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Savoir pourquoi est-ce que l’on corrige

Marie-Camille Coudert
6 juillet 2023 17:27
10 mn

Ce contenu fait partie du Kit Évaluation

Avant tout, commençons par une grande question : Pourquoi corrige-t-on ?

De mon côté, je l'ai posée lors de formations, et voilà la liste des réponses que j’ai eues :

  • parce que l’institution me le demande ;
  • pour donner une note ;
  • pour montrer leurs erreurs à mes élèves ;
  • pour faire travailler mes élèves.

Analysons ensemble ces réponses et ce qu'elles projettent de nos pratiques professionnelles.

La première raison : parce que l'institution me le demande.

Cette raison pose problème au niveau du positionnement professionnel. Pourquoi ? On peut envisager deux positionnements professionnels pour les professeurs :

  • un positionnement de technicien : l'institution leur donne les bonnes pratiques pédagogiques et ils les appliquent sans les questionner, puisque ce sont des bonnes pratiques.
     
  • un positionnement d'expert : l'institution donne un cap « On veut que vous ameniez les élèves par là », mais pas plus ; c'est aux écoles et aux enseignants de mettre en place ce qu'il faut pour atteindre ce cap, on fait donc confiance à leurs expertises.


Aujourd'hui on sait, notamment grâce à PISA, qu'il y a une grande corrélation entre la réussite des élèves et la manière dont le pays voit ses enseignants, en experts ou en techniciens. 

Si on fait confiance à l'expertise des enseignants, les élèves auront plus de chance de réussir.

Ainsi, plus les enseignants sont dans une démarche de développement professionnel, plus ils se posent des questions auxquelles ils répondent par eux-mêmes et non par une réponse « tombée du ciel », plus les élèves sont bons.

Si vous corrigez parce qu'on vous le demande, cela signifie que vous travaillez pour l'institution et non pour vos élèves, et donc ça pose souci car vos élèves vont être moins bons.

Je vous le dis tout de go : je travaille pour mes élèves.

Certes mon employeur est l'Éducation Nationale, mais l'Éducation Nationale est seulement chargée d'utiliser correctement les impôts des parents de mes élèves. Je dois donc à mes élèves et leurs parents de leur donner mon maximum. Et mon maximum, c'est de prendre une attitude d'expert et non de technicien. Je sais pourquoi je corrige et puisque je sais pourquoi je le fais, je vais pouvoir le faire de façon intelligente et efficace.

Une attitude d'expert signifie que tout ce que je fais est en direction de la progression de mes élèves. C'est ma boussole. Je me pose sans cesse la question : cela va-t-il faire progresser mes élèves ?

Évidemment, cela ne m'empêche pas de faire certaines corrections que je ne trouve pas pertinentes mais qui sont demandées par l'institution. Seulement, je les fais le plus rapidement possible. Il faut donc distinguer les corrections pertinentes et celles qui n'ont pas de sens, afin d'augmenter le nombre de celles qui font progresser les élèves.

La deuxième raison : pour avoir une note.

Très bien, mais avoir une note c'est assez facile ! On connaît tous la technique de l'escalier : une note par marche, on lance son paquet dans l'escalier et hop on a une note.
Et si on n'utilise pas cette technique, c'est parce que l'on veut mettre une note juste. Mais qu'est-ce qu'une note juste ? Qu'est-ce que la note renvoie ?
On verra cela dans la suite. Je vous donnerai des techniques pour donner très rapidement des notes totalement comprises et acceptées par les élèves.

La troisième : pour que les élèves voient leurs erreurs.

Ce n'est pas une mauvaise raison, il faut toutefois faire attention à ce que ce ne soit pas tout le temps la seule raison. Parce qu'est-ce toujours pertinent de montrer leurs erreurs aux élèves ?

En effet, ma boussole est la progression de mes élèves, non pas qu'ils connaissent toutes leurs erreurs. Ainsi, si cela les fait progresser, je leur montre, sinon je ne leur montre pas. Et oui, parfois il vaut même mieux mentir.

