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Comprendre la peur dans les apprentissages

Isabelle Peloux
7 septembre 2021 16:41
5 mn

Ce contenu fait partie du parcours Gérer les émotions pour favoriser l'apprentissage

Ces émotions qui gênent les apprentissages

On le rappelle : apprendre, c’est prendre des risques, c’est passer par des phases qui fragilisent, déstabilisent, exaltent. 

« Apprendre implique de remettre en question ce qu’on croyait savoir, de s’ouvrir à de nouvelles idées et à davantage de complexité, et de déployer des efforts sans en connaître forcément l’aboutissement. » 
Catherine Meilleur, L'importance des émotions dans l'apprentissage 

Pour passer du stade « inconsciemment incompétent » au stade « inconsciemment compétent », il faut accepter de faire vivre certaines émotions, parfois désagréables.

Les émotions : moteurs ou freins pour l’apprentissage ? 

Les émotions peuvent affecter l’apprentissage comme toute autre activité. Elles peuvent ainsi avoir un impact soit positif, soit négatif sur l’attention, la motivation, les stratégies d’apprentissage et la capacité à s’autoréguler dans son apprentissage. Parmi les émotions négatives susceptibles d’entraver à un moment ou à un autre le processus d’apprentissage, on peut compter :

  • l’anxiété ;
  • la peur de l’échec ;
  • l’embarras ;
  • l’incapacité à comprendre un exercice ;
  • le découragement ;
  • l’ennui.
     

Du côté des émotions positives qui ont une incidence bénéfique sur ce processus, on retrouve principalement :

  • le plaisir d’apprendre en général ;
  • le plaisir d’apprendre sur une matière en particulier ;
  • l’enthousiasme vis-à-vis du matériel d’apprentissage ;
  • l’espoir de réussir ;
  • la fierté attribuable à des accomplissements.
     

Attention à ce stade à ne pas réduire les émotions négatives à des freins et les émotions positives à des carburants. On peut tout à fait imaginer que l’anxiété, la colère, peuvent être de merveilleux moteurs incitant, par exemple, un enfant à se dépasser. Une joie trop forte pour autre exemple peut faire écran et prendre toute la place du processus cognitif à mettre en jeu dans l’apprentissage.

La peur, émotion la plus présente dans le processus d’apprentissage

Dans une journée de travail en classe, l’émotion la plus chatouillée est la peur, car apprendre est déstabilisant. Comme l’école propose toute la journée des situations d’apprentissage, elle met par principe l’enfant en recherche sur des sujets qu’il ne connaît pas. Cela est évident mais pas forcément conscient chez les enfants. Il est nécessaire de le mettre en mots. 

Dans mon école, nous le rappelons souvent que « l’école sert à apprendre de nouvelles choses ; il est donc normal de ne pas savoir faire. Essayer, échouer, essayer de nouveau, réussir font  partie du processus d’apprentissage ».

Il est donc utile pour l'enseignant de parler des peurs :

  • La peur de ne pas y arriver : quand je prends conscience que je suis incompétent, je peux avoir peur de ne pas y arriver ;
  • La peur que les autres voient que je n’y arrive pas : depuis qu’il est petit, l'enfant apprend par mimétisme. Il fait comme l’autre lui montre et c’est en se comparant au modèle ou au résultat obtenu qu’il évalue sa réussite. Il a donc besoin de cette comparaison pour progresser.
     

Un vocabulaire commun à développer pour ne pas parasiter l’espace des apprentissages

Si l'autre comprend plus vite que moi, si l’autre dit que « c’est facile » alors que je ne trouve pas encore la solution, cela peut me stimuler : « Il n’est pas question que je n’y arrive pas si l’autre y arrive ! » C’est le principe utilisé dans la compétition pour progresser. Mais le plus souvent cela active une autre interprétation : « Si l’autre a déjà trouvé, c’est que je suis nul, je n’y arrive pas. » Alors la compétition nourrit ce ressenti et crée souvent le sentiment d'être perdant, moins bon, voire « nul ». 

Cette peur de « me vivre nul » face à l’autre, aux autres, est très présente à l’école. D’où l’importance de proposer à l’enfant une restitution en tête-à-tête, si le regard du groupe le fragilise, et de le verbaliser. 

Dans mon école, les enfants ont décidé d’interdire de dire « c’est facile » car cela perturbe ceux qui cherchent encore. On le garde pour soi. Cela paraît banal, mais cela change tout : « Si j’entends l’autre dire que c’est facile alors que je ne trouve pas, je me sens perdant, cela me décourage, cela peut me donner envie d’arrêter de chercher ».

Par ailleurs, ils n’ont pas le droit de dire la réponse, afin de ne pas voler aux autres la joie de la trouver… Alors on lève le doigt, on patiente. La sensation d’être « nul » crée de la souffrance et empêche le plus souvent d’avancer ; elle génère une baisse de l’estime de soi et, sans estime de soi, on perd l’énergie qui permet de prendre le risque d’apprendre. 

