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La classe dehors au fil des saisons : l'intégrer à sa programmation de l'année

Natacha Cazogier
23 juillet
6 mn

Pendant longtemps, j’ai suivi mes collègues qui ne sortaient pas leurs élèves lorsqu’il pleuvait, qui ne supportaient pas que les enfants s'approchent des flaques d’eau. Et puis, j’ai aperçu la surprise et le sourire de cet enfant de 4 ans qui constate que ce bâton flotte… 

Les saisons, leurs changements, leur observation peuvent être source d’apprentissage. Quoi de mieux que d’observer la nature pour découvrir les saisons ? 

Comment puis-je faire de la classe dehors une pratique régulière et riche de sens tout au long de l’année, malgré les contraintes du quotidien (météo, matériel, rythme scolaire) ?

une démarche pédagogique fondée...

Aujourd’hui, je construis mon année comme un grand récit à ciel ouvert, rythmé par les saisons. Ce projet s’est intitulé cette année « 1, 2, 3… nous lirons au bois », clin d'œil à la comptine, mais surtout appui sur le Prix littéraire proposé par notre département, le Prix Ecolire. 

C’est aussi à la dimension littéraire et langagière que je tisse au fil des semaines, entre lecture, écriture, observation, création. Ce projet m’a permis d’explorer au maximum la classe du dehors, lier le dedans et le dehors. 

Cet article est une invitation à oser sortir…

À s’appuyer sur ce que la nature a de plus simple et de plus généreux : la feuille qui tombe, la flaque d’eau, le chant d’un oiseau, le vent sur le visage, le flocon de neige, le petit chêne qui pousse…

Le projet de classe dehors s’inscrit naturellement dans les futurs programmes 2025 de l’école maternelle, qui visent un développement global, sensoriel, moteur, langagier, affectif et cognitif de l’enfant. 

Cette approche permet de croiser les domaines d’apprentissage tout en donnant du sens aux activités scolaires. Sortir régulièrement, c’est permettre à l’élève de vivre les apprentissages autrement, en lien direct avec le monde qui l’entoure.

La nature devient ainsi un terrain d’expérimentation transdisciplinaire, une source d’émerveillement, de langage, de coopération et d’émotion. La classe dehors, loin d’être une pratique à la marge, s’ancre dans les fondements mêmes de l’école maternelle telle qu’elle est conçue aujourd’hui.

Et si on partait ensemble, saison après saison ?

6 bonnes raisons de sortir toute l'année

Dès mes premières années d’enseignement, je me suis lancée dans l'aventure de la « classe dehors », presque à tâtons, sans même en avoir conscience et le nommer. Au départ, il s’agissait juste d’une promenade pour observer les bâtiments du quartier, faire du calcul mental à l’ombre du seul arbre de la cour… 

Mais très vite, j’ai compris que je ne faisais pas qu’emmener mes élèves dehors : je leur ouvrais un autre espace d’apprentissage, plus libre, plus vivant, plus sensoriel.

Mon expérience en REP et le fait d’enseigner au milieu de tous ses bâtiments m’ont amené à faire sortir très régulièrement mes élèves hors de l’école et hors des murs de la classe. Mon arrivée en maternelle a donné une autre tournure à mon enseignement en classe dehors. Mes élèves m'ont surprise, interpellée, émue. Moi aussi, j'ai appris. À ralentir, à écouter autrement, à enseigner avec les saisons.

1. Pour répondre aux besoins fondamentaux des enfants

Si l’école s’est historiquement construite entre quatre murs, de plus en plus de voix s’élèvent pour rappeler que l’enfant a besoin de nature pour grandir harmonieusement. 

L'OMS recommande au moins 60 minutes d’activité physique quotidienne chez l’enfant. Or, selon plusieurs études, un élève de maternelle passe plus de 80 % de sa journée assis, souvent en intérieur. La classe dehors est une réponse concrète et accessible à ce besoin fondamental de mouvement et de contact avec le vivant.

