Arrêtons-nous un instant au milieu de l’effervescence de la classe et prenons le temps d’observer finement un élève en particulier. C’est à chaque fois pour moi une découverte : “Je pensais qu’Arthur avait compris l’histoire, mais il lui manquait des mots de vocabulaire, il a fait illusion au milieu des autres.” ;" Je ne savais pas que Méline savait compter jusqu’à 12." ; “Le passage de l’ardoise au cahier met Aron en difficulté dans l’exercice d’écriture."… Des exemples comme ceux-là, vous en avez des dizaines !

Connaître et comprendre ce qui fait obstacle ou ce qui fait sens pour chaque enfant afin d’orienter les apprentissages à venir et le guider dans le parcours d’activités, voilà un grand défi de l’évaluation en maternelle ! Mais comment s’y prendre pour pratiquer une évaluation positive ? Quelles modalités lui donner ? Quelle posture tenir ? 
 

Évaluer, c’est avant toute chose valoriser. Au contraire, normer, étalonner ou juger, ce n'est pas évaluer. Vous souvenez-vous de ce joli dessin dans lequel vous aviez mis tout votre cœur, votre application, pour faire un bonhomme comme le voulait la maîtresse ? La date, votre prénom, tout comme elle l’avait demandé. C’est justement ce dessin qu’elle a choisi de montrer à la classe et vous êtes super fier qu'elle le montre aux copains. Mais… 

"Voici le dessin de Fanny. Fanny, tu trouves que ça ressemble vraiment à un bonhomme ? Tu aurais pu t’appliquer !, dit la maîtresse. 
- Mais c’est ce que j’ai fait !, répond l'élève.
- Qu’est-ce qu’elle n’a pas bien dessiné les enfants ?"
 

(Encouragement à la délation, la moquerie). L'élève prend un stylo rouge et gribouille sur mon dessin, refait une tête par-dessus, ajoute des doigts : “Maintenant le dessin est moche, tant pis c’était le portrait de la maîtresse que j’avais fait !”

Cette petite histoire peut nous faire réfléchir à ce qui engage vraiment un processus de remédiation de la difficulté : les modalités de l’évaluation et notre posture d’enseignant au moment de l’évaluation.

Pour mesurer les productions et non les enfants : “Fanny, je reconnais bien un bonhomme ! Peux-tu m’expliquer ce que tu as dessiné ? Je ne vois pas ses yeux.” Je distingue ce qu’a fait l’enfant de ce qu’il est.

Pour mesurer les acquis plutôt que les manques : c'est-à-dire mettre en valeur ce qui est réussi, ce qui montre un progrès. “Tu as pensé à dessiner les doigts, c’est bien. Oh, regarde ma main, combien y a-t-il de doigts ?" (et pointer la main dessinée). L’enfant prendra ainsi naturellement son crayon pour ajouter ce qui manque. L’objectif premier doit être, pour nous, de conforter l’estime de soi des enfants. C’est le levier de l’apprentissage, le soutien de la motivation.
 

Ainsi préparée, anticipée, explicitée, l’évaluation repose sur un horizon d’attente et permet à tous une production qui propose aux élèves de situer dans leur parcours d’apprentissage : “Aujourd’hui, vous allez dessiner des bonhommes et moi je vais regarder si vous n’oubliez rien de ce qui fait qu’on reconnaît un bonhomme. À quoi faut-il penser ?” 

Tous les bonhommes seront différents, l’essentiel est de nous assurer qu’ils se sont enrichis au fil de l’année, marquant ainsi le chemin parcouru. 

Fanny Leblond  - Directrice, enseignante maternelle à la recherche du bonheur scolaire, pédagogie active et CNV à l'école