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Parler de laïcité, c’est apprendre à concilier singulier et collectif, conviction intime et valeurs républicaines partagées, c’est apprendre à être laïque ! Mais nous le savons, certaines questions, certaines affirmations de nos élèves peuvent nous décontenancer, peuvent nous embarrasser car nous ne voulons pas leur opposer une autre manière de concevoir le vivre ensemble mais leur faire s’approprier ces valeurs qui régissent notre vivre ensemble commun. Nous ne souhaitons pas créer de conflit de loyauté ni porter de jugement sur les convictions de nos élèves. Ce serait contre-productif.
Alors comment faire si des élèves sont fermés à la pluralité des convictions et à leur diversité interne ?
Comment réagir si un élève ne s’intéresse qu’à sa propre conviction et refuse d’entendre parler d’une autre religion que la sienne ?
Voici quelques propositions de gestes professionnels pour vous rassurer et pour engager vos élèves dans une réflexion qui ne créera pas de conflit de loyauté vis-à-vis de leur famille et de leurs convictions.
Les élèves vont peut-être parfois se sentir en conflit de loyauté avec leur famille et leur éducation : pour l’éviter au maximum, préparer les familles en amont et créer une relation de confiance est une bonne entrée en matière. Pensez à planifier les séances pour pouvoir anticiper les situations qui peuvent nécessiter de la prudence et de la réflexion et à bien employer des précautions de langage et vous serez parés !
L’une des astuces est de les prévenir de ces moments de vivre ensemble où nous travaillons sur les faits religieux et la laïcité. Leur proposer de vous poser leurs questions s’ils en ont, proposer aux élèves de préparer un exposé sur l’une des questions soulevées par la laïcité ou le respect des différences peut aussi permettre aux familles d’investir ces questions.
Pour en avoir discuté avec de nombreux parents, il faut avoir conscience que de nombreux préjugés et malentendus demeurent dans les esprits au sujet de la laïcité. D’une part, enseigner les faits religieux n’empiète pas sur l’éducation des familles.
Il s’agit de distinguer ce qui relève du domaine des familles, à savoir la manière dont ils éduquent leurs enfants, que cette éducation soit religieuse ou non, qu’ils peuvent transmettre à leurs enfants s’ils le souhaitent, et ce qui relève de l’école, à savoir un enseignement laïque des faits religieux, qui permet aux élèves d’acquérir des connaissances sur une diversité des convictions et sur la laïcité. Leur dire que cet enseignement ne vise pas à « faire changer les élèves de convictions » mais à découvrir la diversité dans un objectif de compréhension concrète de ce qu’est la laïcité est essentiel.
Cette confusion est importante à lever car elle est parfois mal comprise : en effet certaines familles pensent que, comme la loi de 2004 interdit le port de tenues et signes religieux ostensibles aux élèves, alors il n’est pas possible de parler de religions à l’école. Mais non ! Les élèves n’ont pas d’obligation de neutralité : ils peuvent parler de leurs croyances s’ils le souhaitent. En revanche, ils doivent le faire en respectant la liberté de conscience de leurs camarades, sans exercer de pressions sur les autres.
Les enseignants sont tenus d’être neutres, c’est-à-dire qu’ils ne manifestent pas leur conviction (qu’elle soit religieuse, athée ou agnostique), ni en l’évoquant, ni en la montrant à travers des signes religieux par exemple. Cette obligation de neutralité (loi de 1905) est liée au fait que les enseignants - comme tout agent de l’État exerçant dans des institutions publiques - sont des représentants de l’État, et qu’à ce titre, ils se doivent d’être neutres, comme ce dernier, afin d’accueillir les usagers du service le public auquel ils ont affaire sans distinction ou privilège.
Il est donc nécessaire parfois de faire de la pédagogie avec les familles, de resituer le débat et affirmer qu’à l’école, certes on n'enseigne pas de religion, mais on a le droit et même le devoir d’enseigner les faits religieux. Rappeler aussi que la laïcité n’est surtout pas la négation des croyances mais l’affirmation du droit français envers la liberté individuelle de conviction. On pourra également accueillir quelques parents lors des séances du jeu de l’Arbre à défis. Pour l’avoir fait, les parents ont affirmé leur enthousiasme vis-à-vis de ces pratiques « nouvelles » pour eux et de la clarification de la définition de la laïcité et de ses enjeux.
Rappelons que des parents inquiets créent des inquiétudes et un sentiment de défiance chez leurs enfants. Il s’agit donc d’anticiper et de proposer une rencontre, une participation à un atelier et/ou des explications si vous pensez que cela est nécessaire. Il sera toujours plus efficace d’agir en amont que de devoir faire ce travail à partir de craintes cristallisées ou de propos de leur enfant mal interprétés. La clarification des objectifs et des enjeux de ces séances pourra rassurer les parents sur ce qui se passe en classe.