La nature offre un espace de liberté et de mouvement qui respecte les besoins moteurs, sensoriels, affectifs des tout-petits. Le dehors permet de courir, grimper, s’équilibrer, observer, écouter… vivre pleinement. Sentir le vent sur sa joue, avoir des gouttes d’eau qui ruissellent sur son visage, poser une feuille dans une flaque d’eau, écouter un oiseau chanter…

« Le développement global de l’enfant passe par l’expérience du corps en mouvement dans un environnement riche. » – Ressources Éduscol

2. Pour apprendre dans le réel, avec les saisons

Observer un bourgeon qui éclot, suivre une fourmi, sentir la pluie… Ces expériences concrètes nourrissent des compétences langagières, scientifiques, mathématiques, sensibles. 

L’enfant comprend mieux ce qu’il vit avec tous ses sens. Le vivant donne un cadre naturel à l’apprentissage, avec des repères temporels (les saisons, les cycles), spatiaux (se repérer, explorer) et sociaux (coopérer, respecter).

« L’apprentissage prend sens lorsqu’il est ancré dans des situations vécues et partagées. » – John Dewey

3. Pour favoriser le développement du langage

Dehors, tout est prétexte à parler : nommer ce qu’on voit, raconter une trouvaille, expliquer un geste, décrire un insecte… Le langage prend sens parce qu’il est utile, vécu, motivé par l’expérience

Le dehors est un terrain d’oralité riche qui nourrit aussi l’écrit (dictées à l’adulte, carnets d’exploration, albums documentaires, projets poétiques, écriture d’abécédaire). Il faut nommer les choses pour en parler. Quoi de mieux que de vrais morceaux de bois pour développer son langage !

« Le langage se développe d’autant mieux qu’il s’ancre dans une intention de communication réelle. » – Philippe Boisseau

4. Pour développer l'autonomie et la coopération

Dehors, les enfants s’organisent, négocient, inventent ensemble. Le cadre naturel impose un décentrement de l’adulte et encourage des postures actives, d’explorateurs, de chercheurs, d’observateurs. 

Cela développe la prise d’initiative, le respect des règles, la gestion de soi et des autres. La classe dehors devient un laboratoire vivant de compétences psycho-sociales. Au détour d’une collecte de morceaux de bois, C. va avoir besoin de l’aide de R. car ce bout de bois est un morceau trop grand et trop lourd être porté seul. 

« L’enfant apprend avec les autres et par les autres, dans une dynamique sociale d’apprentissage. » – Lev Vygotski

5. Pour renforcer le lien au vivant et la conscience écologique

Sortir, c’est aussi construire une relation sensible et affective avec la nature, base de toute éducation à l’environnement. Un enfant qui connaît le nom des arbres, qui s’émerveille devant une coccinelle, sera un adulte plus respectueux du vivant. La nature devient un partenaire pédagogique, pas juste un décor. 

Pour apprendre à respecter la nature et en prendre soin, il faut la rencontrer, l’apprivoiser et apprendre à l’aimer. N’est-ce pas un enjeu de taille que de permettre aux enfants qui seront les adultes de demain de se réapproprier le monde qui les entoure

« On protège ce que l’on aime, on aime ce que l’on connaît. » – Jean-Marie Pelt

6. Pour mieux apprendre… et mieux être

Des études montrent que les enfants qui passent du temps dehors sont plus concentrés, plus apaisés, plus engagés. Le dehors favorise le bien-être, réduit les tensions, améliore l’attention. 

En un mot : il favorise la réussite scolaire en respectant les rythmes et les besoins des enfants. L’effet du soleil sur l’être humain, la lumière extérieure ont des effets positifs sur le bien être, sur la santé physique et mentale. 

« L’environnement scolaire a un impact direct sur le bien-être et les apprentissages des élèves. » – CNESCO, 2023

Mais aussi…

Sortir, c’est respirer autrement. C’est changer de cadre, de rythme, de regard. La nature devient un terrain d’expérimentation, de langage, de création, de collaboration. En maternelle, le dehors est un formidable allié pédagogique : il favorise la motricité globale, la prise d’initiative, l’observation fine, l’écoute de soi et des autres.

