Ma classe est un véritable champ de tensions : les disputes et les conflits s’enchaînent, les élèves ne s’entendent pas, ajoutons à ceci une ambiance froide et maussade….

Comment transformer ce climat scolaire pesant en un environnement ensoleillé ? Créer un statut d'ambassadeur ou ambassadrice de la positivité pourrait bien être la solution !

Dans cet article, je vous propose 5 idées à appliquer en classe qui favorisent la participation, renforcent les liens et apportent de la bonne humeur !

Sarah était une élève discrète, presque invisible. Chaque jour, elle semblait s’efforcer de passer inaperçue, et ses copies étaient souvent truffées d’erreurs. Un jour, j’ai décidé de lui confier un rôle inédit : celui d’ambassadrice de la positivité. Elle m’a regardée avec des yeux ronds, l’air dubitatif, et m’a demandé : "Mais… c’est quoi ce truc ?".

Je lui ai expliqué simplement : "Ton rôle, c’est d’observer les autres et, à la fin du cours, de nous dire quelque chose de positif que tu as remarqué. Cela peut être un élève qui aide un camarade ou quelqu’un qui a une bonne idée."

Elle m’a répondu, presque agacée : "Mais je suis nulle… Pourquoi moi ?". J’ai insisté : "Parce que je crois que tu peux le faire, Sarah. Et je suis sûre que tu verras des choses que les autres ne voient pas."

Un peu… contrainte, elle a accepté. À la fin de l’activité, quand je lui ai donné la parole, je n’en menais pas large. Je pensais qu’elle allait rester muette et je cherchais déjà dans ma tête comment j’allais rebondir. Et là, elle a pris son courage à deux mains et a dit : "Je veux remercier Lucas, qui a aidé Manon à comprendre l’exercice, et Manon, parce qu’elle a laissé Lucas lui expliquer."

Pour la première fois, tous les regards se sont tournés vers elle. Sarah était écoutée, reconnue. À la fin du cours, elle est venue me voir et m’a confié : "Madame, c’est la première fois que je me sens utile."

Depuis ce jour, Sarah a changé : elle s’est ouverte et a pris confiance

Elle parle, pose des questions, se sent légitime dans cette classe. Mais ce rôle a aussi aidé la classe en montrant que chacun, quel que soit son profil, peut contribuer au collectif. C’est ainsi que les ambassadeurs de la positivité sont nés dans ma salle de classe. 

Un ambassadeur de la positivité, c’est un élève qui apporte de l’enthousiasme, de la bienveillance et une envie de créer du lien dans la classe.

Il ou elle encourage ses camarades à participer, à imaginer ensemble et à transformer les idées en projets concrets. Avec son énergie et son regard optimiste, cet élève contribue à faire naître une ambiance plus chaleureuse et dynamique. Il y en a énormément dans vos classes mais ils sont bien cachés, il faut arriver à les débusquer car généralement ce sont de grands timides !

Un jour, Lylou, une de mes ambassadrices de la positivité en 5ème, est arrivée en classe avec un énorme sac, dont elle a sorti… une boîte aux lettres de La Poste. Oui, une vraie. Preuve en est. Sur le moment, je n'avais aucune idée de ce que nous allions en faire, mais j’ai vu les yeux de Lylou briller d’enthousiasme. Elle avait une idée, et je le savais, l'objet allait créer quelque chose d’important dans cette classe à l’ambiance… mortelle. 

En l’intégrant à notre classe, la boîte aux lettres est devenue bien plus qu’un simple objet. Elle est devenue un moteur de projets, un point de départ pour des idées inattendues, et surtout, elle a permis de redonner vie à l’ambiance de la classe, auparavant un peu chaotique. Voilà comment nous avons transformé une simple boîte en un espace d’expression créatif pour toute la classe !

Moralité : laissez une marge de manœuvre à vos ambassadeurs !

Ils vont oser vous apporter des objets complètement incroyables, et vous gardez la liberté de l’utiliser à votre manière. L’essentiel ici est d’encourager les élèves à apporter des objets sans savoir exactement ce qu'ils en feront. Par exemple, la boîte aux lettres a démarré sans plan précis, mais en la découvrant, les élèves ont vu tout un éventail d’idées créatives émerger.

L’idée est que les ambassadeurs de la positivité ont la responsabilité de lancer une idée, un projet fédérateur en classe. Le tout est de favoriser les idées de groupe, et non de se concentrer sur des résultats individuels. 

On peut ainsi imaginer un rituel autour d’un objet. De manière hebdomadaire , les élèves peuvent se retrouver autour de ce dernier, et y déposer des messages, des livres ou même des défis. C’est un moyen ludique de transformer l’ambiance de la classe, en créant des moments de partage et de cohésion.

Un jour, j’ai écrit au tableau une citation qui m’inspire profondément : "Il faut viser la lune, parce qu’en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles" (Oscar Wilde). Cette phrase, simple mais puissante, a rapidement infusé ma pédagogie. 

Je la cite à tout moment : pour motiver un élève, encourager un effort, ou relancer l’énergie de la classe. Elle est devenue notre mantra collectif, s’invitant sur les murs de la salle, dans les cahiers, et au cœur de nos discussions.

