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Paroles d’élèves et paroles d’historiens : comment parler des personnages religieux et des religions en classe ?

Claire Legall-Donot
25 février 2021 17:21
5 mn

Que ce soit dans des séances d’EMC, dans des séances de littérature ou dans des séances d’histoire, tout enseignant se voit confronté à un moment ou à un autre à parler de personnages religieux et/ou de religions. Si ces questions mettent mal à l’aise bien plus d’un enseignant, elles sont pourtant présentes dans les programmes du cycle 3 et bien plus encore du cycle 4 .

« Mais c’est qui Zeus et Apollon, maîtresse ? » 
« C’est vrai que Jésus a existé ? »
« Moi je dis Mahomet, mais pourquoi certains disent Mohamed ? »
« Mais les Français, ils sont chrétiens mais moi je suis français et je ne suis pas chrétien »

Toutes ces phrases et ces questions sont posées régulièrement par nos élèves adorés et laissent parfois leur professeur un peu pantois.

Alors peut-on parler des personnages liés à des religions en classe ? Si oui, comment en parler pour ne pas sortir de notre posture professionnelle éthique, de notre neutralité qui est mentionnée dans l’article 11 de la Charte de la laïcité

Voici en un mot, en une situation analysée et en quelques supports des propositions de réponses à ces questions auxquelles nous sommes tous confrontés un jour ou l’autre.

La réponse peut d’abord tenir en un mot : la distanciation
 

Oui, la distanciation professionnelle, celle qui nous permet de dire : « Les historiens ont déterminé que l’existence de Jésus est un fait historique car plusieurs témoignages sources corroborent ce fait (travail sur les recherches scientifiques des historiens). Par contre, ce que les croyants chrétiens racontent sur ce personnage, sur ce qu’il a fait dans sa vie, sa naissance même… tout ceci fait partie de leurs croyances et ne sont pas des faits vérifiés par les historiens. »

On pourra donc faire de même avec les autres religions, les héros mythologiques de la culture de la Grèce antique et les récits des dieux de l’Olympe, ou des dieux Vikings, Gaulois et Romains quand on traite de la construction de la culture et du territoire français. On met ainsi une distance entre ce que l’on peut vérifier (le savoir) et ce que l’on ne peut pas vérifier donc que l’on peut croire (les croyances). Et oui, on peut dire cela à l’école. Surtout si on a déjà parlé de la différence entre CROIRE et SAVOIR. Si vous n'avez pas encore testé cette séance, venez la découvrir dans notre atelier dédié (gratuit et ouvert à tous) pour vous accompagner, le mercredi 10 mars de 15h à 16h sur Zoom.

Mais il est utile de préciser qu’il est préférable de ne pas mettre en concurrence l’un ou l’autre de ces termes. Il est davantage judicieux de préciser ce que l’on traite à l’école, c’est-à-dire le savoir : on transmet des connaissances aux élèves, des connaissances historiques sur ces personnages mais aussi des connaissances sur les principales croyances religieuses sur ces personnages. Ainsi, en apprenant à distinguer ces deux types de connaissances, les élèves comprennent que chacun est libre de croire en ce qu’il veut et les élèves doivent en avoir conscience (travail sur le sens de la laïcité comme un droit qui protège chaque citoyen de toute contrainte extérieure vis-à-vis de ses croyances) : on prendra appui ici sur les articles 3, 6 et 7 de la Charte de la laïcité.

On prend donc de la distance avec les différentes croyances pour prendre appui avec ce que l’on peut vérifier, ce qui est source du savoir enseigné à l’école.

Éduquer la laïcité par l'enseignement des faits religieux en cycle 3

Découvrez toutes nos ressources pour vous outiller à l'enseignement de la laïcité en classe

La réponse peut aussi tenir en l’analyse d’une situation vécue à partir d’une question d’élève

Par exemple, voici ce qu’un élève m’a récemment dit lors de la leçon sur la christianisation des Gallo-romains : « Mais ils sont fous de croire en plusieurs dieux, il y en a qu’un ! » (sur un ton bien affirmé).

Accueillant avec bienveillances les paroles de cet élève, je l’ai d’abord questionné pour lui apprendre à situer son propos : « Est-ce que tout le monde aujourd’hui croit qu’il y a un seul dieu ? » et une fois qu’il a dit « Non pas tout le monde, c’est ce que moi je crois ! »

Alors j’ai pu lui dire : « Donc c’est ce que tu crois, toi et cela t’étonne peut être parce que tu ne ne connais pas cette croyance. Mais à cette époque, le fait de croire en plusieurs dieux était banal, comme une coutume, un mode de vie. Et durant les siècles, on voit que les croyances évoluent… Aujourd’hui le droit français te donne le droit de croire en ce que tu veux mais il donne aussi le droit à quelqu’un d’autre de croire en autre chose, par exemple de croire en plusieurs dieux, ou même de ne pas croire en un dieu. » 

Même si cet élève m’a semblé rester un peu dubitatif, une graine est semée et j’ai tenu mon rôle d’enseignante qui est aussi de dire le droit (articles 3 et 4 de la Charte de la laïcité), de maintenir une posture bienveillante et éthique (articles 10 et 11 de la Charte), afin que tous les élèves puissent entendre ce positionnement.

Jardinière dans l’âme (et nous le sommes tous…), j’ai semé une autre graine en terminant cette leçon par une autre question : « Pourriez-vous me citer une religion, elle aussi ancienne mais encore pratiquée aujourd’hui, où les croyants croient en plusieurs dieux ? Allez je vous donne quelques indices : un dieu à tête d'éléphant, un autre avec plusieurs bras… »

Et hop, un petit exposé est sorti de mon chapeau et des élèves s’en sont emparés avant que je n’ai eu le temps de vérifier ma liste d’exposés… Ce qui prouve l'intérêt que portent les élèves à ces questions qui sortent enfin de “sous le tapis” et deviennent ainsi un véritable objet d’études, de découvertes, de support au débat philosophique et au respect des différences de chacun.

En somme, ces questions vont et viennent régulièrement en classe et il faut savoir leur donner des réponses. On ne peut indéfiniment les ignorer; s'appuyer sur le droit, sur notre posture bienveillante et éthique permet de répondre à ce type de postulat que nous proposent parfois nos élèves.

La réponse peut enfin tenir en quelques outils pour aborder le travail de l’historien en classe :


1) Prendre appui sur la démarche de l’historien qui se fonde sur des preuves (des sources) qui se croisent :

2) Prendre de la distance et garder en tête la posture enseignante   (neutralité, respect des croyances des élèves…)

Les fiches institutionnelles Eduscol et le référentiel de compétences du PE (Bulletin officiel du 25 juillet 2013) peuvent vous aider à y avoir plus clair. Notre collègue Emilie a également tourné un tuto pour tout vous expliquer sur la neutralité dans notre métier


3) Induire une réflexion sur le monde et sa diversité pour aller vers un travail construit vers le respect des différences (au sens large).

Découvrez les contenus de LUMNI sur “Respecter autrui et accepter les différences” 
 

Alors, maintenant, on se remonte les manches, on affirme sa posture, on répond humblement aux questions posées et, dans le cas où l’on n’a pas la réponse (et oui, ça arrive et ce n’est pas grave !), on diffère mais on apporte toujours une réponse en pensant au lexique utilisé afin de faire germer dans l’esprit de nos petites têtes blondes les valeurs de respect et de tolérance que nous enseignons.

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