Mais sortir, c’est aussi sortir de son cadre de confort : on accepte l’imprévu, le bruit du vent, la flaque non prévue, les chaussettes mouillées. Et c’est là que réside toute la richesse de l’expérience : dans cette ouverture au monde vivant, dans l’apprentissage par le corps, par l’étonnement, par le jeu libre et les situations authentiques.

Sortir, pour observer, bouger, parler, créer, ressentir, comprendre, collaborer, s’émerveiller, agir, raconter.

Parce que tout commence par un pas dehors. Et je dirai, par plaisir ! Quand je fais classe dehors aujourd’hui, je me sens apaisée, sereine et épanouie ! Le plaisir et le bonheur de mes élèves sont contagieux… tout comme mon bien être !

Les 4 saisons : l’automne - Explorer, récolter, transformer 🍂

Chaque matin, Sam arrive avec son petit trésor trouvé sur le chemin de l’école. Au départ, il se présente à ses camarades. Les autres enfants se sont vite pris au jeu : ils arrivaient le matin, fiers de vider leurs poches pleines de marrons, de bouts de bois tordus, de trésors qu’ils nommaient avec une précision grandissante.

L’automne, par sa richesse sensorielle, avait ouvert une brèche : celle de l’attention, de l’envie de dire, de toucher, de comprendre. Ce jour-là, j’ai compris que pour certains enfants, il suffit parfois d’un contact avec le vivant pour que l’élan d’apprendre émerge. 

Automne en forêt : quand naît l’attention à travers l’observation du vivant

L’automne est souvent la saison avec laquelle on ose commencer. Il fait encore doux, la lumière est belle, les feuilles se détachent comme des idées prêtes à éclore. Je me souviens de cet élève, habituellement peu engagé en classe, fasciné par les bogues de châtaigne qu’il observait longuement avec ses gants de jardinier. 

De là, nous avons construit ensemble un imagier tactile de la forêt. Tous mes petits élèves arrivent avec des petits trésors : marrons, feuilles d’arbres, bouts de bois…

L’approche de l’éducation à l’environnement par la nature (Anne-Louise Nesme, Louis Espinassous) repose sur la notion d’immersion sensible et du lien enfant-nature dès leur plus jeune âge

On commence par observer, sentir, manipuler, avant d’analyser. Cette étape de contact est essentielle en maternelle : c’est elle qui fonde l’attachement à la nature, préalable à toute compréhension écologique.

Conseils pratiques pour faire classe dehors en automne 

L’automne, avec ses couleurs chatoyantes et ses transformations visibles dans la nature, est une saison idéale pour éveiller les sens et approfondir les apprentissages. Voici quelques pistes pour exploiter pleinement cette période en classe dehors :

1. Observer les changements dans la nature
Invitez les enfants à remarquer la chute des feuilles, les fruits mûrs (châtaignes, glands), les champignons, et les animaux qui se préparent pour l’hiver. Cela développe l’observation, le vocabulaire et la conscience du cycle des saisons.
Lien dedans-dehors : activités de tri, de classement ou de graphisme à partir des éléments récoltés.

2. Explorer les textures et les couleurs
Organisez des ateliers sensoriels autour des feuilles mortes, de l’écorce, des mousses. Les enfants peuvent toucher, trier, associer, ce qui stimule la motricité fine et le langage descriptif.
Lien dedans-dehors : création artistique (collages, empreintes), vocabulaire précis autour des sensations.

3. Découvrir la vie animale en automne
Proposez des observations sur les oiseaux, les insectes, les petits animaux, leurs comportements saisonniers. Ces activités sensibilisent à l’écologie et aux sciences du vivant.
Lien dedans-dehors : raconter une histoire ou un documentaire, faire des jeux de rôle, réaliser le bonhomme d’automne.

