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Théorique Pratique

Comment améliorer l’environnement sonore de la classe ?

Peggy Chrétien Anselmo
4 février 2022 09:40

Qui, harassé·e, excédé·e, n’a jamais crié durant une heure de cours : “Il y a trop de bruit !”, en espérant, en vain, une baisse du niveau sonore ambiant ? Le bruit est une préoccupation majeure des enseignants et enseignantes, et l’étude de Tiesler et Oberdöster de 2006 (Acoustic Ergonomics of School) montre que 80 % des professeur·es se disent stressé·es par le bruit en classe. Avant de nous lancer dans l’exploration des solutions pour le réduire, nous allons tenter de comprendre à quoi correspond le bruit de manière générale et dans le milieu scolaire.

Des réalités qui convergent vers les nuisances du bruit sur les apprentissages


 Du son au bruit : quelle différence ?

Pour pouvoir agir sur le bruit en classe, il est intéressant de définir clairement cette notion, et surtout de la distinguer de celle du son. 

  • Le son est une vibration acoustique qui provoque une sensation auditive : c’est un élément physique, scientifique, objectivable. 
  • Le bruit, quant à lui, est le phénomène acoustique produisant une sensation acoustique considérée comme désagréable ou gênante. C’est donc un concept subjectif fondé sur le ressenti. 
     

À la lecture de ces définitions, on comprend déjà pourquoi ce qui nous paraît bruyant nous exaspère rapidement, puisque cela vient directement impacter notre perception du moment vécu.

Le bruit en classe n’est pas une affaire de perception individuelle

Si on comprend bien que le bruit agit sur nous, certains et certaines diront que “chacun ou chacune a son propre seuil de tolérance” et que “que tout le monde ne perçoit pas le bruit de la même façon”. Or, cette vision des choses est en réalité contredite par des études scientifiques qui ont quantifié le bruit en classe ainsi que ses conséquences.

L’OMS mesure un niveau moyen de bruit de 63 décibels en cours. Pour avoir une ambiance sonore dans les classes qui soit propice au travail, cette même organisation préconise pourtant un niveau de… 30 à 35 décibels. Par ailleurs, en 2008, les psychologues J. Dockrell et B. Shield prouvent dans “The effects of classroom and environmental noise on children’s academic performance”, par une série d’expérimentations, que les ambiances de classes bruyantes (autour de 65 décibels) abaissent de plusieurs points les performances des élèves en lecture, en arithmétique, en rapidité d’exécution et en orthographe ; et qu’il y a un lien net entre résultats des élèves obtenus aux évaluations et niveau sonore.

Enfin, globalement, le dossier L’environnement sonore à l’école (Bruxelles environnement, 2015) rappelle que le bruit a des effets nuisibles sur le comportement tels que l’accroissement de la fatigue, de l’irritabilité, de l’agressivité, l’augmentation de l’agitation motrice, la perte de concentration ; mais aussi des effets sur la santé avec une perte de la sensibilité auditive, de possibles acouphènes, des maux de tête, des troubles du sommeil, et spécifiquement pour les enseignant·es, des troubles de la voix, puisque nous cherchons souvent à couvrir le bruit en parlant plus fort.

Vous l’aurez compris, le bruit n’est vraiment pas un facteur à prendre à la légère. Il est essentiel de chercher à le réduire pour que nous, élèves et professeur·es, puissions évoluer dans un environnement de travail sécurisé et favorable à nos objectifs.

Faire l’inventaire des différents bruits pour pouvoir lever les obstacles

Une fois ce diagnostic général posé : “notre environnement de travail est bien souvent trop bruyant”, il s’agit maintenant de comprendre les différentes sources de ce problème. Celle qui nous saute toujours au visage est le bavardage des élèves - qui est effectivement une des sources, mais nous allons voir qu’elle n’est pas la seule ! Le dossier proposé par Bruxelles Environnement, déjà cité ci-dessus, revient sur les différents bruits que nous rencontrons à l’école :

  • Les bruits extérieurs à la structure scolaire : liés à l’implantation de l’école (à côté d’un aéroport, d’une autoroute, etc.)
  • Les bruits générés dans l’école, à l’extérieur de la classe : il s’agit des sonneries, de la récréation, des déplacements dans les couloirs, les cours voisins, etc.
  • Les bruits générés dans l’école, à l’intérieur de la classe : ceux engendrés par l’activité humaine, à savoir les discussions des élèves, les travaux de groupes, ce que dit l’enseignant·e à la classe, etc. 
  • Les bruits engendrés par le matériel et le bâtiment en lui-même, c’est-à-dire la trop grande hauteur sur plafond qui crée de la réverbération sonore, le bruit des chaises, celui du déplacement du matériel ou de leur chute (ah, la maudite règle en métal de Mathias qui tombe au sol trois fois par heure de cours!), la ventilation des ordinateurs, etc. 
     

