal of Psychological Assessment, 35(4), 592–606. https://doi.org/10.1027/1015-5759/a000431

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