4. Bouger dans un environnement stimulant
Le sol recouvert de feuilles offre un terrain de jeu propice aux courses, sauts, et déplacements variés, développant la motricité globale.
Lien dedans-dehors : exercices d’équilibre, jeux collectifs, travail sur la coordination, des défis bougeottes en s’appuyant sur les déplacements des animaux.

5. Mettre en place des rituels autour des saisons
Chants, comptines et petites histoires sur l’automne créent un cadre sécurisant et favorisent la mémorisation.
Lien dedans-dehors : reprise en classe des chants, activités langagières autour des thèmes abordés dehors.

idées d'activités à faire en automne

Les 4 saisons : l’hiver - Ralentir, observer les traces, se recentrer ❄️

Ce matin de décembre, à quelques jours des vacances, l’air piquait un peu les joues, la glace se trouve sur les bancs, le givre s’invite sur les herbes et nous sommes sortis, avec nos manteaux bien fermés jusqu’en haut, nos bonnets, nos cache-cou et nos moufles ! 

Nous sortons malgré tout, comme chaque semaine, emmitouflés et motivés. Souleymane – d’habitude très agité en classe – s’est soudain figé devant une flaque gelée. Il s’est penché, l’a effleurée, puis s’est tourné vers moi, les yeux écarquillés : 

« Maîtresse, l’eau est toute dure ! C’est transparent ! » 

Tout est parti de cette phrase… Les enfants ont alors commencé à chercher d’autres traces de l’hiver : les empreintes sur la terre dure, la buée qui s’échappait de leur bouche, les brindilles cassantes. Nous avons inventé un jeu de piste de l’hiver, observé, décrit, comparé. Rentrés en classe, nous avons dessiné nos découvertes, nommé ce que nous avions vu, joué à faire fondre la glace entre nos mains.

Ce jour-là, j’ai compris que… l’hiver n’endort pas les apprentissages. Il les ralentit peut-être un peu, mais surtout il les ancre, les rend plus sensibles, plus profonds. Le froid invite à la lenteur… et c’est parfois exactement ce dont un enfant a besoin pour se mettre à penser autrement !

L’hiver, ce n’est pas trop froid pour apprendre… c’est juste assez vivant pour s’émerveiller

Mes premières années, j’ai pu discuter avec la collègue qui reste enfermée avec ses élèves car "il fait trop froid, car il neige"… Les parents qui viennent me voir à la porte pour s’assurer qu’aujourd’hui, nous allons bien rester “au chaud”... 

Il y a une quinzaine d'années, je suis partie en voyage au Canada en février ! J’ai très vite dû m'acclimater avec les températures avoisinant les -35°. Les rues sont pleines, les jardins exhibent des igloos fabriqués par les enfants ! 

Ma question a été immédiate : ne serait-ce pas notre rapport à l’extérieur, notre rapport aux saisons et à la météo qui seraient à repenser ? Sortir en hiver, c’est accepter l’inconfort : les gants mouillés, les nez qui coulent, les enfants qui râlent. 

Et pourtant… C’est aussi la saison où l’on regarde autrement. Les arbres nus dévoilent le ciel, les empreintes nous racontent des histoires invisibles. Un jour de givre, une élève m’a dit :

 « La nature a mis du sucre sur l’herbe. » 

J’ai su que nous étions exactement au bon endroit.

Est-ce que les enfants sont capables de ralentir ? Peut-on enseigner la lenteur ? 

Le concept de l’attention conjointe (Bruner, Tomasello) trouve ici tout son sens : en se centrant ensemble sur un détail du vivant, enseignant et enfant partagent une intention, une émotion, un savoir. L’hiver permet cette concentration fine. C’est aussi une saison propice à la pleine conscience et à la régulation émotionnelle.

Mais elle demande également à l’enseignant de faire preuve d’adaptabilité. Je constate que la semaine prochaine il va neiger ! La neige va rester et tenir quelques jours… Elle va fondre vendredi ! Je change mon programme de la semaine. Nous allons découvrir la neige, la sensation qu’elle nous procure, expérimenter en nous plaçant en classe… 

En classe, nous constituons des mélanges d’eau et d’encre, on y place une petite ficelle dans des bacs à glaçons. Un congélateur à ciel ouvert est présent dans la cour : on y place les bacs et on va pouvoir constater l’effet de la neige, du froid sur nos mélanges ! 