Une idée m’a traversée : "Et si cette mission d’inspirer devenait celle des élèves eux-mêmes ?". Depuis, ce sont mes ambassadeurs de la positivité qui ont pris le relais. Ils choisissent eux-mêmes des citations inspirantes, qu’ils présentent à la classe avec une affiche.

Chaque nouvelle citation devient le point de départ d’un débat collectif 

Que signifie-t-elle pour nous ? Quel impact pourrait-elle avoir dans notre quotidien ? À la fin, nous décidons ensemble si cette citation mérite une place dans notre salle de classe, sur notre porte, ou même dans notre couloir (oui, la salle 208 a ce privilège stratégique d’inspirer les passants !).

Ce rituel, entièrement orchestré par les ambassadeurs, a transformé ces moments en véritables temps forts. Il permet de commencer ou conclure chaque journée sur une note positive, tout en favorisant un espace d’échange riche en idées, en émotions et en connexions.

Mon rôle est de guider discrètement, mais ce sont les ambassadeurs qui choisissent, préparent et animent le rituel. Cela donne aux élèves un sentiment de responsabilité et de reconnaissance. En intégrant ces rituels, la classe se transforme : chacun trouve sa place, et l’ambiance devient plus soudée, plus motivée, et surtout plus positive.

J’ai remarqué que certaines journées ou certaines heures semblaient particulièrement plates, comme si l’énergie de la classe avait disparu... J’avais beau chercher des moyens d’animer les discussions, certains élèves restaient silencieux, et l’ambiance devenait lourde. 

Alors, j’ai eu une idée : dans ces moments-là, pourquoi ne pas demander à mes ambassadeurs de la positivité de lancer des défis courts, motivants et inspirants pour booster l’énergie de la classe ? 

Dès que j’ai introduit ce "flash de positivité", quelque chose a changé. Les élèves se sont réveillés, ont commencé à participer activement, et l’atmosphère est devenue beaucoup plus dynamique. Le plus surprenant ? C’était simple, rapide, et tout le monde était prêt à se lancer. 

Discuter d’un sujet en profondeur tout en dynamisant la classe

Les ambassadeurs peuvent poser des questions simples, comme Quelle action positive avez-vous remarquée aujourd'hui ?, Quel concept vous a semblé le plus important dans la leçon d’aujourd’hui ?.

Pour encourager la participation, il est utile de récompenser les élèves qui participent activement. Les ambassadeurs sont responsables de poser les questions, de gérer les réponses et de maintenir un environnement dynamique. Ils peuvent aussi rappeler à leurs camarades de répondre de manière constructive et bienveillante.

Garance, l’une de mes ambassadrices de la positivité, est arrivée en classe un jour avec une idée brillante : créer un jeu de timeline littéraire. Elle avait repéré des dates clés dans les livres étudiés en classe, et elle voulait que la classe construise ensemble une ligne du temps interactive de ces événements. 

Elle m’a également proposé d'intégrer un dictionnaire du Québec, un projet qu’elle avait vu dans un documentaire, pour enrichir notre compréhension de la langue et de la culture québécoise. Ce qui était fascinant, c’est qu’elle n’avait aucune feuille de route précise. Elle voulait juste donner le point de départ à la classe et laisser la magie opérer. 

Grâce à l’initiative de Garance, la classe a plongé dans ces projets avec enthousiasme. La timeline a évolué au fil des semaines et est devenue un espace collaboratif où chaque élève pouvait ajouter ses idées et observations. Le dictionnaire a, lui, pris la forme d'un projet en constante évolution, où les élèves étaient invités à proposer des mots et expressions de la culture québécoise à expliquer aux autres. Elle a aussi lancé l’idée de présenter un exposé sur les noms des îlots : Mme de Beauvoir, Montaigne, Beaumarchais, Mme de Sévigné, Modiano, Duras, etc.

Renforcer l'engagement et la coopération des élèves

En confiant aux ambassadeurs la responsabilité de créer et de développer des projets collectifs, on cultive un environnement où chacun peut s’investir et apporter sa touche personnelle. C’est ainsi qu’en laissant libre cours à la créativité des ambassadeurs, on transforme la dynamique de la classe et on l’enrichit de nouveaux défis à relever ensemble.

L’idée ici est que les ambassadeurs de la positivité ont la responsabilité de lancer des projets fédérateurs en classe, qu'il s'agisse de créer des jeux, des événements ou des défis qui vont rassembler les élèves autour d'un objectif commun. On leur donne la liberté de proposer des idées sans savoir exactement où cela nous mènera. 

Ce n’est pas tant le résultat qui compte, mais l’expérience partagée et l’implication collective. Chaque projet ou idée initiée par les ambassadeurs doit être nourri par un rituel régulier : par exemple, une fois par mois, les élèves peuvent se retrouver autour du projet en cours et échanger sur leur évolution. Cela peut être un moment de partage des progrès, d’ajouts de nouvelles idées ou de discussions sur les défis rencontrés.

Sophie Defour, professeure de lettres modernes au collège depuis 2008