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Théorique

Comprendre les émotions en jeu dans une classe

Isabelle Peloux
1 avril 2022 15:26
5 mn

Ce contenu fait partie du parcours Gérer les émotions pour favoriser l'apprentissage

Une définition non univoque de l’émotion 

Malgré la multiplicité des approches et cadres théoriques qui ne permettent pas une définition univoque, les chercheurs s’accordent sur le fait « que les émotions se produisent en réponse à un stimulus et que le phénomène s’accompagne de changements physiologiques, d’évaluations cognitives, de tendances à agir de façon spécifique, de comportements expressifs et de sentiments subjectifs. » (Conty et Dubal, 2018)

La plupart des auteurs considère qu’il y a un nombre déterminé d’émotions de base. Selon eux, on en retient entre trois et sept : la colère, la joie, la surprise, la tristesse, la peur, le dégoût et le mépris.

En général, trois composantes déterminent leur existence :

  • une sensation subjective, un vécu, sentiment, ressenti, affect ;
  • des manifestations neurovégétatives ;
  • un déclenchement rapide, un comportement observable.


Chaque émotion se traduit aussi par une expression faciale particulière.

Une utilité sans équivoque pour une prise en charge à l’école

L’être humain est donc un être émotionnel. Sans émotion, nous ne saurions ni nous protéger, ni ressentir de l’empathie, ni avoir de l’élan, ni avoir de désirs. C’est donc un aspect de l’être humain absolument incontournable à prendre en compte dans l'accompagnement des élèves car « il est désormais admis que ces capacités – expression, compréhension et régulation des émotions – sont des facteurs déterminants du succès scolaire et, ultérieurement, de la réussite sociale des enfants. » (Coutu et Lepage, 2017).

Pendant longtemps, on a cru que l’école était un lieu d’enseignement et de transmission où la question de l’éducation était secondaire. Grâce au travail en sciences cognitives, on sait aujourd’hui qu'instruire et éduquer sont indissociables. C’est ainsi que les émotions sont apparues dans les instructions officielles. Nous accueillons à l’école des humains dans leur entièreté, donc avec des émotions. Cela concerne autant les élèves que les enseignants ; il va donc falloir composer avec cette donnée au lieu de l’ignorer.

Apprendre : un acte sous haute tension émotionnelle

L'école mobilise des états émotionnels forts autour de l'apprentissage qui est un acte éminemment fragilisant. Si j’apprends, je prends des risques : le risque de ne pas comprendre, de me comparer aux autres et d’en souffrir, le risque de me sous-estimer et de perdre l’estime de moi, le risque de me vivre nul. Cela est très déstabilisant.

D’où l’utilité de tenir compte de ces états émotionnels, de les connaître, de savoir en parler, d’avoir le vocabulaire qui permet de mieux les repérer et les techniques qui permettent de mieux les vivre.

Les quatre étapes incontournables que l’on va rencontrer en apprenant vont réveiller des émotions fortes (mettons-nous dans la peau de celui qui apprend) :

  • « Je ne sais pas ce que je ne sais pas. »  
    Je suis à ce stade inconsciemment incompétent. Pour apprendre, je vais donc devoir créer un espace dans lequel je reconnais mon ignorance pour faire de la place à l’apprentissage. Je peux ressentir de la joie et de l’excitation plutôt positive, surtout si je réussis bien d’habitude. Mais je peux aussi avoir beaucoup de mal à faire de la place. Vous reconnaissez ces élèves qui « savent tout » et ne créent pas de place pour apprendre quelque chose ?
     
  • « Je sais ce que je ne sais pas. » 
    Au bout de quelques étapes de découvertes, je mesure l’ampleur de ce que je ne sais pas encore faire, je deviens consciemment incompétent : c’est un passage d’une grande vulnérabilité. Il ne faudrait pas qu’on se moque de moi ou simplement qu’on me dise que je n’y arrive pas : JE LE SAIS !!! C’est le passage où seule une bienveillance qui contient et accompagne peut m'aider. À ce moment-là, j’ai besoin que l’on se montre bienveillant avec moi pour m’aider à avancer. Le reste m’humilie et favorise mon envie de tout arrêter, je mets en place mes stratégies d’évitement : ça ne m’intéresse pas, j’oublie, je n’écoute pas, je manifeste mon désintérêt, je change d’activité… Un élève à l’école passe régulièrement par cette étape ; il est donc important pour lui comme pour l'enseignant d’en connaître l’existence. Dès lors, un élève aura par exemple, besoin :
    • de savoir identifier les émotions qui le traversent ;
    • d’en parler pour ne pas les laisser l'envahir, l’influencer. Il risquerait alors d’arrêter de prendre le risque d’apprendre pour ne pas passer par cette phase déstabilisatrice mais inévitable.
       
  • « J’évolue et je sais que ça se voit. »
    Je deviens donc consciemment compétent. C’est l’étape que vous avez vécue quand vous avez réussi votre permis de conduire et que vous avez pris une voiture seul/seule pour la première fois. Rappelez-vous, vous vous parliez à vous-même : « Je règle mes trois rétros, je démarre, je débraye puis je passe la seconde… » À l’école, c’est la période des exercices d’ancrage, de répétition pour que le cerveau intègre la démarche d’apprentissage.
     
  • « Je le fais parce que je sais le faire. » 
    Et enfin, je deviens inconsciemment compétent. Le chemin neuronal construit dans le cerveau est suffisamment renforcé pour fonctionner sans que nous y prêtions attention. Si je reparle de l’exemple du permis de conduire, le fameux dialogue dans votre tête n'a plus lieu de façon verbale, mais se fait toujours de façon inconsciente.

 

Entrer en relation, oui pas sans émotion 

L’école est aussi un espace de rencontre, un espace de relations qui, comme tout espace de vie, provoque des émotions. Ces émotions vont être accueillies, partagées (ou pas) par votre entourage. Des interactions vont découler de cet échange, des routines vont s’installer. 

On voit donc comment cette connaissance des états émotionnels doit permettre de :

  • comprendre les comportements des élèves ;
  • donner des clés de compréhension aux  élèves ;
  • donner du sens à certaines réactions ;
  • accompagner aux mieux les élèves dans leurs apprentissages et leur relation aux autres.


En tant qu’adultes encadrants, en tant que professeurs/professeures des écoles, nous avons donc le devoir de savoir parler des émotions.

En guise de conclusion 

Dynamique adaptative complexe, la régulation émotionnelle chez l’enfant est dépendante de facteurs mêlant expériences émotionnelles, apprentissage de l’autocontrôle, compréhension cognitive et confrontation aux événements négatifs. Le tout dans un environnement socioculturel riche. Là, l’élève va apprendre à réguler ses émotions, apprendre à se comporter en société selon des règles et des normes culturelles, sociales et familiales en interaction avec d’autres êtres humains de façon directe ou via un certain nombre de médias variés (Thommen, 2010).

Comprendre les émotions en jeu dans une classe

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