Quelle surprise pour mes élèves : nous avons obtenu des glaçons ! Nous nous empressons de les accrocher au grillage pour décorer la cour. Très vite, nous constatons que les températures augmentent, la neige fond et seules les ficelles et quelques traces d’encre sur le sol restent visibles… 

Ce genre d’expérience vaut mieux qu’une expérience en classe, avec des glaçons placés dans un congélateur et laissés à l’air libre en classe. Nous étions dans une véritable démarche expérimentale, artistique et langagière. Nous avons pu faire le lien entre nos constats et les effets de la nature.

Conseils pratiques pour faire classe dehors en hiver

L’hiver offre un cadre unique pour éveiller la curiosité des enfants grâce à ses paysages particuliers, ses textures froides et ses changements climatiques, bref, pour profiter pleinement de cette saison tout en développant les compétences des élèves.

1. Observer les transformations de la nature
Proposez des sorties pour observer les arbres dépouillés, les traces laissées dans la neige ou la boue, les oiseaux qui restent ou migrent permet d’ aiguiser l’attention, d’enrichir le vocabulaire et développe la capacité à décrire et comparer.
Lien dedans-dehors : dessiner les silhouettes des arbres en hiver, réaliser des collections de matériaux naturels pour des activités artistiques.

2. Expérimenter avec le froid et la glace
Créez des ateliers sensoriels où les enfants manipulent la glace, la neige ou l’eau froide, observent la fonte ou la solidification sont des expériences qui encouragent l’exploration scientifique et la compréhension des états de l’eau.
Lien dedans-dehors : verbaliser les observations, faire des petits récits ou schémas explicatifs.

3. Stimuler le langage à travers les histoires hivernales
Utilisez des contes ou des albums sur l’hiver et la nature froide pour encourager le langage oral et la compréhension. Proposez ensuite aux enfants de raconter leurs propres histoires inspirées des sensations vécues dehors.
Lien dedans-dehors : séances de langage, activités de compréhension et d’expression orale.

4. Favoriser la motricité malgré le froid
Organisez des parcours moteurs adaptés (marcher dans la neige, sauter par-dessus des flaques gelées) pour maintenir l’activité physique et renforcer la coordination. Attention à bien gérer les temps de pause et l’équipement.
Lien dedans-dehors : travail sur la motricité fine avec des jeux calmes, étirements ou relaxation après l’effort.

5. Installer des rituels hivernaux

Prévoyez des moments réguliers de rituels liés à la saison : chants, comptines, jeux de doigts ou danses autour du thème de l’hiver. Ces repères favorisent la sécurité affective et la mémorisation.
Lien dedans-dehors : reprise en classe des chants et comptines, travail sur la mémoire auditive.

idées d'activités à faire en hiver

Activité de glaçons colorés. L’hiver en classe dehors invite à développer une observation fine du vivant et des phénomènes naturels, tout en consolidant les compétences langagières, motrices et cognitives dans un environnement apaisant et sensoriel.

Les 4 saisons : le printemps - Faire éclore, semer, s’émerveiller 🌺

C’était un matin de mars, encore un peu frais, mais les premiers rayons de soleil chauffaient les joues des enfants. Nous sortons pour notre temps de classe dehors, et je n’avais presque rien prévu ce jour-là, volontairement : juste un temps d’observation libre en vue de la préparation de notre fameuse fête du printemps

Khrystyna s’est accroupie près d’un vieux tronc de notre petit bois. Elle m’a appelée à voix basse : « Regarde, ça bouge… » Un escargot sortait lentement de sa coquille, comme si lui aussi attendait ce moment depuis des mois. Bérénice était assise tout près et était également émerveillée. 

