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Avant tout, commençons par une grande question : Pourquoi corrige-t-on ?
De mon côté, je l'ai posée lors de formations, et voilà la liste des réponses que j’ai eues :
Analysons ensemble ces réponses et ce qu'elles projettent de nos pratiques professionnelles.
Cette raison pose problème au niveau du positionnement professionnel. Pourquoi ? On peut envisager deux positionnements professionnels pour les professeurs :
Aujourd'hui on sait, notamment grâce à PISA, qu'il y a une grande corrélation entre la réussite des élèves et la manière dont le pays voit ses enseignants, en experts ou en techniciens.
Ainsi, plus les enseignants sont dans une démarche de développement professionnel, plus ils se posent des questions auxquelles ils répondent par eux-mêmes et non par une réponse « tombée du ciel », plus les élèves sont bons.
Si vous corrigez parce qu'on vous le demande, cela signifie que vous travaillez pour l'institution et non pour vos élèves, et donc ça pose souci car vos élèves vont être moins bons.
Certes mon employeur est l'Éducation Nationale, mais l'Éducation Nationale est seulement chargée d'utiliser correctement les impôts des parents de mes élèves. Je dois donc à mes élèves et leurs parents de leur donner mon maximum. Et mon maximum, c'est de prendre une attitude d'expert et non de technicien. Je sais pourquoi je corrige et puisque je sais pourquoi je le fais, je vais pouvoir le faire de façon intelligente et efficace.
Une attitude d'expert signifie que tout ce que je fais est en direction de la progression de mes élèves. C'est ma boussole. Je me pose sans cesse la question : cela va-t-il faire progresser mes élèves ?
Évidemment, cela ne m'empêche pas de faire certaines corrections que je ne trouve pas pertinentes mais qui sont demandées par l'institution. Seulement, je les fais le plus rapidement possible. Il faut donc distinguer les corrections pertinentes et celles qui n'ont pas de sens, afin d'augmenter le nombre de celles qui font progresser les élèves.
Très bien, mais avoir une note c'est assez facile ! On connaît tous la technique de l'escalier : une note par marche, on lance son paquet dans l'escalier et hop on a une note.
Et si on n'utilise pas cette technique, c'est parce que l'on veut mettre une note juste. Mais qu'est-ce qu'une note juste ? Qu'est-ce que la note renvoie ?
On verra cela dans la suite. Je vous donnerai des techniques pour donner très rapidement des notes totalement comprises et acceptées par les élèves.
Ce n'est pas une mauvaise raison, il faut toutefois faire attention à ce que ce ne soit pas tout le temps la seule raison. Parce qu'est-ce toujours pertinent de montrer leurs erreurs aux élèves ?
En effet, ma boussole est la progression de mes élèves, non pas qu'ils connaissent toutes leurs erreurs. Ainsi, si cela les fait progresser, je leur montre, sinon je ne leur montre pas. Et oui, parfois il vaut même mieux mentir.
Et ça, Patrick Mouratoglou, coach de Serena Williams, le sait bien :
Lors d'un match à Roland Garros, alors qu'elle revenait d'une blessure, Patrick voyait Serena perdre tous ses échanges dès qu'elle montait au filet. Il a vu aussi qu'elle avait peur de monter au filet, qu'elle jouait donc trop défensif et qu'elle était alors en mauvaise position.
À la fin du match, après l'avoir gagné (parce que c'est quand même Serena Williams), elle va voir Patrick :
« Coach, qu'est-ce que vous pensez de mon jeu ? »
Et là, droit dans les yeux, il lui ment :
« C'est génial, j'ai compté tes réussites au filet, et quand tu montes, ton score est de quasi 100 %. Dès que tu montes, je sais que tu vas gagner l'échange, alors ça me rassure.
_ J'avais l'impression que c'était l'inverse, répond-elle, étonnée, j'avais même peur de monter.
- Mais toi, tu es dans ton jeu, moi je sais, j'ai vu les statistiques, au filet, tu gères trop, donc vas-y ! »
Évidemment, elle l'a cru, c'est son coach, elle lui fait confiance. Au match suivant, elle est donc montée au filet, a pris confiance et a gagné ses montées au filet. À la fin, elle a gagné Roland Garros, pour plein d'autres raisons sûrement, mais aussi grâce à ce mensonge.