Il va de soi qu’il est presque impossible d’agir, à titre individuel, sur les bruits extérieurs à l’école, tout comme sur les bruits générés à l’extérieur de la salle de classe (même si l’on peut discuter en conseil d’administration de la mise en place d’une sonnerie douce !). Notre réel champ d’action va être celui de notre salle de classe, et nous allons maintenant voir comment nous y prendre.

Agir ensemble pour prendre soin du bien commun qu’est la classe

Penser que l’enseignant·e va être le régulateur ou la régulatrice unique du bruit dans la classe est, à mon sens, un piège dans lequel il faut tenter de ne pas tomber. En effet, nous avons bien établi que le bruit en classe, à la fois généré par les élèves et les professeur·es, est l’affaire de tous et toutes. Sans prise en compte et appropriation de cette problématique par les élèves, la lutte est épuisante et vaine.

Sensibiliser les élèves

Pour permettre une amélioration du niveau sonore dans les cours, encore faut-il que les élèves prennent conscience du bruit quotidien qu’ils et elles vivent et/ou produisent. Pour cela, plusieurs activités sont possibles :

  • Un temps de travail en groupe avec réflexion sur les bruits rencontrés à l’école ;
  • L’usage d’un sonomètre ou d’un bruitomètre avec relevé sur une semaine ;
  • Un temps d’observation par petits groupes dans d’autres classes du même niveau pour faire du repérage des types de bruits ;
  • Une séance d’explication sur le fonctionnement du son, de l’oreille ;
  • Une séance d’explication sur les conséquences du bruit sur l’attention et les performances scolaires ;
  • Une rencontre avec du personnel médical ;
  • Des jeux ou expériences sur le son (loto des sons, expériences sur la réverbération sonore, etc.).


Agir pour réduire le bruit 

Une fois le constat collectif établi, on peut mettre les élèves en réflexion sur les moyens d’agir contre le bruit et établir avec eux et elles un plan d’action concret. Sur le bruit renvoyant au matériel ou à la configuration de la salle, on pourra par exemple penser à :

  • Placer des meubles (comme des armoires) ou des plantes dans les coins des salles pour éviter la réverbération sonore ;
  • Envisager la pose de rideaux et /ou de panneaux en liège pour atténuer le son ;
  • Placer de vieilles balles de tennis sous les pieds des tables et chaises pour ne pas créer de gêne lors des déplacements ;
  • Huiler les gonds des portes, etc. 
     

Sur le bruit inhérent aux occupants de la salle, on pourra envisager plusieurs moyens de régulation :

  • Utiliser un bruitomètre ou l’application Classroomscreen pour quantifier le bruit dans le cours et revenir à une ambiance sonore plus sereine si nécessaire ;
  • Mettre une musique d’ambiance lors de certains types de travaux avec la consigne de ne pas couvrir ce fond sonore ;
  • Créer, avec la classe, une signalétique non verbale mais claire et connue de tous et toutes, visant à la baisse du niveau sonore : usage d’un bâton de pluie, éteindre la lumière, lever les bras en l’air, au choix (mais pas tout en même temps!).
  • Organiser des temps communs de mise au calme avec concentration sur la respiration ;
  • Mettre en place, comme dans certaines classes élémentaires, un code couleur signalant le mode de fonctionnement à adopter en fonction du type d’activité.
    (vert : je parle normalement / orange : je chuchote / rouge : je ne parle pas).
     

Enfin, l’enseignant·e aussi peut, par ses prises de paroles, favoriser la baisse du niveau sonore. Effectivement, le fait de parler bas, voire de chuchoter, va enjoindre les élèves à limiter le bruit d’une manière bien plus efficace et sûre que si on cherche à le couvrir.

Nous l’avons bien vu, le bruit, à raison, “prend la tête” aux enseignant·es mais aussi, finalement, sans qu’ils s’en rendent vraiment compte, aux élèves. Il est, je trouve, rassurant et même réconfortant d’envisager la gestion de cette question d’un point de vue collectif et non sous l’angle d’une remise en cause de l’efficacité de sa propre autorité professorale.

Peggy Chrétien Anselmo , professeur de Lettres Modernes en collège, soigneuse hors pair de la relation.

Sensibiliser ses élèves au problème du bruit en classe pour aller vers une régulation

Sensibiliser ses élèves au problème du bruit en classe en leur permettant de prendre conscience de l’environnement sonore qui les entoure, qu’ils et elles subissent et / où produisent, avec comme perspective de les responsabiliser.

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