Autour de cette petite découverte, toute la classe s’est rassemblée. Les questions ont fusé :

 « Il mange quoi ? », « Et sa maison, elle grandit ? », « Pourquoi il sort maintenant ? » 

De là, nous avons lancé une série de petites recherches, de dessins, d’histoires inventées, de comparaisons entre les animaux qui hibernent, ceux qui migrent, ceux qui restent. Les enfants ont commencé à écouter le chant des oiseaux, observer les petites bêtes, à ramasser des pétales, à parler des graines qu’ils voyaient pousser, voir les premiers bourgeons dans les arbres…

Ce jour-là, j’ai compris que le printemps, c’est la saison du "regard neuf". Tout semble renaître, et les enfants, eux aussi, deviennent plus attentifs, plus ouverts, plus disponibles pour apprendre. Le monde extérieur devient un véritable livre qui raconte une histoire époustouflante pleine de vérités et de découvertes ! 

Le printemps, c’est quand la curiosité bourgeonne…

Avec le printemps, l’enthousiasme revient comme une montée de sève. Tout se transforme. Les enfants aussi. Le vocabulaire explose, les récits se multiplient. C’est la saison de l’émerveillement et des projets foisonnants. Cette saison est souvent plus propice au travail en extérieur. On le relie au vivant : planter des graines, réaliser un potager !

Comment canaliser cette énergie printanière sans la brider ? Quelle place pour la science, le vivant, la poésie ? Comment ne pas s’axer uniquement sur le domaine “explorer le monde” ? Comment articuler dedans et dehors ?

Selon Maria Montessori, l’observation du vivant développe chez l’enfant la capacité à s’émerveiller et à construire un rapport éthique au monde. Le printemps est aussi un moment-clé pour introduire les cycles de vie, travailler sur le temps qui passe et la transformation des choses. 

Stanislas Dehaene évoque les 4 piliers de l’apprentissage. La classe dehors mobilise pleinement ces quatre piliers. Elle capte naturellement l’attention grâce à un environnement riche en stimuli sensoriels. Elle favorise l’engagement actif des élèves par l’exploration, la manipulation et le jeu libre. Le dehors permet le retour sur erreur en offrant des situations concrètes où les enfants peuvent tester, se tromper et ajuster sans jugement. 

Enfin, la consolidation est renforcée par les rituels, la répétition des expériences et la mémoire sensorielle liée au vécu. Apprendre dehors, c’est ancrer les apprentissages dans le corps, le temps et le réel.

Conseils pratiques pour faire classe dehors au printemps 

Le printemps est une saison idéale pour la classe dehors : la nature se réveille, les journées rallongent, et les enfants sont naturellement attirés par ce renouveau. Pour en profiter pleinement tout en construisant des apprentissages solides, voici quelques conseils pratiques :

1. Observer la nature qui change
Organisez des balades régulières pour observer la végétation qui bourgeonne, les fleurs qui s’épanouissent, les insectes qui apparaissent. Encouragez les enfants à nommer ce qu’ils voient, sentent, touchent. Cela développe leur vocabulaire, stimule leur langage oral et leur sens de l’observation.
Lien dedans-dehors : en arts visuels, proposer des dessins ou collages d’éléments ramassés, en langage, raconter ce qu’ils ont vu.

2. Travailler les sciences par l’expérimentation
Installez des petits ateliers scientifiques : mesurer la croissance d’une plante chaque semaine, comprendre le cycle de vie d’un papillon, étudier le bruit des oiseaux au printemps. Ces activités favorisent la découverte du vivant et le raisonnement.
Lien dedans-dehors : utiliser des graphiques simples pour suivre la croissance, rédiger des phrases explicatives avec l’aide de l’enseignant, prendre des photos, créer un carnet de suivi.

