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Continuité pédagogique et enseignement professionnel : état des lieux

Julia Barré
23 avril 2020 12:34
5 mn

Lundi 16 Mars 2020, même si la situation nous semble surréaliste, le confinement se met en place. Les élèves de 1er année CAP Monteur Installateur Thermique vont rester chez eux. L’équipe pédagogique également ! Soudain, du jour au lendemain, nous vivons une situation inédite où se dessine un premier objectif « Assurer la continuité pédagogique ». 

De nombreuses questions se sont (im)posées

Naturellement et rapidement une multitude de questions se sont posées le week-end précédant le confinement :

  • Comment enseigner la pratique professionnelle à distance ? Est-ce que tous les élèves ont bien à disposition un poste à souder, des barres de cuivre, d’acier, des cintreuses… ?
  • Comment assurer la continuité pédagogique pour des élèves allophones ? Pour les élèves fragiles ? Pour les élèves qui ont entamé une réconciliation avec l’institution ? Pour les autres ? Comment s’y prendre ?
  • Quel état des lieux ? Où en sont les élèves ? Comment perçoivent-ils le confinement ? De quels moyens disposent-ils ? Comment garantir l’équité au travers de la continuité pédagogique ? Quels sont les outils à notre disposition ?
  • Comment intégrer la continuité pédagogique dans la progression annuelle ? Pour combien de temps ? Quelle stratégie adoptée ? Laquelle sera la plus judicieuse ? Quels sont les véritables enjeux ? Quelles sont les priorités ?
  • Comment va travailler l’équipe pédagogique ? Comment communiquer efficacement avec les élèves ? Allons-nous les « perdre » ? Comment les élèves sont-ils en mesure d’accueillir les flots d’informations ? Sont-ils suffisamment autonomes pour organiser leur journée ? Comment vont-ils pouvoir restituer leur travail ? Et le corriger ?...

 

Bref, à cette époque si certaines questions trouvèrent rapidement des réponses, d’autres au contraire restèrent en suspens ! Sans aucun doute, elles servirent à mettre en place un début de stratégie. Pour répondre efficacement à un maximum d’entre elles, une seule solution : échanger dès le début de la première semaine de confinement avec les élèves et les représentants légaux pour que l’équipe pédagogique puisse par la suite apporter les réponses les plus judicieuses et les plus équitables possibles.

Faire un état des liens !

La première semaine aura donc été celle du questionnement
Comment s’assurer de la production des élèves et par quels moyens ? Le plus simple pour y répondre : mener une enquête en contactant les élèves et leurs représentants légaux pour faire un point sur les équipements dont ils disposent. 

Le résultat fut sans appel : 75% n’ont pas d’ordinateur, aucun n’a d’imprimante ni d’ailleurs de poste à souder, et seulement 25 % sont en mesure de se connecter aux outils institutionnels comme Pronote et Toutatice. Est-ce le mode d’utilisation du numérique qui crée la fracture sociale ? 

Cependant au fil des échanges, un outil commun à tous, pourtant tant de fois décrié en présentiel allait devenir crucial : le smartphone. Fort de ce constat, il ne restait plus qu’à échanger avec l’équipe pédagogique pour définir les objectifs et mettre en place un mode opératoire accessible pour tous nos élèves. À ma grande surprise, la réflexion fut longue, voire douloureuse… Elle apporta son lot de certitudes et de doutes pour finir par dégager la priorité des semaines à venir : « Le maintien du lien ».

Mais de quel « lien » parle-t-on au juste ? Le lien administratif ? Le lien numérique ? Le lien de confiance ? Où placer le curseur sans pour autant être trop intrusif ? Et comment en assurer la continuité ? Dans quel but ? Bref, nous voilà retombés dans les travers du « questionnement chronophage » mais quoi qu’il en soit salvateur… Cependant, la fin de la première semaine de confinement approchait, il nous fallait absolument prendre des décisions.

 

« Choisir, c’est renoncer » selon André Gide… 

Et bien dans un premier temps, oui ! Nous avons renoncé à la RGPD. Notre stratégie : « Partir de ce que les élèves maîtrisent et connaissent le mieux pour les amener progressivement à utiliser des outils institutionnels en instaurant des rituels qui permettront de maintenir un lien ». Cette fois-ci, nous étions enfin pragmatiques et avions répondu à nos questions.
 

« Comment transmettre le travail aux élèves ? » 

En privilégiant l’utilisation d’un seul canal : Facebook. L’équipe pédagogique envoie le travail à réaliser au professeur principal qui harmonise la charge de travail journalière en la déposant sur le réseau social. Cette charge est estimée entre 2 et 3 heures pour un élève moyen du groupe.
 