Enfin, ce que j’aime à leur dire, c’est que j’accueille et j’enseigne à leur enfant dans sa totalité, son « entièreté ». Je ne laisse pas une partie de l’identité de mes élèves à la grille de l’école. Quelles que soient leurs convictions ou celles de leur famille, rappelons que nous œuvrons pour la réussite de tous les élèves, et dans tous les domaines. À nous de tenir notre rôle de professionnels de l’éducation (c’est un brin moralisateur peut-être, mais c’est à avoir en tête pour que ces séquences se déroulent au mieux).
Voici une vidéo sur la laïcité à l’école qui peut vous aiguiller.
Nous savons tous que les enfants comme les adultes rattachent ce qu’ils découvrent, ce qu’ils apprennent à un vécu qui leur est propre et cela pour donner du sens aux apprentissages. L'important est d'accueillir avec bienveillance leurs témoignages et de leur expliciter avant la séquence les objectifs de travail et les enjeux des séances proposées sur “Origine, conviction et nationalité”.
Mais comment faire si l'un de vos élèves se montre fermé au fait qu’il existe différentes convictions ou à leur diversité interne ?
Si un élève ne s'intéresse qu'à sa propre conviction ou bien à un degré supplémentaire ?
Si un élève se bouche les oreilles lorsqu'on parle d'une autre religion que la sienne ? Ou s’il refuse de visiter une église ?
La même attitude bienveillante doit être maintenue ; on le questionne (« Penses-tu que si tu entres dans une église, tu vas devenir chrétien ? Tu crois que si tu apprends des choses sur les croyances des hindouistes, tu vas devenir hindouiste ? »…) et on fait ainsi passer en douceur l’idée qu’apprendre sur d’autres convictions que celles dans lesquelles les élèves grandissent n'est pas une incitation à changer de croyance !
On peut aussi ouvrir le questionnement sur d’autres sujets moins « sensibles » pour les élèves. On pourra aborder la question des convictions politiques par exemple, ou bien l'évolution des croyances tout au long de l’histoire de l’Homme (j’utilise souvent la conversion de Clovis au christianisme pour expliquer ce droit car les élèves font ici le lien avec un apprentissage antérieur, et ainsi y mettent du sens). Cela permet de contourner un éventuel blocage de la part de l’élève et de lui donner du temps pour entrer dans une réflexivité qui lui permettra un jour de construire son identité au regard des autres, dans une attitude de respect mutuel.
C’est une bonne occasion de pratiquer le débat à visée philosophique (travail sur le langage oral en lien avec les valeurs morales et civiques). À travers la pratique du DVP, il faut envisager une progressivité :
Ici, cette séquence permettra aux élèves de construire une vision claire de leur identité (origine, conviction, nationalité) et de celle des autres également. On travaillera sur l’esprit critique et on mettra les élèves en situation de s’interroger : « Un français peut-il être musulman ou hindouiste ? », « Un hindouiste est-il forcément français ? », « Un musulman peut-il être américain ? », « Un bouddhiste est-il forcément asiatique? »… C’est de cette manière que la question de l’identité sera appropriée par les élèves sans remettre en question leur propre identité. Nous veillons à ce que le respect de soi et de l’autre soit la toile de fond de tous ces débats.
Cette dernière proposition ne fait appel qu’au bon sens que parfois on peut oublier quand on est aux prises avec les programmes, un élève récalcitrant, une famille qui exprime son inquiétude d’une manière un peu trop véhémente… Il s’agit de maintenir une posture professionnelle toujours éthique et respectueuse de chacun.
Notre neutralité professionnelle, toujours et évidemment sera la clé de voûte de cette posture qui doit être exemplaire. Mais ne pas hésiter à l’expliquer aux élèves et aux parents est tout aussi important. Cela permet de clarifier le débat, de maintenir le cadre de travail et de rassurer toute inquiétude éventuelle. En prenant les devants et en maintenant cette posture, bon nombre d’écueils seront évités.
L’accueil bienveillant des paroles des enfants comme celles des adultes, des parents parfois inquiets et quelquefois maladroits dans leurs propos, doit aussi être un fil conducteur de nos gestes et postures professionnels. Si certaines paroles nous interpellent, nous brusquent ou sont hors du champ de ce que l’on apprend à nos élèves, c’est aussi normal vu qu’ils sont bien à l’école pour les y apprendre. Se laisser du temps, parfois même différer de quelques jours pour comprendre une situation ou un propos, différencier l’approche, savoir comment réagir efficacement sera une attitude salvatrice pour vous comme pour vos élèves.
Voici quelques suggestions de gestes professionnels qui j’espère vous rassureront et vous permettront de planifier cette séquence de manière sereine. C’est en suivant ces quelques principes que mes séances se sont toujours très bien déroulées et que les questions soulevées parfois par mes élèves comme leurs familles ont trouvé leurs réponses.
Claire Le Gall-Donot, professeure des écoles
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