3. Favoriser le jeu symbolique et la créativité
Le printemps invite au jeu libre dans la nature : construire des cabanes avec des branches, créer des compositions florales, inventer des histoires autour des animaux observés. Ces moments renforcent le langage, l’imaginaire et la socialisation.
Lien dedans-dehors : raconter ou écrire des histoires inspirées des jeux dehors, jouer en ateliers de théâtre, mettre à disposition des jeux dans la cour (dinette, tables/chaises, petites voitures, accessoires de jardinage…)

4. Prendre soin de son corps en bougeant
Profitez des températures douces pour organiser des parcours moteurs en extérieur : sauts, courses, escalades, équilibre sur des troncs. Profitez de réaliser des déplacements dans un espace peu ordinaire, réaliser une randonnée pédestre, faire un cycle vélo, organiser une séquence d’orientation… Cela développe la motricité globale et la conscience corporelle.
Lien dedans-dehors : exercices de motricité fine ou relaxation après la séance dehors, étirement, gymnastique douce, yoga, danse en extérieur et en intérieur, comparaison des sensations de l’activité dans les deux lieux. 

5. Mettre en place des rituels dehors

Pour ancrer les apprentissages, instaurez des temps réguliers de rituels : chants, comptines, jeux de doigts autour du thème du printemps. Ces moments sécurisent et favorisent la mémorisation. Il peut être intéressant de démarrer ou de clôturer chaque séance de classe dehors par une comptine.
Lien dedans-dehors : reprise des comptines en classe, travail sur la mémoire auditive.

idées d'activités à faire au printemps

Projet mini cabanes protectrices, réflexion sur ce qu'est une cabane. Faire classe dehors au printemps, c’est offrir aux enfants un cadre riche en découvertes et en stimulations sensorielles, tout en renforçant les compétences du programme de maternelle dans toutes ses dimensions.

Les 4 saisons : l'été l’été : Coopérer, créer, réinvestir ☀️

Il faisait déjà chaud ce matin-là. Nous avions installé des coins d’ombre avec des voiles tendus entre les arbres de la cour. Assis sur des tapis, les enfants écoutaient une histoire pendant que d’autres, plus loin, faisaient des empreintes de feuilles trempées dans l’encre ou la peinture. 

Un petit groupe, spontanément, s’est mis à observer les fourmis qui circulaient autour d’une croûte de pain oubliée. Ils ont suivi leur trajet, cherché leur “maison”, et, en autonomie, ont décidé de les « nourrir » en testant différents morceaux.

À partir de cette scène, nous avons parlé d’organisation, de travail collectif, de monde vivant. Nous avons prolongé l’expérience en traçant des chemins sur le sol, en inventant des histoires de fourmis exploratrices, en comptant celles qui passaient à un point donné.

Ce jour-là, j’ai ressenti à quel point l’été invite à ralentir et à observer. La chaleur pousse à prendre son temps, à travailler dehors différemment, en respectant le rythme des enfants, leur besoin de mouvement comme de repos. Les apprentissages deviennent alors plus libres, plus sensoriels, profondément ancrés dans leur vécu. Et ce sont souvent ceux dont ils se souviennent le plus.

En été, les apprentissages s’étirent comme les ombres au soleil

L’été est une saison paradoxale en classe : à la fois joyeuse et chargée d’une forme de nostalgie. Le projet classe dehors trouve ici une forme d’aboutissement. Il ne nous reste que deux ou trois semaines avant la fin de l’année. Les températures augmentent et les salles de classe ne sont pas toujours adaptées pour y rester toute la journée. 

La classe dehors est devenue comme une nouvelle modalité d’apprentissage, tout comme ils peuvent apprendre en jouant, ils peuvent apprendre en explorant le dehors. J’ai vu mes élèves réinvestir seuls des routines : réaliser du land art, observer des petites bêtes, s’allonger dans l’herbe…. C’est là que j’ai compris que le dehors était devenu un espace à eux.

Comment garder l’engagement jusqu’à la fin de l’année ? Comment valoriser ce qui a été vécu ? Et si on laissait les enfants prendre les rênes ? Inspirée par la pédagogie de Célestin Freinet, cette période est idéale pour favoriser l’autonomie, la création collective, la coopération. On peut y pratiquer la pédagogie du projet en lien avec les expériences vécues.