Ce mensonge n'aurait pas pris sur un débutant à Roland Garros. Il a fonctionné sur elle, parce qu'elle avait quand même la technique pour monter au filet. Ainsi, parfois il n'est pas pertinent de mentir, mais parfois ça l'est.
En fait, la première chose à voir quand on montre leurs erreurs aux élèves, c'est leur état d'esprit. Notamment comment ils envisagent l'erreur, si pour eux elle bloque et empêche d'avancer, il ne sert à rien de relever leurs erreurs. Il faut d'abord s'assurer de leur état d'esprit de croissance (on verra cela par la suite), c'est-à-dire un état d'esprit dans lequel ils vont pouvoir travailler à partir de leurs erreurs. Finalement ce qui compte ce n'est pas qu'ils voient leurs erreurs, mais qu'ils arrivent à travailler dessus.
C'est une bonne raison, tout le temps. Oui, les études en sciences de l'éducation nous montrent que c'est TOUJOURS une bonne raison, car c'est celle qui fait progresser les élèves.
Le regard extérieur avec des remarques constructives les aide énormément. C'est un des leviers les plus puissants au service de l'enseignant. Si on corrige pour cette raison, on a donc besoin d'un feedback efficace.
Le premier problème que l'on rencontre quand on cherche à avoir un feedback efficace, c'est que souvent ce feedback vient avec une note. Or, la note - parce qu'elle est liée aux émotions, à leur estime d'eux - empêche que le feedback soit entendu. En effet, lorsqu'il y a une note, l'ego et l'émotionnel entrent en jeu et donc le rationnel, la partie qui permet de progresser, d'apprendre de ses erreurs, ne peut plus être mobilisé. C'est pour cela que quand il a une note, l'élève ne voit que la note.
J'ai pu vivre cette indifférence aux feedbacks en direct avec mes élèves. Dans ma classe, il n'y avait pas de note, il n'y avait que des corrections. Lorsque je remettais les copies, les élèves prenaient du temps pour analyser la correction. J'ai alors été témoin de nombreuses discussions parlant des apprentissages : « Comment tu as fait cela ? », « Pourquoi ai-je raté ? », « Qu'est-ce que tu as compris ? »…
Puis le jour vint du Bac blanc. Je ne suis plus en charge de la correction. Je distribue deux ou trois copies, avec des notes dessus. Et là je suis témoin d'une véritable métamorphose chez mes élèves. Ils ne discutent plus de leurs apprentissages mais de chiffres, de notes… Je m'arrête alors dans ma distribution, je décide de réagir. Je prends des ciseaux et découpe toutes les notes. Nous avons retrouvé des copies sans note. Et moi j'ai pu retrouver mes élèves et leurs discussions sur l'apprentissage. Aujourd'hui, dans mes classes, les notes vont sur Pronote mais pas sur les copies.
Voilà donc les grandes raisons qui nous poussent à corriger. Il y en a une cinquième, très importante aussi, mais bien souvent inconsciente : on corrige, parce que c’est ce qu’un prof doit faire. Nous reparlerons de cela lors du prochain mail.
Je vous propose une fiche sous forme de diagnostic de votre pratique concernant l’évaluation pour vous permettre d’identifier, d’expliciter les raisons pour lesquelles vous corrigez.
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Bonjour. Merci pour cet article très intéressant. Serait-il possible svp d'avoir la référence évoquée du rapport PISA sur la "corrélation entre la réussite des élèves et la manière dont le pays voit ses enseignants".
Bonjour, merci pour cet article, l'évaluation est un domaine qui me questionne beaucoup... Et cette phrase m'a marqué: "Aujourd'hui, dans mes classes, les notes vont sur Pronote mais pas sur les copies." J'aurai une question très pratique, cette note est visible dans Pronote par les élèves avant de leur rendre leur devoir ou bien visible après qu'ils aient travaillé sur leur copie ? Bonne continuation.
Bonjour Christelle, sur Pronote, il est possible de déterminer quand la note sera publiée. Vous pouvez donc choisir ce moment de diffusion en fonction de vos objectifs pédagogiques.
Bonjour, oui, je sais pour Pronote. Et c'est pourquoi je m'interroge sur la pertinence d'avoir la note avant la copie ou l'inverse.