Enseignante de langue rare, j’ai au lycée, faute d’effectifs suffisants, des classes multi-niveaux. Elles regroupent parfois des élèves de LVB (qui ont débuté au collège) et des LVC (qui commencent en seconde), ou deux niveaux (1ères et terminales). Autant dire que j’ai dû rapidement abandonner l’idée de la classe homogène pour surfer sur la vague de l’hétérogénéité ! 

Je vous propose donc, dans un premier temps, pour en finir avec le mythe de la classe homogène, de vous partager en quoi elle me semble n’être qu’une pseudo-zone de confort. Ensuite, je vous proposerai les trois leviers pédagogiques que j’utilise pour tendre vers une forme d’homogénéisation du groupe classe : un groupe dans lequel tout le monde fait le même type d’activité en même temps et prend plaisir à avancer dans la même direction, quelle que soit la longueur du pas. 

Pourquoi sommes-nous si attachés à cette vision d’homogénéité ? Personnellement, il me semble que cela résulte avant tout de notre vision du professeur idéal, qui incarnerait celui qui parvient à faire atteindre le meilleur niveau possible à tous ses élèves en un temps donné, conformément aux objectifs fixés par le programme. Mais la réalité du terrain nous amène rapidement à une grande désillusion ! 

Comment pourrions-nous définir une classe homogène ? Si c’est une classe à niveau unique, alors cela correspond à la majorité des classes, du primaire au lycée, et ce quelle que soit la discipline enseignée. Les élèves ont le même âge (à quelques rares exceptions) et le même parcours antérieur dans la matière que nous enseignons. Et pourtant, nous ne cessons de parler d’hétérogénéité ! Quel paradoxe ! 

En nous attardant sur la signification des termes homogène et hétérogène, on comprend immédiatement que comme nos élèves n’auront jamais tous exactement le même âge, la même origine, la même culture, la classe homogène, au sens strict du terme, n’existe pas. 

Jean Astier, dans Le mythe de la classe homogène, écrit d’ailleurs : « L'homogénéité a de valeur seulement pour un système qui fragmente l'individu au point de s'intéresser uniquement à un type de mémorisation permettant la restitution fidèle de connaissances programmées. Ce système fonctionne et se justifie par la mise en concurrence des individus constituant des groupes illusoirement homogènes au départ (c'est la pseudo-égalité des chances). L'effet Posthumus (ou constante macabre), qui montre que quel que soit le niveau véritable des élèves, le pourcentage de mauvaises notes est constant, révèle à quel point l'homogénéité est une construction idéologique. » 

Nous comprenons donc que la classe homogène est un mythe qui aurait pour vertu essentielle de faciliter le travail de chacun, surtout de l’enseignant ou l'enseignante, mais sans pour autant garantir la réussite de tous. Comment, une fois ce mythe déconstruit, parvenir à surfer sur la vague de l’hétérogénéité en classe ? 

Personnellement, j’ai beaucoup appris en enseignant en classe à double niveau, et encore plus l’année de la mise en place de la réforme du bac, où j’ai dû conduire deux groupes vers des épreuves d’examen et des programmes culturels différents. Mon premier levier a été d’identifier les points sur lesquels j’allais pouvoir m’appuyer pour construire un groupe classe harmonieux. 

Persuadée que l’harmonie ne peut émerger que si le groupe est en cohésion, j’ai d’abord misé sur l’idée que l’intérêt pour le cours permettrait la cohésion du groupe. Aussi, pour renforcer la motivation, j’ai commencé par identifier les sujets qui pourraient les intéresser. En fin de période, je leur proposais donc la liste desdits sujets, et les élèves choisissaient. Le programme thématique de la période suivante était ainsi établi. Ceci a certes renforcé leur motivation, mais sans forcément renforcer la cohésion. Voici donc mes conseils : 

La liste des thèmes abordés ainsi établie m’a permis de renforcer la motivation, mais sans forcément amener l’effet cohésion escompté. Après recherches, observations et réflexions, j’ai finalement retenu trois items pour renforcer la cohésion : responsabiliser les élèves, établir des groupes de compétences et différencier. J’ai donc décidé de susciter l’entraide entre les élèves en établissant des groupes de travail au sein desquels je mixe les besoins, ce qui permet aussi de valoriser chaque élève. Une fois cette façon de travailler bien rodée, je leur demande de créer eux-mêmes le groupe, ce qui les responsabilise et renforce leur motivation. La marche à suivre : 

Préparer le contenu de notre année de cours demande beaucoup d’anticipation, surtout avec des classes multiniveaux. Il faut jongler entre les impératifs des programmes propres à chaque niveau, les acquis antérieurs et futurs, les échéances annuelles souvent différentes (conseil de classe, examen), sans oublier d’aborder toutes les compétences. 

Aussi, il me semble important de se focaliser sur 3 points : avoir une progression cohérente, prendre en compte les besoins des élèves et penser l’interdisciplinarité. Et sur l’idée que la progression doit être spiralaire et peut être établie sur un cycle entier si besoin, et non uniquement sur une année scolaire. En résumé :

La classe homogène est donc un doux mythe sur lequel il ne faut pas se focaliser ! En revanche, il est important de veiller à créer une cohésion au sein de chaque groupe classe, afin de travailler efficacement et sereinement. 

Et vous, quelles sont vos astuces pour prendre en compte l'hétérogénéité de vos élèves ?

Agnès Peschard

Enseignante de chinois depuis 14 ans en collège et lycée