Conseils pratiques pour faire classe dehors en été 

L’été, avec sa lumière intense, ses longues journées et la richesse de la nature en pleine activité, offre un cadre idéal pour des apprentissages variés en classe dehors. Pour tirer parti de cette saison, voici quelques conseils pratiques :

1. Observer la nature en pleine vie
Encouragez les enfants à découvrir les fleurs écloses, les insectes actifs, les fruits mûrs et les arbres en pleine croissance. Cela stimule leur curiosité, enrichit leur vocabulaire et développe leurs compétences d’observation.
Lien en classe : dessiner, nommer et classer les éléments observés, travailler le vocabulaire spécifique.

2. Expérimenter avec l’eau et la lumière
Proposer des ateliers sensoriels autour de l’eau (jeux d’arrosage, expérimentations avec des contenants, observation des reflets) et des ombres portées avec le soleil. Ces activités favorisent la compréhension du monde et le raisonnement.
Lien en classe : mise en mots des expériences, réalisation de petits carnets d’observations.

3. Favoriser le jeu libre et la créativité
L’été invite à de nombreux jeux en plein air, que ce soit dans l’eau, la terre ou l’herbe. Encouragez la construction, la création artistique avec des matériaux naturels, ou des jeux symboliques. Ces pratiques développent le langage, la motricité et l’imaginaire.
Lien en classe : raconter des histoires inspirées des jeux, ateliers artistiques sur les éléments naturels.

4. Bouger pour se maintenir en forme
Profiter du beau temps pour organiser des activités physiques variées : courses, sauts, parcours moteurs. Cela développe la motricité globale et la gestion de l’effort. Pensez à prévoir des temps de repos et à protéger les enfants du soleil.
Lien en classe : exercices de respiration, relaxation ou étirements à la fin des séances dehors.

5. Installer des rituels estivaux

Chants, comptines et moments de regroupement sur le thème de l’été contribuent à structurer la journée, sécuriser les enfants et ancrer les apprentissages.
Lien en classe : reprise des chants en classe, travail sur la mémoire et l’expression orale.

idées d'activités à faire en été

Activités dehors en co-parentalité (11 parents pour 19 élèves, + participation de l'emploi civique, d'une AESH, de l'Atsem). Faire classe dehors en été, c’est profiter d’un environnement stimulant et vivant pour ancrer les apprentissages dans la sensorialité, le mouvement et la découverte active.

comment donner du sens aux familles ?

Pour conclure : ce que la nature nous apprend… à nous aussi

Sortir, c’est faire confiance. À la nature, bien sûr, mais aussi aux enfants… et à soi-même. C’est accepter l’imprévu, accueillir le désordre créatif, composer avec le temps qu’il fait et le temps qu’il faut. Finalement lâcher-prise tout en cadrant les choses ! 

La classe dehors m’a transformée. Elle m’a appris à enseigner autrement, à mieux écouter mes élèves, à valoriser les petites trouvailles et les grands étonnements. Elle m’a donné un cadre souple et vivant pour travailler les compétences fondamentales autrement, sans les isoler ni les figer. Elle m’a permis de m’apaiser et de mieux profiter de chaque instant avec mes élèves en donnant la place à chaque lieu dans les apprentissages.

Au fil des saisons, j’ai vu des élèves s’ouvrir au monde, à eux-mêmes, aux autres. J’ai vu des enfants peu à l’aise en classe s’épanouir dehors, des petits en difficulté oser parler, coopérer, inventer. J’ai vu des familles émues et investies de retrouver, dans les mots de leurs enfants, des souvenirs partagés dehors.

Et j’ai vu combien l'école peut être un lieu d’émerveillement, de lien, de transformation pour peu que l’on laisse les élèves -enfants- exister peu importe le lieu. 

Alors oui, sortir demande un peu d’organisation. Un peu de lâcher-prise. Un peu d’audace. Mais surtout… beaucoup d’envie. Et c’est contagieux ! 

 

Natacha Cazogier, professeure des écoles depuis 18 ans, PEMF en maternelle et à l’INSPE depuis 3 ans

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