Si l’élève se retrouve dans une posture défavorable, son cerveau reptilien le plonge dans un état émotionnel qui lui indique de se protéger. Il peut s’agir d’un état de peur, de colère, de tristesse. Si ces derniers ne sont pas repérés par l’individu qui les vit, ils vont se manifester par un comportement qui n'est pas forcément compréhensible des autres. Par exemple, il est difficile de comprendre qu’un enfant qui met le bazar est en fait inquiet.

Je vous propose de traduire les comportements à partir d’une grille de lecture validée aujourd’hui par les neurosciences. Lorsque l’humain est en danger, il a trois façons de se défendre : la fuite, l’attaque ou l’inhibition :

  • fuite : être dans la lune, ne pas écouter, avoir des problèmes d’attention ;
  • attaque : mettre le bazar pour détourner l’attention, faire rire les autres, répondre « avec insolence », déranger verbalement ou bruyamment ;
  • inhibition : couper son attention et se faire oublier, ne plus bouger, espérer qu’on ne nous interroge pas.
     

Apprendre à être en relation pour développer des liens d’équivalence

À l’école, il y a aussi toutes les émotions liées à la relation : avoir des amis, être admis dans un groupe, trouver des copains pour jouer, se comparer à la réussite de l’autre. Entrer en relation, c’est entrer en conflit, immanquablement. L’enjeu n’est pas d’éviter le conflit mais bien de prévenir la violence qui l’accompagne. 

Nous sommes des êtres sociaux, en lien perpétuel avec tout ce qui nous caractérise : notre émotivité, notre histoire, nos expériences, nos besoins… Imaginez quand toutes ces caractéristiques se rencontrent dans la relation : un cocktail détonnant !

Notre défi sera donc d’apprendre à prendre du recul pour ne pas nous laisser aspirer par les événements, en identifiant les causes de ces impressions de menaces et les ressources à mobiliser. Accepter de vivre ensemble pour apprendre à gérer les heurts correctement.

Il est utile pour les enseignants d’apprendre à lire les émotions à l'œuvre dans les comportements visibles de leurs élèves afin de moins porter de jugements qui risqueraient de générer des malentendus, sources d’inconfort.

Il est aussi important d’apprendre à lire les émotions pour ne pas s’engager (bien involontairement) dans une escalade délétère.

Considérons l’élève qui fuit, attaque ou s’inhibe comme inquiet/inquiète, vivant une situation inconfortable. Il/elle a besoin d'être rassuré/rassurée, contenu/contenue, accompagné/accompagnée. Si l’enseignant contre-attaque, la personne  contre-attaquera car elle sera encore plus en insécurité.

Développer notre propre compréhension de nos émotions pour accompagner au mieux nos élèves

Notre rôle est d’avoir assez de recul pour savoir que, derrière un comportement d’attaque, il y a un enfant inquiet, que, derrière un comportement de fuite, il y a un enfant inquiet, que, derrière un enfant figé, il y a un enfant inquiet. 

Dans un contexte classique, nous devinons facilement l’inquiétude face à des comportements de fuite ou d’inhibition, mais nous n’avons pas l’habitude de lire les comportements de provocation, de colère comme des comportements d’élèves inquiets. C’est cette nouvelle lecture que je vous propose, qui aide vraiment à faire le pas de côté. Vous pourrez tester cela en demandant à un enfant qui met le bazar ce qui l’inquiète. C’est spectaculaire de le voir immédiatement ne plus avoir besoin d’exprimer sa peur mais ce qui ne va pas pour lui.

L’enfant inquiet qui attaque nous fait nous-mêmes contre-attaquer. Si nous n’avons pas pris le temps d’observer notre émotion, l’engrenage est très rapide. Mais la différence entre l’élève et l’adulte est de taille. Le lobe frontal de l’enfant n’est pas mature et n'a donc pas la capacité de réguler ses états émotionnels comme les adultes. 

Ce sont donc les adultes qui doivent prendre la responsabilité de ne pas nourrir cet échange émotionnel qui va s’effectuer crescendo. D’où l’importance pour les enseignants, mais évidemment aussi pour tous les adultes qui encadrent des enfants, de savoir repérer leurs états émotionnels, de savoir ce qui les pousse à adopter des comportements défensifs désagréables pour les enfants qu’ils accompagnent. Il est de leur devoir de gérer leurs réactions, d’autant plus que les élèves les imiteront !

Ces émotions qui gênent les apprentissages

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3 profs ont trouvé ce contenu utile

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Commentaires

  • christel — 25 octobre 2021 08:16 (modifié)

    Merci beaucoup pour ces outils... En effet, nous sentons bien les difficultés des élèves, mais n'arrivons pas forcément à les analyser. Un moyen entre autre d' avancer en tout cas!

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