« Quels outils pour communiquer avec les élèves ? »

Le premier est une ressource padlet (organisée par journée), proposant un lien vers des capsules vidéo. Le second est le seul canal de communication utilisé (Facebook) permettant de transmettre des consignes audio. Le troisième est un groupe WhatsApp facilitant les échanges directs. Enfin le dernier incontournable, et sans le plus utilisé : l’appel téléphonique individuel !
 

« Les outils des élèves ? » 

Leur smartphone, leurs cours, un cahier d’activités qui deviendra, chemin faisant, un « carnet de souvenirs ». 
 

« L’activité des élèves ? » 

Dans un premier temps, ils recopient les exercices dans leur « carnet de souvenirs ». Ensuite, ils les effectuent en s’appuyant si besoin sur les ressources mises à disposition et sur la disponibilité des professeurs
 

« La communication avec l’équipe pédagogique ? »

Mise en place d’une réunion hebdomadaire pour faire le point sur les retours des élèves, sur les difficultés rencontrées et les axes de progression à privilégier.
 

« Comment maintenir le lien ? » 

En instaurant des rituels journaliers : une première vidéo humoristique présente la journée afin d’« accrocher les élèves », ensuite un message précise les créneaux horaires de travail et enfin une dernière vidéo présente les activités à réaliser. Les élèves renvoient leur production via leur smartphone. Le tout étant agrémenté d’appels téléphoniques quotidiens permettent d’accompagner chaque élève.
 

« Comment maintenir la motivation et l’appartenance au groupe ? » 

En créant un projet collaboratif et en leur donnant un rendez-vous hebdomadaire avec un studio d’enregistrement afin de réaliser un « RAP » qui leur permettra de verbaliser leur propre expérience de confinement.

 

Le temps du bilan à mi-parcours

Nous voilà donc arrivés à l’heure du bilan que nous espérons de mi-parcours… Au bout de 4 semaines d’accompagnement pédagogique, les élèves s’essoufflent. Leur rythme biologique s’est décalé. Cela engendre du retard dans les restitutions, toutefois, le taux de retour reste satisfaisant (environ 80%). L’équipe pédagogique a continuellement adaptée sa communication, ses pratiques et ses exigences. Le lien de confiance avec les élèves s’est maintenu voire renforcé avec certains. 

En fait, nous avons tous eu le sentiment de vivre au travers du numérique ce que nous vivions en présentiel au lycée. En effet, si dans la majorité des cas les échanges avec les élèves restent les mêmes, dans d’autres, ils ont pu être facilités voir renforcés par l’utilisation du numérique (sans doute grâce au côté individualisé, intimiste voire intrusif, et la disponibilité que ce moyen de communication permet). 

Les relations avec les collègues sont également transposables : les questionnements, les accords, les désaccords, les concessions ont continué d’exister. De toute évidence, c’est la vie d’une équipe pédagogique soucieuse de la progression de ses élèves. D’ailleurs, au travers des retours, les résultats sont plutôt encourageants. En effet, suivant leurs appétences pour les disciplines, certains de nos élèves se sont perfectionnés, d’autres auront maintenu leur niveau et enfin d’autres, il ne faut pas se voiler la face, auront malheureusement régressé. 

Certes, l’enseignement professionnel aura pu être abordé de façon théorique, mais il n’aura pas pu permettre la mémorisation du geste et remplacer ainsi la pratique en atelier ou dans l’entreprise (PFMP). Toutefois, le maintien du lien au travers de la mission de professeur principale et d’enseignant, va aussi bien faciliter les productions théoriques que les productions pratiques de nos élèves à leur retour au lycée.

Le retour au questionnement salvateur !

Et nous voilà de nouveau confrontés au questionnement chronophage :

  • Combien seront-ils à la rentrée ?
  • Où en sera leur motivation ?
  • Quel rythme biologique auront-ils ?
  • Allons-nous pouvoir définitivement basculer sur l’utilisation des outils institutionnels ?
  • Comment reprendre la dynamique numérique ?
  • Devons-nous préparer la période de déconfinement sur la fin de la continuité pédagogique ?
  • Comment individualiser l’accompagnement ?
  • Comment faciliter la différenciation ?
  • Comment intégrer la correction ?
  • Comment atténuer l’écart que l’utilisation du numérique a pu créer ?
  • Comment allons-nous réexploiter ce « lien numérique » ?...
  • Quelle place allons-nous devoir, ou pouvoir, accorder à l’atelier ?

 

Sans doute reste-t-il une multitude de questions à venir… Mais celles-ci étant au service de la pédagogie, elles s’imposent comme salvatrices pour faire face à cette situation exceptionnelle et anxiogène. Dorénavant, pour y répondre, nous ne perdrons pas de vue que même au travers l’utilisation du numérique : « C’est bien l’humain qui fait la différence ! »

Thierry Leray
Enseignant génie civil option équipements techniques-énergie

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