Et ça, Patrick Mouratoglou, coach de Serena Williams, le sait bien :

anecdote

Ce mensonge n'aurait pas pris sur un débutant à Roland Garros. Il a fonctionné sur elle, parce qu'elle avait quand même la technique pour monter au filet. Ainsi, parfois il n'est pas pertinent de mentir, mais parfois ça l'est.

En fait, la première chose à voir quand on montre leurs erreurs aux élèves, c'est leur état d'esprit. Notamment comment ils envisagent l'erreur, si pour eux elle bloque et empêche d'avancer, il ne sert à rien de relever leurs erreurs. Il faut d'abord s'assurer de leur état d'esprit de croissance (on verra cela par la suite), c'est-à-dire un état d'esprit dans lequel ils vont pouvoir travailler à partir de leurs erreurs. Finalement ce qui compte ce n'est pas qu'ils voient leurs erreurs, mais qu'ils arrivent à travailler dessus.

Quatrième raison : pour donner un feedback aux élèves, les faire travailler sur leurs erreurs.

C'est une bonne raison, tout le temps. Oui, les études en sciences de l'éducation nous montrent que c'est TOUJOURS une bonne raison, car c'est celle qui fait progresser les élèves.

Le regard extérieur avec des remarques constructives les aide énormément. C'est un des leviers les plus puissants au service de l'enseignant. Si on corrige pour cette raison, on a donc besoin d'un feedback efficace.

Le premier problème que l'on rencontre quand on cherche à avoir un feedback efficace, c'est que souvent ce feedback vient avec une note. Or, la note - parce qu'elle est liée aux émotions, à leur estime d'eux - empêche que le feedback soit entendu. En effet, lorsqu'il y a une note, l'ego et l'émotionnel entrent en jeu et donc le rationnel, la partie qui permet de progresser, d'apprendre de ses erreurs, ne peut plus être mobilisé. C'est pour cela que quand il a une note, l'élève ne voit que la note.

anecdote

Finalement, si on corrige pour donner des feedback aux élèves, pourquoi note-t-on, alors que cela coupe la communication ?

Voilà donc les grandes raisons qui nous poussent à corriger. Il y en a une cinquième, très importante aussi, mais bien souvent inconsciente : on corrige, parce que c’est ce qu’un prof doit faire. Nous reparlerons de cela lors du prochain mail.

Je vous propose une fiche sous forme de diagnostic de votre pratique concernant l’évaluation pour vous permettre d’identifier, d’expliciter les raisons pour lesquelles vous corrigez.

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86 profs ont trouvé ce contenu utile

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Commentaires

  • Mickaël — 26 mars 2021 06:05

    Bonjour. Merci pour cet article très intéressant. Serait-il possible svp d'avoir la référence évoquée du rapport PISA sur la "corrélation entre la réussite des élèves et la manière dont le pays voit ses enseignants".

  • christelle — 27 mai 2021 10:11 (modifié)

    Bonjour, merci pour cet article, l'évaluation est un domaine qui me questionne beaucoup... Et cette phrase m'a marqué: "Aujourd'hui, dans mes classes, les notes vont sur Pronote mais pas sur les copies." J'aurai une question très pratique, cette note est visible dans Pronote par les élèves avant de leur rendre leur devoir ou bien visible après qu'ils aient travaillé sur leur copie ? Bonne continuation.

  • Thomas — 28 mai 2021 07:33

    Bonjour Christelle, sur Pronote, il est possible de déterminer quand la note sera publiée. Vous pouvez donc choisir ce moment de diffusion en fonction de vos objectifs pédagogiques.

  • christelle — 28 mai 2021 12:41

    Bonjour, oui, je sais pour Pronote. Et c'est pourquoi je m'interroge sur la pertinence d'avoir la note avant la copie ou l'inverse.

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